09 juin 2015

Innovations : quel nouveau visage pour la France de demain ?

Je suis intervenu hier dans le cadre d'une table ronde organisée par "Génération Entreprise - entrepreneurs associés", avec Natacha Polony, journaliste bien connue (Europe1, Canal+, Le Figaro), Pascal Dalloz, Directeur Général Adjoint chez Dassult Systèmes et Christian Peugeot, directeur des affaires publiques et délégué aux affaires extérieurs de PSA Peugeot Citroën.

Site Génération Entreprise - Entrepreneurs associés

Le thème de la table ronde était : "L'innovation : clé du redressement économique français". Un thème qui m'est bien sûr très cher. 

Le sujet que j'ai abordé plus particulièrement était : "se réinventer à l'heure du digital : la révolution digitale transforme les business models des entreprises". Le sujet est d'actualité et bien entendu vital pour pour le futur de notre pays et des entreprises françaises.

Voici une synthèse de mon intervention : 

En quelques années, nous sommes passés de l'Octet au Digital. On ne parle plus de systèmes d'information traditionnels mais d'usine numérique, où comme pour la délivrance d'énergie électrique, nous allons vers un modèle de "catalogue de services". Aujourd'hui, personne ne cherche à savoir ce qu'il y a derrière une prise électrique à la maison lorsqu'il branche un appareil. Qu'il y ait au bout une centrale (électrique ou nucléaire) n'est pas notre souci, nous voulons un service 24h / 24, 7jours/7 et payer en fonction de ce que nous utilisons. Demain, il en sera de même avec l'informatique. Les clients veulent acheter des services et payer à la consommation. "Pay for use". Par exemple, vous dirigez une PME, vous avez 10 salariés, vous voulez que l'on adresse 10 bulletins de paie, fin de mois. Si vous en voulez 12, vous voulez voir votre facture ajustée en conséquence. C'est une confort absolu. C'est en même temps une révolution et un changement drastique. HP fonctionne déjà dans ce modèle pour les clients qui le souhaitent. Mais c'est le modèle où le marché va. Les implications de ce type de mouvements ne vont pas être neutres. Il y aura des conséquences sur divers points. 

On ne parle plus de technologie pour la technologie, mais d'usage. Ce que l'on peut faire des technologies acquises est bien plus important. C'est un changement majeur, y compris sur le plan des mentalités. 

McKinsey a publié en 2014 une étude "Accélérez la mutation digitale" montrant que la France est bien placée en matière de digitalisation pour le particulier, mais pas pour l'entreprise, où nous sommes mal classés. J'ai rajouté qu'à la maison nous sommes au 21ème siècle, avec les tablettes, smartphones, etc. mais dans l'entreprise ce n'est pas encore le cas, et le "bring your own devise" a sans doute aidé mais nous sommes loin de pouvoir réussir la convergence de toutes les technologies. Et là, sur ce sujet, nous sommes engagés dans une course contre la montre. Il faut dire que la mutation a été rapide. En moins de 30 ans, ce qui est très court, on a vu naitre l'ordinateur personnel, l'internet, les technologies objet, le Cloud, le Big data, les objets connectés, les réseaux évolués et ultra-performants, les réseaux sociaux. Sous peu, d'ici 2030, chaque mois, on connaitra le même niveau d'innovation que pour tout le 20ème siècle ! C'est un mouvement de fond. 

Les dirigeants prennent conscience de l'importance de cette mutation digitale mais très lentement. Il faut maintenant bouger plus vite. 

Il faut en même temps prendre conscience que la compétition semble parfois déséquilibrée. Les nouvelles sociétés qui émergent dans le monde, Uber, Alibaba, Airbnb, Booking.com, etc. transforment le monde des affaires et le rapport au monde mais sans posséder le capital lui-même. Amazon est un acteur de la distribution mais n'a aucun inventaire, Facebook est un leader média mais ne fabrique pas de contenu, Uber n'a aucun véhicule en propre etc. Les entreprises dites classiques doivent compenser en fait leur structure de coûts. Autrefois, posséder donnait de la valeur. Mais est-ce toujours le cas aujourd'hui ? Question intéressante. 

Il faut apprendre à travailler avec d'autres générations. L'inter-générationnel est en fait devenu un facteur critique de succès ou d'échec. 

Tout le monde a peur de se faire "Ubériser". C'est tellement fort qu'on en a fait une formule ! Dans le monde l'hôtellerie par exemple. D'un côté il y a Airbnb qui vient prendre aux acteurs en place des pans entiers de business et de l'autre Booking.com qui prend possession de la relation clients. Ne rien faire c'est aller assurément dans le mur. On peut signaler le plan stratégique bâti par le Groupe Accor qui me semble pertinent, solide et en ligne avec les attentes du marché. 

Les règles sont maintenant : désintermédiation, dématérialisation et immédiateté. 

En conclusion, j'ai indiqué que selon moi la mutation digitale stimulait la mutation sociétale qui est en cours, elle-même engendrant une mutation humaine sans précédent. Il faut revoir la façon dont nous préparons les futures générations de leaders. Le monde de l'éducation va devoir aussi se mettre au digital, les Moocs étant un bon exemple. Le leader de demain n'aura que peu de choses en commun avec ceux d'aujourd'hui. Nous sommes là aussi face à une évolution majeure, à venir. 

Des questions devront néanmoins être posées et traitées : quelles sont les limites de l'acceptable sur un plan éthique ? Quelles évolutions sociales à venir ? Futur du contrat de travail ? Transhumanisme et limites ? 

Au final, l'Etat a un rôle majeur à jouer sur ce plan, celui de mettre le curseur là où il doit être mis, sans transférer cette responsabilité au monde du privé, aux grandes multinationales en particulier. Cet effort est à mener sur un plan international. 

Nous sommes au coeur d'une révolution unique.