Vers la créativité sélective.
A la fin du post 1 de cette nouvelle rubrique "Nouveau modèle de société ? Nouveau leadership ?", j'écrivais qu'avant de définir les qualités du leader de demain, encore fallait-il savoir ce que serait justement le monde de demain ? Vers quoi allons-nous ? En fonction de cela, nous verrons bien si les leaders actuels sont capables d'évoluer dans ce nouvel environnement ou s'il nous faudra au contraire aller chercher une nouvelle génération, plus à même d'embrasser les défis actuels et à venir.
Ce n'est pas faux. Et en même temps, il serait légitime de se demander si ce ne sont pas les femmes et les hommes qui vont influencer notre évolution future ... et ce que sera notre environnement demain. Il en a au fond toujours été ainsi. Aux moments clés de l'histoire de l'humanité, il y a toujours eu des individus, hors norme, que ce soit du côté de l'entreprise ou du monde public et politique, qui ont surgi pour guider les autres, pour trouver de nouveaux chemins.
Pourquoi en serait-il autrement aujourd'hui ?
Il n'y a là aucune raison en réalité que cela soit différent. Le génie humain a inventé les religions, le monothéisme en particulier, le concept même de la démocratie, de la liberté, le droit, mais il a aussi permis de constamment faire progresser la pensée, les idées, l'art. Le progrès technique nous permet de mieux vivre, plus longtemps, en meilleure santé, de gagner du temps, de faire des choses que nous n'aurions pu imaginer quelques décennies plus tôt. On peut par exemple traverser l'atlantique en quelques heures aujourd'hui ! C'était impensable au début du siècle dernier. On soigne des cancers, on prévient des infarctus, on imprime des objets (3D) et on se déplace avec son bureau ou son "chez soi" grâce aux technologies de la mobilité.
L'innovation, voilà bien ce qui guide le monde. Elle permet de progresser, de changer notre vision du monde, nos paradigmes. Elle permet aux entreprises de concevoir de nouveaux produits et services, de dégager des profits qui servent au réinvestissement et à la création de valeur et d'emplois ! Sans innovation, le monde ne serait pas là où il en est.
Il y a une condition néanmoins. Faut-il encore que cette innovation soit tournée sur le bien-être, sur le service rendu à la communauté. Un produit qui n'aurait aucune utilité permettrait peut-être d'enrichir un individu ou plusieurs pendant un temps donné mais au final il n'y aurait là aucune création de valeur.
Alors, comme je le dis souvent, notre société a évolué par étape depuis la fin de la première guerre mondiale. Avant 1940, les lettrés dominaient. Passer un bac philo ou entrer à Normale Sup en section littéraire ou philosophique était la panacée. Les idées avaient le vent en poupe. Après la seconde guerre mondiale, il a fallu tout reconstruire. Les ingénieurs ont pris la barre et gouverné pendant les trente glorieuses. Cela va profondément modifier l'évolution sociétale des économies occidentales. Mais après deux chocs pétroliers et une industrie plus ou moins bien rétablie, il a fallu trouver un nouveau carburant. Les marchés financiers allaient prendre le relais pour les deux décennies suivantes, propulsant les financiers au pouvoir. Les ingénieurs viennent flirter avec les salles de marché oubliant leur formation d'origine.
Mais aujourd'hui, comme le dit Michel Serres, nous ne sommes pas face à une crise mais face à un "changement de monde" (voir mon post du 18 février 2013). La spéculation a tout broyé sur son passage. Nous avons eu les yeux plus grands que le ventre ou en d'autres termes nous avons vécu au-dessus de nos moyens. Cela est vrai pour nous autres individus lambda, mais aussi au niveau des entreprises (le modèle de la valorisation à court terme) ou des états (accroissement des déficits publics et par là-même de la dépense publique).
Le modèle actuel ne convient plus. Il faut imaginer un monde différent. Il va falloir le "digitaliser" pour en tirer tout le potentiel, intégrer les générations des "digital native", la diversité et changer notre appréhension au monde, par exemple la prise en compte de la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises). Voilà des défis passionnants qui nous font face et qu'il faudra aborder d'une façon différente.
Pour autant, il faudra le faire sans renier le passé, nos valeurs, notre culture au fond. Car nous ne sommes que le produit de notre histoire. Impossible de se projeter sans en avoir la pleine maitrise.
L'innovation n'a jamais cessé. Mais l'innovation utile s'est un peu éloignée. Elle n'est pas toujours recherchée et n'est plus l'élément vital de décision. On innove pour vendre et moins pour être utile à la société. Pourrait-on renoncer aujourd'hui à mettre sur le marché un produit néfaste et inutile mais porteur d'enrichissement potentiel. J'espère que oui mais je n'en suis pas du tout persuadé.
Nous sommes dans une société de l'hyper-consommation. Et nous allons devoir revoir nos objectifs. Aussi pour des raisons liées à l'environnement. Que veut-on faire du monde de demain ? Y répondre c'est définir une direction et un axe d'évolution pour l'humanité avec une inflexion certaine et nécessaire.
Ce post met en avant des idées très différentes. Les suivants y reviendront mais l'idée de ce jour est celle-ci : après les littéraires, les ingénieurs, les financiers ... eh bien nous allons vers les créatifs !!! Ce sont les créatifs qui vont faire bouger les frontières. Plus que les politiques au fond. Les créatifs seront partout. Dans l'entreprise, dans l'enseignement, dans les administrations, dans les gouvernements, dans l'art, partout.
L'ère à venir sera celle de la créativité sélective ou de la créativité utile. Pas créer pour créer. Mais créer pour le mieux.
Et bonne nouvelle, cette fois personne ne devrait être privilégié ou défavorisé. Car chacun peut créer et innover. Le profil comptera plus que la formation. La personnalité primera plus que le reste. L'envie, la passion, l'élan que l'on saura générer ou pas.
C'est sans doute pourquoi on nous parle sans cesse de startups, d'entrepreneuriat et de tout ce qui touche à la création. Car nous sentons que les choses vont peu à peu dans ce sens.
Nous cherchons un nouveau modèle. L'innovation en sera le ciment. Là il n'y a aucun doute. Il convient même de l'espérer.