18 février 2013

Michel Serres : le monde au coeur d'un changement sans précédent

"Petite Poucette", de Michel Serres, Editions Le Pommier. Dans la collection "Manifestes", le philosophe et historien publie ce petit opus ...

Ce qu'en dit l'éditeur :

Le monde a tellement changé que les jeunes doivent tout réinventer !

Nos sociétés occidentales ont déjà vécu deux révolutions : le passage de l’oral à l’écrit, puis de l’écrit à l’imprimé. Comme chacune des précédentes, la troisième, tout aussi majeure, s’accompagne de mutations politiques, sociales et cognitives. Ce sont des périodes de crises.

De l’essor des nouvelles technologies, un nouvel humain est né : Michel Serres le baptise « Petite Poucette » – clin d’œil à la maestria avec laquelle les messages fusent de ses pouces.

Petite Poucette va devoir réinventer une manière de vivre ensemble, des institutions, une manière d’être et de connaître… Débute une nouvelle ère qui verra le triomphe de la multitude, anonyme, sur les élites dirigeantes, bien identifiées ; du savoir discuté sur les doctrines enseignées ; d’une société immatérielle librement connectée sur la société du spectacle à sens unique…

Faisons donc confiance à Petite Poucette pour mettre en œuvre cette utopie, seule réalité possible !

Mes réflexions sur le livre :

Comme Michel Serres, j'ai la conviction que nous sortirons sous peu de la crise financière. Non pas qu'elle sera totalement derrière nous, mais les économies occidentales devront très vite relancer la croissance, en réglant en particulier le problème de l'€, beaucoup trop haut aujourd'hui, comparativement au dollars.

Plus important, le philosophe affirme qu'il y a finalement plus important que la crise économique elle-même. Nous sommes au croisement de divers changements plus fondamentaux, qui vont influencer nos modes de vies. Je partage cet avis également. Je crois même que nous avons du mal à percevoir l'ampleur de ce qui est devant nous.

En 80 ans environ, la population mondiale a été multipliée par plus de 3 et l'espérance de vie a suivi le même chemin. La multiplication de l'agriculture vers l'industrie a été brutale. Aussi brutale que celle de l'industrie vers les services que nous commençons à découvrir aujourd'hui ... un peu tard à dire vrai.
Michel Serres met aussi en avant dans son petit livre les révolutions qui ont eu lieu au milieu des années 60 (Mai 68 en particulier), dans les années 80, puis enfin celle des nouvelles technologies. Tout cela a changé la donne. Notre donne. Que le mouvement soit idéologique, technologique ou sociétal, tout s'accélère et nous sentons bien que nous sommes en train de changer de terrain.

Et Michel Serres de conclure : "Ce n'est pas une crise, c'est un changement de monde".

Vous lirez ce livre en très peu de temps, mais il vous fera réfléchir longtemps. Le propre des philosophes !

Qui est Michel Serres ?

Professeur à Stanford University, membre de l’Académie française, Michel Serres est l’auteur de nombreux essais philosophiques et d’histoire des sciences, dont les derniers, Temps des crises et Musique ont été largement salués par la presse. Il est l’un des rares philosophes contemporains à proposer une vision du monde qui associe les sciences et la culture.

10 février 2013

Une équipe n'est pas juste une somme d'individus ...

Une équipe n'est pas juste une somme d'individus. Cela serait trop simple. Par exemple, quinze joueurs de rugby de classe internationale ne font pas forcément une équipe de classe internationale. Il en est de même pour toute autre discipline sportive, au sein d'une entreprise, d'une association, d'un gouvernement, etc.  


La question est donc bien de savoir comment former une équipe qui gagne. Certes, disposer de quelques individualités qui dans leur discipline sont les meilleurs est indéniablement un atout. Cela motive les autres joueurs en leur donnant un modèle, une référence parfois. Cela amène un public aussi s'il s'agit par exemple d'une activité sportive. Une tête d'affiche au théâtre produit les mêmes effets. Ce n'est pas négligeable mais ce n'est toutefois pas suffisant. 

Pour gagner, il faut autre chose. L'équipe doit avoir une âme, sa propre identité. Elle doit en fait exister par elle-même. 

