27 avril 2009

Est-il risqué d’être un patron de nos jours ?


Suite à certains de mes billets, j’ai reçu de nombreuses notes sur mon adresse email (donnée en entête de ce blog) sur le thème du risque pesant sur les chefs d’entreprises. Alors que je m’apprêtais à rédiger un nouveau message pour y répondre, je suis tombé par hasard en fin de soirée de ce dimanche 26 avril 2009 sur l’émission Ripostes (France 5, animée par Serge Moati en photo) consacrée au sujet. De nombreuses questions se posent en effet suite aux récentes séquestrations de dirigeants. Sont-elles légitimes ? Doivent-elles être sanctionnées ?

Le blog de l’émission rappelle les faits :
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Continental, Caterpillar, Molex... les exemples de durcissement des conflits sociaux se multiplient. Après avoir été montrés du doigt pour leurs rémunérations jugées indécentes, des dirigeants d’entreprise sont purement et simplement retenus par leurs salariés, dans les locaux de leur société.
Mercredi, quatre cadres de Caterpillar, retenus toute une nuit, fin mars 2009, par les salariés, au siège de l’entreprise, à Grenoble, ont déposé plainte contre X pour séquestration.
De leur côté, deux dirigeants de l’équipementier automobile Molex de Villemur-sur-Tarn, en Haute-Garonne, ont estimé avoir été victimes d’une "prise d’otages", lorsqu’ils ont été séquestrés pendant vingt-six heures par des salariés.
Pour l’usine Continental de Clairoix, dans l’Oise, le gouvernement affirme avoir eu vent d’un repreneur potentiel. Le conflit a tout de même occasionné des manifestations en Allemagne, mais surtout des dégradations importantes, dans l’usine française ainsi qu’à la sous-préfecture de Compiègne, par des salariés en colère.
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Je prends une position claire sur le sujet. Je suis en désaccord total avec ces actes de violence répétés. Pourtant, je suis le premier à comprendre la détresse dans laquelle se trouvent toutes les personnes qui viennent de perdre leur emploi. Comment l’accepter quand on sait que la crise actuelle est le fait de financiers sans scrupule (ou incompétents, je ne sais pas ce qui est le pire !) qui se sont par ailleurs enrichis ? Comment l’acceptez quand on voit les salaires mirobolants attribués aux dirigeants salariés d’entreprises (parfois en perte) ? (il en est autrement pour les dirigeants fondateurs de mon point de vue). Les dysfonctionnements du système actuel sont nombreux. Trop nombreux. Mais la France est d’abord le pays des libertés, de la démocratie, où le débat sous toutes ces formes est possible. S’il y a opposition de vues, le dialogue doit être établi pour tenter de trouver une solution, ou la médiation dans d’autres cas. Dans les situations extrêmes où l’une des parties estime être lésée, les tribunaux sont là pour dire la loi et réparer les préjudices causés. Mais dans tous les cas, retenir quelqu’un contre son gré n’est pas acceptable. L’Etat ne doit pas accepter cela et doit intervenir. Les personnes fautives doivent être condamnées. La tolérance à ce niveau est impossible.

Certains dirigeants politiques parlent de « climat révolutionnaire » ! Bien sûr les tensions sont là. Comment pourraient-ils en être autrement ? Jamais une crise n’avait frappé le monde aussi lourdement. Mais il faut aussi raison garder et ne pas se laisser aller à des commentaires excessifs et dangereux. De nombreux esprits faibles (ou influençables) ne demandent pas mieux que de justifier leurs actions lâches — parfois violentes — sur la foi de déclarations d’hommes et de femmes au demeurant respectables. Je ne crois pas que la France puisse basculer dans une révolution … Elle peut sombrer dans la grève, dans la contestation, mais de là à imaginer le pire, il y a un pas que je ne veux pas franchir.
Je préfère et de loin me dire que les premiers signes de reprise se confirment dans certains pays. En Europe, comme aux Etats-Unis, elle sera longue à venir. Mais à n’en pas douter, la crise aura entraîné une profonde remise en cause, une réflexion intense sur nos systèmes, nos valeurs, notre gouvernance, nos lois, etc. Grâce à elle, nous aurons réfléchi sur ce que nous voulons vraiment.

