24 mars 2013

Eloge de la vitesse

La vitesse n'a jamais sans doute été aussi importante. Le monde bouge vite et le leader d'aujourd'hui doit prendre ses décisions dans des délais courts dans un univers où la complexité va pourtant croissante. Le texte ci-dessous est un extrait de l'ouvrage que j'ai publié en 2009 aux Editions Pearson "Modèle 4X4", livre qui traite en majeur de la conduite du changement. J'ai pensé qu'il était intéressant de le partager avec vous.

Eloge de la vitesse

Depuis le début de ce siècle, les changements se multiplient et s'accélèrent dans tous les domaines. Que ce soit dans les technologies de l'informaton, les télécommunications, les biotechnologies ou la recherche médicale, l'homme ne cesse de repousser les frontières de la connaissance. Les défis scientifiques sont tour à tour surmontés. Seul le facteur temps reste incontrôlable : "Le temps est notre pire ennemi." 
Depuis toujours, les hommes se sont attachés à le dominer, comme s'ils cherchaient à en gommer les effets. 
Pour les entreprises, c'est un peu la même chose. Tout est question d'opérationalisation (ou de mise en oeuvre). ces délais de réalisation sont des clés pour leur développement et leur survie. Le groupe informatique DEC (Digital Equipment Corporation), submergé par la vague de la micro-informatique, après avoir dominé le marché des serveurs intermédiaires, en est un bon exemple. Pour ne pas l'avoir vue arriver - et surtout pour ne pas y avoir cru -, il a connu de grandes difficultés avant d'être racheté par Compaq. Ainsi, un manque de clairvoyance, de réactivité et de vitesse à un instant donné, de la part d'un dirigeant est souvent fatal à l'entreprise dont il a les rênes. Le monde des affaires rejoint en cela celui du sport où l'exigence de performance est permanente. 

Le concept de vitesse doit cependant être abordé avec beaucoup de prudence. Comme souvent, ce n'est pas aussi simple qu'il n'y parait de prime abord. Si nous sommes tous d'accord pour souhaiter la mise au point rapide de traitements contre le cancer, nous restons par contre pour la plupart d'entre nous très mitigés sur les bienfaits potentiels du clonage humain. Rares sont ceux en effet qui entrevoient dans ces avancées scientifiques une source de progrès pour l'humanité. L'homme ne se prendrait-il pas pour Dieu ? a-t-on souvent entendu. Il est (donc) des domaines où la vitesse n'est pas forcément souhaitable. Elle peut être dangereuse, parfois fatale. Il s'agit plutôt, selon le terrain où l'on se trouve, d'aller à la bonne allure. On ne conduit pas à la même vitesse sur un route départementale, une nationale ou sur un réseau autoroutier. On ralentit aux abords d'une école, en traversant un village ou une ville, on s'arrête au péage ou à un stop. Ce sont là des règles de base du code de la route que nous connaissons tous et que nous respectons. Nous n'avons du reste pas le choix. Il en est de m^me pour toutes les activités qui régissent la vie de hommes, des entreprises et de la société en général.

Dans un contexte chargé d'incertitudes, le leader d'aujourd'hui doit avant toute chose savoir s'adapter. Son profil apparaît plus complet que celui de ses prédécesseurs. "Des surhommes" diront certains; "Un dépassement de l'humain" selon Nietzsche. Mais quels que soient leur origine, leur cursus universitaire, leur parcours professionnel ou leur personnalité, une caractéristique les unit : leur goût pour la vitesse !

Le concept de vitesse n'a pas, tant s'en faut, la même signification pour tous. Par exemple, "aller vite" ou "aller au plus vite" sont deux phrases en apparence très proches et pourtant très différentes. La nuance est tout à fait fondamentale. Il est des instants dans l'entreprise où l'équipe, lancée à pleine vitesse, semble capable de dépasser toutes les limites. Les signatures de contrats mirobolants se succèdent dans un climat de confiance et de succès renouvelés. La vitesse permet l'élévation de soi et l'avénement de grands desseins, qu'ils soient individuels ou collectifs. Mais il existe un revers à la médaille : une vitesse excessive, non maîtrisée, peut conduire à la catastrophe. Elle entraîne souvent des dérapages plus ou moins contrôlés ou des acidents dont les conséquences sont parfois désastreuses. Transposé à l'entreprise, ce sera l'acquisition de trop, le contrat mal ficelé et signé trop vite ou encore le projet aux engagements hasardeux, pris trop rapidement, générateurs de lourdes pertes et d'insatisfactions pour les clients.