Les principes qui s'appliquent à un leader peuvent l'être à une équipe. Un leader doit être optimiste. Une équipe aussi. Un leader doit y croire, une équipe aussi bien sûr. Un leader doit prendre plaisir à ce qu'il fait et cela doit se voir. Une équipe aussi, avec une petite dimension supplémentaire, elle doit également prendre du plaisir à faire ce qu'elle fait mais avec les autres membres de l'équipe. 

Une équipe, ce n'est donc pas seulement la somme des individus qui la composent, mais c'est aussi et surtout une envie collective, le désir de partager, l'abandon de son égo propre pour le rehausser d'un cran et le transposer en une fierté nationale, d'entreprise ou de club, peu importe au fond la cause défendue et ce qui permet à des femmes et des hommes de se retrouver ensemble pour faire corps. Il faut avoir confiance. En soi d'abord. Mais aussi dans l'autre. Sans confiance, comment se tourner vers un autre membre et se convaincre qu'il va y arriver et faire le travail demandé ? 

La motivation est sans doute un facteur primordial. Avec elle, des équipes peuvent se surpasser et l'emporter, alors que sans elle, elles redeviennent un ensemble fade et sans élément particulièrement différenciateur. 

On peut se transcender pour une cause, pour un but précis, pour un maillot, pour un étendard, pour un blason ou un logo. On peut aller au-delà de ses propres limites pour tout donner et faire honneur aux autres membres que l'on respecte et que l'on aime. 

Les raisons pouvant expliquer qu'une équipe marche moins bien ou pas sont nombreuses et pas toujours celles que l'on croit. Le coach ou le chef peut être en cause si elle ou il n'arrive pas ou plus à trouver les mots mobilisateurs. Mais cela peut tout aussi bien être lié à une absence de motivation, à un ou deux joueurs, salariés ou acteurs qui ne jouent pas le jeu et cassent l'ambiance de l'équipe. Cela peut aussi être dû à un manque d'objectif. La cible peut ne pas avoir été assez explicitée ou ne pas être crédible. Elle ne mobilise pas. 

Dans tous les cas, le succès d'une équipe dépend d'une alchimie savante qui se passe d'abord dans la tête de chaque membre, puis de l'harmonie qui se crée ou pas entre eux pour former un orchestre ou une cordée qui fonctionne ! 

Comme tout est complexe, il est très difficile de trouver les ingrédients qui conduisent une équipe au succès. Mais quand tous les clignotants passent au vert, alors c'est ... magique ... tout réussit ... on sent que le groupe devient fort, invulnérable et jusqu'à un certain point il l'est. 

05 février 2013

Faire plus avec moins ... Est-ce réaliste ? Et comment ?

La crise est là et frappe nos économies de plein fouet depuis 2008 avec plus ou moins de violence selon les géographies et les pays. Parmi les conséquences les plus dramatiques figure bien sûr la montée du chômage. Un peu partout dans le monde, en Europe, en France, les plans sociaux et les licenciements se multiplient. Et comme les tâches à accomplir dans les entreprises n'ont pas baissé pour leur part, on se retrouve à faire la même chose avec moins, voire plus avec moins.

Nous sommes nombreux à connaitre ce sentiment pour avoir eu à l'expérimenter une ou plusieurs fois au cours de notre vie professionnelle. Voir des collègues partir, même dans des conditions satisfaisantes, est frustrant et au final pas très satisfaisant. On éprouve un vague sentiment d'échec. On se console en se disant que c'était inévitable et bien souvent c'est le cas. Je dis "bien souvent" car pris dans le tourbillon de nos activités, nous ne réfléchissons pas assez à des plans alternatifs. Comment se préparer en permanence à une chute d'activité ?

