Brutalement la Chine nous
inquiète. On se demande si la décélération de sa croissance pourrait se
propager au reste du monde. C’est plus cela qui nous perturbe que son état
réel. Les difficultés des chinois ne sont pas fondamentalement le souci
occidental, mais qu’elles puissent plonger le monde dans une récession durable
est plus perturbant. Un peu comme le printemps arabe dont beaucoup avaient
seulement retenu la possibilité d’une contamination à d’autres zones au lieu
d’y voir simplement un formidable élan humain, une envie de liberté et de
rénovation. On s’interrogeait alors sur la Russie et sur d’autres nations où
l’humeur citoyenne faisait des siennes. Les marchés n’aiment pas les
révolutions. Surtout lorsqu’elles se multiplient et se développent.
Quand l’argent vient se mêler aux débats d’idées,
rien n’est plus vraiment objectif.
La Chine inquiète donc. D’un certain point de vue, cela
peut se comprendre puisque l’on tablait sur des taux de croissance de 8%.
Certains espéraient les deux chiffres. Et puis là, soudainement, nous n’aurions
plus que 7%, 5%, voire moins. Enfin … façon de dire car dans le monde actuel,
dépasser les 3% c’est être un quasi extra-terrestre.
Mais les marchés n’aiment pas non plus les mauvaises
surprises. Ils n’aiment pas être pris de court, lorsqu’ils ne maitrisent plus
les événements. Pourtant, cet ajustement chinois était largement prévisible.
Pour une fois, il avait été prévu par de nombreux économistes, de toutes
tendances politiques du reste. La Chine s’étant engagée dans une vaste
transition économique, pour miser davantage sur la demande domestique et moins
sur les exportations, il était évident que cela ne se ferait pas aussi
facilement. Les ajustements en économie créent des secousses, c’est inévitable.
La Chine n’y est pas parvenue à ce jour, c’est une évidence, la dévaluation de
sa monnaie apparaissant d’une certaine façon comme une bouée de sauvetage pour
relancer les exportations et ne pas exposer (de trop) le citoyen chinois.
Mais la Chine reste un marché gigantesque, dont le
potentiel est loin d’avoir été exploité. Le pays est en pleine mutation. Une
mutation technologique, économique, sociale et humaine. Une transformation sans
précédent.
Les héros sont fatigués …
Un peu oui, car depuis des années, nous vivons dans un
climat incertain, où rien ne semble plus figé. En fait, rien ne l’est. Selon
l’expression de Maurice Levy, le PDG de Publicis, formule devenue célèbre à
présent, toutes les industries, toutes les économies sont potentiellement
confrontées à un risque d’« ubérisation » !
Il y a eu l’écroulement de la nouvelle économie aux débuts des années 2000, les
attentats du 11 Septembre, la paralysie qui s’en est suivie, puis la
reconstruction incertaine, avant que l’on ne sombre de nouveau dans une crise
d’une ampleur sans précédent. En 2008, c’est l’effondrement. Subprimes,
faillite de Lehman Brothers, économies mondiales et européennes en difficulté. L’Irlande, l’Espagne, le Portugal
plongent. La Grèce aujourd’hui.
Ah oui la Grèce ! A l’inverse de beaucoup, je me garderais de donner une position définitive sur la situation grecque. Il y a entre moi et la Grèce plus qu’une analyse économique et financière d’un pays … il y a ma jeunesse, mes lectures, les héros mythologiques, Aristote, Socrate, Platon et puis … Alexandre le Grand. J’ai du mal à être objectif avec la Grèce. N’ont-ils pas inventé la démocratie ? N’ont-ils pas structuré nos pensées et finalement nos valeurs ? Ce que nous sommes finalement, du moins en grande partie.
Mais en prenant du recul, je me demande si la solution
choisie, rester dans la zone euro et accepter un nouveau plan d’austérité,
était la meilleure solution. Cette nouvelle cure ne va-t-elle pas faire plonger
le pays un peu plus ? N’aurait-il pas été préférable d’opter pour le
Grexit ? L’exemple de l’Argentine est riche d’enseignements à cet égard.
La Chine et la Grèce sont au final certainement sources
d’inquiétudes. Mais les zones de turbulences ne sont pas uniquement là. Il y a
les ex-BRICs, appelés il y a peu à des croissances à deux chiffres dont le
premier n’était pas le 1, et qui souffrent aujourd’hui. Ainsi, la Russie ou le
Brésil ne sont pas au mieux économiquement. Ils sont à la peine.
Les Etats-Unis eux-mêmes, première puissance mondiale,
pourraient tôt ou tard entrer en récession, comme le Canada aujourd’hui.
Mais au final, la principale source d’inquiétude reste l’Europe.
Croissance molle, chômage galopant, climat morose, rien n’est simple. A cela
s’ajoute la dette des Etats.
Il y a bien sûr urgence. Il faut des actions fortes et
efficaces, d’autant plus que le chômage frappe en grande partie les jeunes. Il
faut harmoniser nos politiques fiscales, développer une véritable solidarité
entre pays, sinon il n’y a pas d’Europe. Il faut poursuivre les efforts de
rigueur, mais aussi et surtout construire un véritable plan de relance
européen. Une approche keynésienne pour soutenir la consommation et
l’investissement. Les grandes nations, dont la France, l’Allemagne et
l’Angleterre, pour n’en prendre que trois, peuvent emprunter à des taux très
bas et soutenir les axes clés de l’économie … sur le long terme, ce qui est
plus cohérent.
L’histoire est riche d’enseignements. Le monde a toujours
basculé du mauvais côté lorsque le peuple s’est vu privé de liberté, lorsqu’il
avait faim … ou les deux !
En France, la liberté ne prête pas à discussion, mais un
chômage fort, croissant, durable, touchant les jeunes en priorité, peut
déboucher sur le pire.
C’est là qu’il va agir. Et même si de façon évidente, nos
politiques le savent et sont déterminés en paroles, il faut qu’ils le soient à
présent dans les actes et bien entendu qu’ils obtiennent vite des résultats
tangibles.Certes, notre président s’est engagé à redresser la courbe de
l’emploi. Il s’est engagé à ne pas se présenter en 2017 s’il venait à échouer.
Mais cette conséquence ne pourrait en rien nous satisfaire, être une
consolation.
Nous n’avons pas ou plus le choix, nous devons réussir
sur le terrain de l’emploi. Pour nous sortir des ces multiples perfusions, des
organismes internationaux, BCE, Fed et FMI en tête.
Et pas dans trois ans, aujourd’hui !