(Modèle 4x4, Ed. Pearson, Gérald Karsenti, page 55-57)

Si le dirigeant doit aujourd'hui agir avec vitesse, à défaut de le faire dans la vitesse, il est utile de se demander si cela a un sens. Est-ce une bonne chose ? A l'heure où nous avons basculé dans les reporting trimestriels, où les compteurs sont remis à zéro à des échéances aussi courtes, il est utile de se poser une question simple : n'est-on pas en train de sacrifier le futur pour produire des résultats de court terme ?

Une chose est certaine, le dirigeant doit jongler entre deux impératifs, un "impératif de vitesse" pour prendre la concurrence de vitesse et toujours être en avance sur les autres; un "impératif de réflexion" qui consiste à ne pas se précipiter, à réfléchir, pour élaborer la bonne stratégie.

18 mars 2013

Le "Story Telling" et notre société

Le Story Telling est une méthode utilisée depuis quelques années en communication pour raconter au sens propre du terme une histoire. L'idée est de faire adhérer un public à une idée, à un projet ou à un programme. Fondé sur la structure narrative du discours, on se rapproche du conte ou du récit.

Quel est le but du Story Telling ? Faire rêver, sans aucun doute, faire rentrer le maximum de personnes dans notre univers pour qu'elles se sentent totalement investies, au point de vouloir contribuer à la réalisation du projet.

Est-ce un bien ou un mal ?

Cela dépend. D'un certain point de vue, poussé à l'extrême, le Story Telling peut être une forme de manipulation. Un bon orateur peut en effet abuser des gens en utilisant une communication imagée et inspirante. Il faut donc être méfiant ou du moins sur la réserve. Car rien n'est plus dévastateur que des usurpateurs exploitant l'incrédulité ou la naiveté des gens. Et il y en a. On peut abuser autrui par goût du pouvoir, de l'argent ou pour d'autres raisons, peu importe au fond le motif, seul reste dans ce cas la trahison. Et rien n'est pire que de découvrir que l'histoire à laquelle on croyait vigoureusement n'est en fait qu'un tissu de mensonges. C'est un peu comme dans une histoire d'amour où l'on viendrait à prendre soudainement conscience que l'autre s'est totalement moqué de vous ... 

D'un autre côté, le Story Telling est sans doute un bon moyen de redonner un sens aux choses, une valeur à l'acte, à la parole, un but à ce que nous faisons, une vision à notre démarche. Nous manquons tellement d'entrain de nos jours. Nous avançons certes mais bien souvent nous ne savons plus très bien pourquoi.

Il y a longtemps que des patrons de groupes utilisent cette technique, tout comme les femmes et les hommes politiques. Du moins certains. Celles et ceux qui manient bien l'acte de la communication orale. Car rien n'est pire que de vouloir l'utiliser sans la maîtriser. On peut facilement alors déclencher l'effet inverse à celui initialement recherché. 

Pourquoi cette technique a-t-elle autant de succès ? Les orateurs de talent ont compris depuis belle lurette que l'on entraîne personne, ou du moins peu de gens, en utilisant des éléments factuels. Il y a une raison à cela. 

Prenons le cas de Louis, un leader au cursus parfait : une excellente éducation, une très bonne formation (un bon Lycée, une bonne école d'ingénieur complétée par un MBA de bonne réputation), une carrière logique et structurée, une solide culture. Louis parle bien. Il ne fait pas de faute et a une très bonne élocution. Il est rationnel. Toute le monde s'accord à dire qu'il est d'une intelligence prodigieuse. Tout irait dans le meilleur des mondes s'il n'y avait pas un ... bémol ... 

Et pourtant quand il s'adresse à ses équipes ou à un public plus ou moins large, il sent bien qu'il lui manque quelque chose. Il ne fait jamais de flop mais il sent bien qu'un déclic ne se produit pas. 

Que se passe-t-il ? 