Mais pour l'heure, réfléchissons à ce qu'il convient de faire lorsque nous sommes confrontés à un plan social et à cette situation malheureuse de réduction d'effectifs.
Bien sûr, l'idéal est de disposer d'une croissance à deux chiffres pour éviter de se retrouver dans une telle situation. C'est la seule solution vertueuse que je connaisse: croissance. Et même croissance profitable. Car l'entreprise est mesurée par les marchés par toutes sortes d'indicateurs dont des ratios de performance qui rapportent par exemple la marge opérationnelle (ou le profit généré par les opérations) aux dépenses opérationnelles (ou les OPEX). Si ce ratio monte régulièrement, alors c'est que l'entreprise connait probablement une activité soutenue et qu'elle opère dans des segments à forte valeur ajoutée (qui dégagent de la marge). S'il baisse, alors c'est que vous êtes probablement confrontés à la situation inverse, avec de plus des problèmes de coûts de structure. Cela explique pourquoi les entreprises font le yo-yo entre "alléger les coûts" et "relancer l'entreprise". On voit bien que ce système n'est pas viable sur le moyen et le long terme. Il peut satisfaire les marchés qui sont rassurés généralement de voir les coûts baisser mais rien de plus. Et de plus, ce n'est pas tant les coupes qui les intéressent que la sensation que le management de l'entreprise s'y intéresse !

Mais en attendant de trouver la potion magique, le plus important est de profiter de ces périodes plus tendues  pour entamer des chantiers de transformation et d'éviter ainsi de surcharger celles et ceux qui restent à pied d'oeuvre au sein de l'entreprise une fois leurs collègues partis :
  • Couvrir le marché de façon différente. Disposer de moins de ressources doit nous inciter à revoir notre copie. A repartir d'une page blanche. Oui c'est possible, mais dans les entreprises bien établies, même dans un groupe international. Il faut se poser quelques questions simples en s'appuyant sur des statistiques et chiffres (où fait-on notre chiffre d'affaires, comment, etc.) : quels sont les clients ou segments de clients que je souhaite couvrir pour maintenir mon chiffre ? Quels sont les canaux de vente que je souhaite actionner (vente directe, partenaires, téléventes, etc.) ? Que peut-on éliminer ? Où doit-on concentrer nos efforts ? (croissance des comptes existants, conquête de nouveaux clients, peu de cibles ou beaucoup, etc.) Où est l'essentiel pour assurer la génération d'une marge convenable ? Comment déplacer le modèle vers plus de valeur ? Bon, les questions sont simples à poser, mais fondamentales. Il est peu fréquent d'avoir l'opportunité de se les poser. Ces périodes difficiles permettent de le faire et sont une chance formidable d'éviter de faire plus avec moins, mais de faire autrement.
  • Réduire l'inutile. Nous faisons trop de choses. Nous émettons trop de mails, nous en recevons trop. Nous produisons trop de données, sans savoir si au fond elles nous sont vraiment utiles. Il est intéressant de se poser cette question. Je dispose autour de moi de centaines de pages de données, de graphiques, d'informations, mais quelles sont celles qui me sont vraiment nécessaires ? (voir mon précédent "post"). 
  • Déléguer d'avantage et mieux. C'est en période tendue qu'il faut faire confiance et déléguer plus aux équipes qui sont en contact avec le client. Cela ne dispense de contrôler la façon dont cette délégation est exercée, mais il faut le faire car c'est là un des outils pour se garantir de la vitesse, élément fondamental de succès, nous en savons déjà parlé.
  • Investir sur la compétence. C'est paradoxal, je le sais, de dépenser de l'argent pour former les salariés au moment où l'on en fait partir d'autres. Le réflexe est de ne pas le faire. Mais pendant que vous conduisez votre plan de transformation, le marché continue de bouger et si vous n'accompagnez pas ce mouvement, vous avez de fortes chances d'être de nouveau dans une impasse. Le rôle d'une direction est de comprendre avant les autres où se trouvent les marchés en croissance et d'y déplacer leurs forces. La formation est là un outil stratégique pour valoriser le capital humain de l'entreprise.
  • Remettre du sens au coeur de notre action. Dans les tempêtes, les marins doivent connaitre le cap et le but poursuivi. Pourquoi sont-ils là à braver les vagues et la colère céleste ? Nos valeurs, notre culture, ce que nous voulons, ce que nous ne voulons pas sont des briques essentielles pour construire une nouvelle dynamique et entrainer l'entreprise dans un renouveau si fondamental. Donner à chacun une fiche d'identité professionnelle, un lien d'appartenance et de reconnaissance. Créer un sens commun. Une équipe soudée, prête à en découdre avec de nouveaux défis. Voilà le challenge.
La liste n'est pas exhaustive. Je sais par ailleurs que tout n'est jamais aussi simple. A la longue, se contenter de réduire les coûts n'est pas réaliste. Alors par expérience, j'ai pu vérifier qu'en faisant au moins cela, avec toute son énergie, on multiplie ses chances de succès ... pour le futur de l'entreprise et de celles et ceux qui restent. C'est déjà suffisant pour s'y pencher !  Et on peut même le faire (et surtout même) ... hors plan social ou de restructuration !