Et ça, ce n’est pas rien.

20 avril 2009

La chine : prête à repartir ?


La croissance de la Chine a été divisée par deux depuis 2007. Le PIB de l’empire du milieu — en variation annuelle et en % — est ainsi passé de +12,6% en Juin 2007 à +6,1% en Mars 2009 (selon le Bureau national des statistiques, BNS). Ces chiffres parlent d’eux-mêmes ! Pourtant, certains économistes et conjoncturistes commencent à sentir les frémissements d’une possible reprise ! On ose à peine à croire. Mais certaines statistiques viennent étayer leurs propos:
  • Tout d’abord, les investissements en capital fixe en zone dite urbaine ont progressé de plus de 30% au mois de Mars 2009 (26,5% pour les deux mois précédents) ;
  • Ensuite, la production industrielle a connu une augmentation de 8,3%, contre moins de 4% pour les mois de Janvier et Février ;
  • Enfin les ventes de détails se sont envolées, affichant une croissance de plus de 14% en Mars 2009.
Certes, l’économie chinoise connaît indéniablement un net ralentissement. Les plus pessimistes affirment du reste que ce début de reprise apparaît incertain, une croissance en « W » comme disent les experts. Rien ne prouve selon eux que les ventes de détails pourront continuer sur la même lancée. Néanmoins, ces chiffres viennent conforter ceux qui voient la Chine sortir plus vite que prévu du marasme actuel. Il est vrai que le plan de dépenses publiques de 465 milliards d’euros a dopé la confiance des investisseurs et favorisé la relance économique. Les clignotants semblent donc se mettre au vert du côté des investisseurs, mais pour savoir si cette reprise a des chances d’être durable, il faut également regarder en direction des consommateurs et vérifier s’ils sont prêts à dépenser plus. Ceci est d’autant plus important que le risque inflationniste existe toujours, avec les conséquences que l'on pourrait imaginer. Enfin, le gouvernement chinois a besoin d’une croissance soutenue pour éviter l’accroissement du chômage. Un taux de 6 à 8% semble être le taux minimum requis. En dessous, le système risque de s’échauffer, nécessitant des ajustements par des réductions d’effectifs. Au final, ces nouvelles sont positives. Elles méritent cependant d’être confirmées dans les deux à trois mois à venir.

11 avril 2009

Le résultat trimestriel pour l’entreprise n’a aucun sens !

Cela fait un moment que nous le pensons (ref. le premier billet de ce blog : « Halte à la dictature de Wall Street »). Un chef d’entreprise ou un dirigeant a besoin de temps pour développer sa stratégie, puis la mettre en œuvre. L’effet de son action ne peut pas se mesurer en quelques trimestres. Non content de ne pas avoir beaucoup de sens, ce couperet trimestriel — épée de Damoclès permanente — présente un autre inconvénient de taille : il empêche les dirigeants de lancer des actions de moyen ou long terme, parfois de démarrer des chantiers de transformation devenus indispensables pour la sauvegarde de l’entreprise, sur le seul motif que cela pourrait être mal interprété par les bourses mondiales.
Franz-Olivier Giesbert signe un article intéressant à ce propos dans Le Point.fr du 26 Mars 2009 que nous diffusons ci-dessous.

Publié le 26/03/2009 N°1906 Le Point
« L'idée la plus stupide du monde »
Franz-Olivier Giesbert