En l'écoutant asséner ses raisonnements, alimentés de chiffres, de graphiques, de courbes, de faits, d'éléments factuels, personne ne peut dire qu'il n'est pas crédible. Il l'est et tout le monde le lui accorde. On sort de ses prestations en se disant : "brillant !".  Et pourtant, rien ne se passe, aucune action ne suit ses discours. Personne ne bouge. D'un meeting à l'autre, il a l'impression de reprendre à zéro et il doit souvent se fâcher après ses managers pour que les choses évoluent un peu, avant de retomber, tel un soufflé, une fois sa "pression" relâchée ...  C'est frustrant pour toute le monde.

En agissant ainsi, Louis parle au cortex cérébral, cette partie du cerveau qui pilote la partie rationnelle, le raisonnement, la logique, etc. mais pas ... l'action. Et là est tout le secret. Pour passer de la compréhension à l'action, il faut toucher une autre partie du cerveau que l'on appelle le système limbique. Lui seul agit sur les émotions, nos tripes, et nous pousse à nous bouger, à aller dans le sens voulu par l'orateur, à ne pas nous contenter de l'écouter mais à l'aider tout simplement. 

Pourquoi ? Parce que l'on se sent touché. Et ce n'est pas rien. On sent que quelque chose se passe. Il vient de donner du sens à l'objectif global mais surtout au rôle que l'on peut avoir individuellement. Tout est là. 

Comment faire ? Il faut raconter une histoire, comme l'ont toujours fait les leaders à travers les temps. Les hommes ont toujours eu besoin de cette part de rêve. Prenons les écrits bibliques ou les oeuvres d'Homère. Il faut donner corps à son projet et l'inscrire dans une perspective enthousiasmante, sans tricher, sans mentir, en étant vrai. Soi-même. 

Est-ce de la manipulation ? Je ne sais pas. Mais peu importe au fond s'il y a une part d'exagération car au final, cela finit toujours par payer. Nous autres humains avons besoin d'une cause pour bouger, agir, donner le meilleur de nous. Il nous appartient alors individuellement de savoir à qui nous devons accorder notre confiance ou pas. 

Le Story Telling utilisé à bon escient est donc porteur de succès car il entraîne l'adhésion, l'envie de ne faire qu'un, de former un tout et d'avancer ensemble.

On vise les émotions plus que le cérébral. Mais n'est-ce pas de cela dont nous avons le plus besoin aujourd'hui ?

03 mars 2013

Une femme à la tête du journal Le Monde

Natalie Nougayrède à la tête du journal Le Monde
Alors que la journée de la femme approche, je me sentais ce matin presque dans l'obligation d'écrire un post à ce sujet. Et puis j'ai renoncé. La journée de la femme a quelque chose d'agaçant au fond. Elle est là chaque année comme un doigt pointé sur tous, les politiques, les chefs d'entreprises, tous ceux au fond qui disent vouloir rééquilibrer, tous ceux qui ont le souci de la mixité, du moins dans leurs propos, mais qui ne font rien ou peu. Cela bouge certes mais peu. Beaucoup de mots mais ... 

Moi-même, convaincu au plus profond de moi de l'intérêt de cet ajustement, qui au-delà de sa logique, ne peut être que salutaire à notre société et à nos économies, je me demande chaque semaine au moins si j'en fais assez, si je vais assez vite, si je bouscule assez le statu quo qui en la matière est plutôt bien établi.  
Ce n'est pas une journée qu'il faut, mais une action soutenue ... dans la durée ... mais je vais laisser ce débat pour aujourd'hui et  revenir à ma journée, la mienne, celle qui se termine bientôt. 
Je réfléchissais comme je le fais chaque semaine au sujet qui avait finalement retenu mon attention, et là, je me suis souvenu de cette nomination. Une femme à la tête du Journal Le Monde !!! Si ça ce n'est pas un mouvement notoire, une nomination qui fera date ! Comment en douter ?

Etudiant, ce titre était pour moi comme un fleuron de la pensée française, un nom connu dans le monde entier, comme les Editions Gallimard ou Christian Dior. Des décennies plus tard, et même en ayant eu des hauts et des bas, rien n'a changé, l'image est toujours là, intacte. Voilà bien une entreprise que de nombreux dirigeants voudraient diriger ... 

Et bien ce sera une femme !