La vitesse n'a jamais sans doute été aussi importante. Le monde bouge vite et le leader d'aujourd'hui doit prendre ses décisions dans des délais courts dans un univers où la complexité va pourtant croissante. Le texte ci-dessous est un extrait de l'ouvrage que j'ai publié en 2009 aux Editions Pearson "Modèle 4X4", livre qui traite en majeur de la conduite du changement. J'ai pensé qu'il était intéressant de le partager avec vous.
Eloge de la vitesse
Depuis le début de ce siècle, les changements se multiplient et s'accélèrent dans tous les domaines. Que ce soit dans les technologies de l'informaton, les télécommunications, les biotechnologies ou la recherche médicale, l'homme ne cesse de repousser les frontières de la connaissance. Les défis scientifiques sont tour à tour surmontés. Seul le facteur temps reste incontrôlable : "Le temps est notre pire ennemi."
Depuis toujours, les hommes se sont attachés à le dominer, comme s'ils cherchaient à en gommer les effets.
Pour les entreprises, c'est un peu la même chose. Tout est question d'opérationalisation (ou de mise en oeuvre). ces délais de réalisation sont des clés pour leur développement et leur survie. Le groupe informatique DEC (Digital Equipment Corporation), submergé par la vague de la micro-informatique, après avoir dominé le marché des serveurs intermédiaires, en est un bon exemple. Pour ne pas l'avoir vue arriver - et surtout pour ne pas y avoir cru -, il a connu de grandes difficultés avant d'être racheté par Compaq. Ainsi, un manque de clairvoyance, de réactivité et de vitesse à un instant donné, de la part d'un dirigeant est souvent fatal à l'entreprise dont il a les rênes. Le monde des affaires rejoint en cela celui du sport où l'exigence de performance est permanente.
Le concept de vitesse doit cependant être abordé avec beaucoup de prudence. Comme souvent, ce n'est pas aussi simple qu'il n'y parait de prime abord. Si nous sommes tous d'accord pour souhaiter la mise au point rapide de traitements contre le cancer, nous restons par contre pour la plupart d'entre nous très mitigés sur les bienfaits potentiels du clonage humain. Rares sont ceux en effet qui entrevoient dans ces avancées scientifiques une source de progrès pour l'humanité. L'homme ne se prendrait-il pas pour Dieu ? a-t-on souvent entendu. Il est (donc) des domaines où la vitesse n'est pas forcément souhaitable. Elle peut être dangereuse, parfois fatale. Il s'agit plutôt, selon le terrain où l'on se trouve, d'aller à la bonne allure. On ne conduit pas à la même vitesse sur un route départementale, une nationale ou sur un réseau autoroutier. On ralentit aux abords d'une école, en traversant un village ou une ville, on s'arrête au péage ou à un stop. Ce sont là des règles de base du code de la route que nous connaissons tous et que nous respectons. Nous n'avons du reste pas le choix. Il en est de m^me pour toutes les activités qui régissent la vie de hommes, des entreprises et de la société en général.
Dans un contexte chargé d'incertitudes, le leader d'aujourd'hui doit avant toute chose savoir s'adapter. Son profil apparaît plus complet que celui de ses prédécesseurs. "Des surhommes" diront certains; "Un dépassement de l'humain" selon Nietzsche. Mais quels que soient leur origine, leur cursus universitaire, leur parcours professionnel ou leur personnalité, une caractéristique les unit : leur goût pour la vitesse !
Le concept de vitesse n'a pas, tant s'en faut, la même signification pour tous. Par exemple, "aller vite" ou "aller au plus vite" sont deux phrases en apparence très proches et pourtant très différentes. La nuance est tout à fait fondamentale. Il est des instants dans l'entreprise où l'équipe, lancée à pleine vitesse, semble capable de dépasser toutes les limites. Les signatures de contrats mirobolants se succèdent dans un climat de confiance et de succès renouvelés. La vitesse permet l'élévation de soi et l'avénement de grands desseins, qu'ils soient individuels ou collectifs. Mais il existe un revers à la médaille : une vitesse excessive, non maîtrisée, peut conduire à la catastrophe. Elle entraîne souvent des dérapages plus ou moins contrôlés ou des acidents dont les conséquences sont parfois désastreuses. Transposé à l'entreprise, ce sera l'acquisition de trop, le contrat mal ficelé et signé trop vite ou encore le projet aux engagements hasardeux, pris trop rapidement, générateurs de lourdes pertes et d'insatisfactions pour les clients.
(Modèle 4x4, Ed. Pearson, Gérald Karsenti, page 55-57)
Si le dirigeant doit aujourd'hui agir avec vitesse, à défaut de le faire dans la vitesse, il est utile de se demander si cela a un sens. Est-ce une bonne chose ? A l'heure où nous avons basculé dans les reporting trimestriels, où les compteurs sont remis à zéro à des échéances aussi courtes, il est utile de se poser une question simple : n'est-on pas en train de sacrifier le futur pour produire des résultats de court terme ?
Une chose est certaine, le dirigeant doit jongler entre deux impératifs, un "impératif de vitesse" pour prendre la concurrence de vitesse et toujours être en avance sur les autres; un "impératif de réflexion" qui consiste à ne pas se précipiter, à réfléchir, pour élaborer la bonne stratégie.
Une chose est certaine, le dirigeant doit jongler entre deux impératifs, un "impératif de vitesse" pour prendre la concurrence de vitesse et toujours être en avance sur les autres; un "impératif de réflexion" qui consiste à ne pas se précipiter, à réfléchir, pour élaborer la bonne stratégie.