03 février 2013

Vous avez dit "Big Data" ?

L'explosion des données est là. IDC prévoyait en 2010 que le volume des informations numériques stockées dans le monde passerait la barre des 1,8 zettaoctets (1,8 milliards de gigaoctes) en 2011, soit plus de 9 fois celui que nous connaissions en 2006 !!! De quoi surprendre, étonner, alerter. De quoi faire peur aussi. A ce rythme là, comment ferons-nous face ? D'autant plus que depuis un an et demi, cela n'a fait qu'empirer. 

Certes, la technologie a connu un progrès technique sans réel précédent. HP a ainsi annoncé les prémices des résultats d'un vaste programme de recherches et d'innovations, connu sous le nom de code "moonshot". Chaque annonce porte elle-même le nom d'une fusée et matérialise à chaque étape un bond en avant très significatif : plus de performance, des consommations énergétiques et calorifiques divisées par plus de dix et un emplacement au sol réduit de façon considérable. Tout cela est essentiel car l'accroissement des données devient inéluctable avec entre autres facteurs, la prolifération des réseaux sociaux, des outils de collaboration et de messagerie et la production qui ne cesse de repousser les limites un peu plus chaque jour. 

S'il est louable que les acteurs de l'informatique se penchent sur cette question et apportent des solutions pertinentes et performantes, il reste que nous sommes aussi en droit de nous poser d'autres questions, toutes aussi importantes :

- accompagner l'explosion des données certes, mais comment faire pour éviter qu'elle ne se produise ? Peut-on ralentir la production de données ? Si cela parait difficile de prime abord, comment faire alors pour au moins en limiter les impacts ? De belles missions de conseil en perspective sur un thème qui nécessite de réelles compétences. 
- a-t-on réellement besoin de toutes les données, tous les tableaux, chiffres, graphiques, etc. que nous produisons sans discontinuer tous les jours ? N'est-il pas affligeant par exemple de voir les heures passées par des équipes opérations pour préparer une revue d'affaires, qui finalement ne retiendra que 20% des "charts" élaborés avec soin. 
- savons-nous toujours interpréter les données produites ci et là. 
- n'a-t-on pas perdu l'habitude de l'analyse
- les données sont-elles vraiment sécurisées ? N'y-a-t-il pas un risque à ce sujet ? 

Le cloud a permis l'avénement d'une informatique sans complexe. On "mutualise" les moyens informatiques et les applications pour gagner en efficacité, en compétitivité et en coûts. On achète des services plutôt que des ordinateurs et des logiciels. Mais les interrogations précédentes sont légitimes et commencent à susciter des réflexions désobligeantes, un peu comme dans les années 80 et 90, lorsque les directeurs informatiques étaient vus comme des centres de coûts. 

Aujourd'hui, l'informatique, devenue l'arme sécrète des dirigeants, n'est plus un sujet tabou, un sujet réservé à une élite technique. Il s'agit plutôt d'un des piliers stratégiques, l'un de ceux qu'il faut très vite maîtriser. 

La donnée est l'essence de nos organisations. Sans elle, pas d'entreprise. Ce constat doit nous amener à réfléchir aux solutions permettant de réduire leur production et de nous préparer ainsi aux étapes futures avec plus de sérénité.

Conclusion : commençons par réduire le volume produit chaque année, puis gérons l'accroissement inéluctable grâce à des solutions éprouvées.