Que la moralisation du capitalisme soit en cours, voilà enfin une bonne chose, et on ne s'en plaindra pas. Elle a simplement trop tardé.
Il y a des années que nous mettons en garde, au « Point », contre le « cupiditisme » et des pratiques goinfresques qui déshonorent un système économique, le capitalisme, qui est le pire de tous, à l'exception de tous les autres, pour paraphraser Churchill.
La croisade de Nicolas Sarkozy contre les banquiers ou les patrons gloutons est donc tout à fait justifiée. Elle peut apaiser un moment la haine sociale qui monte dans le pays. Mais il est clair que se pose, dans la foulée, la question de la refondation d'un modèle qui, avec son obsession du lucre, a creusé sa propre tombe.
Jack Welch, patron de General Electric pendant vingt ans, a tout dit là-dessus. Jusqu'au krach, c'était l'icône et le commandeur du capitalisme américain, un fanatique de la croissance et de la rentabilité, sacré naguère « manager du siècle ». Il nous assure aujourd'hui que l'obsession, chez les entrepreneurs, du résultat trimestriel et de la valeur de l'action était « l'idée la plus stupide du monde ». Dont acte.
Avant le G20, il est temps que les gouvernements commencent à songer aussi à l'après-crise, pour définanciariser une économie trop longtemps tyrannisée par des marchés qui, finalement, font la loi dans les entreprises. Jusqu'à ces licenciements dits boursiers, comble de « l'horreur économique », qui mettent les spéculateurs en joie. La finance est une chose trop importante pour être confiée aux seuls financiers. Depuis le temps qu'on le sait, il ne faudrait plus jamais oublier de s'en souvenir.

06 avril 2009

Interview de Dean Baker : "La solution, c'est d'organiser la faillite des banques."

Dean Baker
J’ai trouvé intéressant de publier cette interview de Dean Baker, codirecteur du Center for Economic and Policy Research (Centre pour la recherche économique et politique). Les propos sont originaux et même surprenants …
Je laisse aux lecteurs le soin d’en tirer les enseignements nécessaires.

Interview publiée dans le numéro du 2 Avril 2009, page 51, édition papier.
Le Point : Qu'est-ce qui vous gêne dans le plan Obama de sauvetage des banques ?
Dean Baker : Certaines de nos plus grosses banques sont de manière évidente en faillite. La solution, c'est de les fermer, de procéder à une mise en faillite organisée, ordonnée. Au lieu de cela, avec le programme d'achat d'actifs toxiques, on va déverser des montagnes d'argent public, sans aucune transparence. Le mécanisme va, en fait, autoriser des investisseurs à acheter ces actifs toxiques avec de l'argent public quand, de leur côté, le risque sera minimal. En outre, c'est politiquement dangereux : dans quelques mois, les électeurs s'apercevront que des spéculateurs ont gagné des millions grâce à ce programme, sur le dos du contribuable.
Le Point : Mais l'argument de l'administration Obama est que ces banques sont trop importantes pour qu'on les laisse tomber...
Dean Baker : S'il s'agit d'un processus de faillite organisée, ce n'est pas vrai. Les dépôts de ces banques sont couverts par la FDIC [Federal Deposit Insurance Corporation, l'organisme fédéral chargé d'assurer les comptes bancaires] dans de larges proportions. D'autres créanciers essuieraient, certes, des pertes, mais ce n'est pas un drame. Et, de toute façon, ce plan ne sera vraisemblablement pas suffisant, il faudra revenir devant le Congrès demander une rallonge dans quelques mois. Autant régler le problème maintenant et sans gaspiller l'argent du contribuable.
Cette capitulation devant les banques n'est pas surprenante : la proximité de Tim Geithner [le secrétaire au Trésor] et de Larry Summers [président du conseil économique national à la Maison-Blanche] avec les milieux financiers était connue. C'est sans doute trop difficile pour eux de dire aux banques dont ils sont si proches : « Vous êtes la cause du problème. »
Le Point : Comment jugez-vous les autres initiatives d'Obama pour relancer l'économie ?
Dean Baker : Il se montre très actif et c'est ce qu'il faut. Le passage du plan de relance de l'économie de 700 milliards de dollars est un coup politique admirable. Le problème, c'est que ce n'est pas suffisant.
Le Point : Mais comment le Congrès acceptera-t-il de dépenser encore plus alors que le déficit budgétaire atteint des sommets ?
Dean Baker : Attendez les prochaines mauvaises nouvelles ! Le chômage, par exemple : on prédisait 10 % à la fin de l'année, en fait ce sera sans doute dès cet été. La bulle de l'immobilier commercial n'a pas encore fait sentir ses effets et ils seront terribles. La crise est loin d'être terminée.
Quant au déficit budgétaire, c'est un problème très exagéré. Quand la croissance sera revenue, il se résorbera très vite. L'endettement public américain est encore tout à fait supportable
Propos recueillis par Emmanuel Saint-Martin, Le Point