La crise est là et frappe nos économies de plein fouet depuis 2008 avec plus ou moins de violence selon les géographies et les pays. Parmi les conséquences les plus dramatiques figure bien sûr la montée du chômage. Un peu partout dans le monde, en Europe, en France, les plans sociaux et les licenciements se multiplient. Et comme les tâches à accomplir dans les entreprises n'ont pas baissé pour leur part, on se retrouve à faire la même chose avec moins, voire plus avec moins.
Nous sommes nombreux à connaitre ce sentiment pour avoir eu à l'expérimenter une ou plusieurs fois au cours de notre vie professionnelle. Voir des collègues partir, même dans des conditions satisfaisantes, est frustrant et au final pas très satisfaisant. On éprouve un vague sentiment d'échec. On se console en se disant que c'était inévitable et bien souvent c'est le cas. Je dis "bien souvent" car pris dans le tourbillon de nos activités, nous ne réfléchissons pas assez à des plans alternatifs. Comment se préparer en permanence à une chute d'activité ?
Mais pour l'heure, réfléchissons à ce qu'il convient de faire lorsque nous sommes confrontés à un plan social et à cette situation malheureuse de réduction d'effectifs.
Mais pour l'heure, réfléchissons à ce qu'il convient de faire lorsque nous sommes confrontés à un plan social et à cette situation malheureuse de réduction d'effectifs.
Bien sûr, l'idéal est de disposer d'une croissance à deux chiffres pour éviter de se retrouver dans une telle situation. C'est la seule solution vertueuse que je connaisse: croissance. Et même croissance profitable. Car l'entreprise est mesurée par les marchés par toutes sortes d'indicateurs dont des ratios de performance qui rapportent par exemple la marge opérationnelle (ou le profit généré par les opérations) aux dépenses opérationnelles (ou les OPEX). Si ce ratio monte régulièrement, alors c'est que l'entreprise connait probablement une activité soutenue et qu'elle opère dans des segments à forte valeur ajoutée (qui dégagent de la marge). S'il baisse, alors c'est que vous êtes probablement confrontés à la situation inverse, avec de plus des problèmes de coûts de structure. Cela explique pourquoi les entreprises font le yo-yo entre "alléger les coûts" et "relancer l'entreprise". On voit bien que ce système n'est pas viable sur le moyen et le long terme. Il peut satisfaire les marchés qui sont rassurés généralement de voir les coûts baisser mais rien de plus. Et de plus, ce n'est pas tant les coupes qui les intéressent que la sensation que le management de l'entreprise s'y intéresse !
Mais en attendant de trouver la potion magique, le plus important est de profiter de ces périodes plus tendues pour entamer des chantiers de transformation et d'éviter ainsi de surcharger celles et ceux qui restent à pied d'oeuvre au sein de l'entreprise une fois leurs collègues partis :
- Couvrir le marché de façon différente. Disposer de moins de ressources doit nous inciter à revoir notre copie. A repartir d'une page blanche. Oui c'est possible, mais dans les entreprises bien établies, même dans un groupe international. Il faut se poser quelques questions simples en s'appuyant sur des statistiques et chiffres (où fait-on notre chiffre d'affaires, comment, etc.) : quels sont les clients ou segments de clients que je souhaite couvrir pour maintenir mon chiffre ? Quels sont les canaux de vente que je souhaite actionner (vente directe, partenaires, téléventes, etc.) ? Que peut-on éliminer ? Où doit-on concentrer nos efforts ? (croissance des comptes existants, conquête de nouveaux clients, peu de cibles ou beaucoup, etc.) Où est l'essentiel pour assurer la génération d'une marge convenable ? Comment déplacer le modèle vers plus de valeur ? Bon, les questions sont simples à poser, mais fondamentales. Il est peu fréquent d'avoir l'opportunité de se les poser. Ces périodes difficiles permettent de le faire et sont une chance formidable d'éviter de faire plus avec moins, mais de faire autrement.
- Réduire l'inutile. Nous faisons trop de choses. Nous émettons trop de mails, nous en recevons trop. Nous produisons trop de données, sans savoir si au fond elles nous sont vraiment utiles. Il est intéressant de se poser cette question. Je dispose autour de moi de centaines de pages de données, de graphiques, d'informations, mais quelles sont celles qui me sont vraiment nécessaires ? (voir mon précédent "post").
- Déléguer d'avantage et mieux. C'est en période tendue qu'il faut faire confiance et déléguer plus aux équipes qui sont en contact avec le client. Cela ne dispense de contrôler la façon dont cette délégation est exercée, mais il faut le faire car c'est là un des outils pour se garantir de la vitesse, élément fondamental de succès, nous en savons déjà parlé.
- Investir sur la compétence. C'est paradoxal, je le sais, de dépenser de l'argent pour former les salariés au moment où l'on en fait partir d'autres. Le réflexe est de ne pas le faire. Mais pendant que vous conduisez votre plan de transformation, le marché continue de bouger et si vous n'accompagnez pas ce mouvement, vous avez de fortes chances d'être de nouveau dans une impasse. Le rôle d'une direction est de comprendre avant les autres où se trouvent les marchés en croissance et d'y déplacer leurs forces. La formation est là un outil stratégique pour valoriser le capital humain de l'entreprise.
- Remettre du sens au coeur de notre action. Dans les tempêtes, les marins doivent connaitre le cap et le but poursuivi. Pourquoi sont-ils là à braver les vagues et la colère céleste ? Nos valeurs, notre culture, ce que nous voulons, ce que nous ne voulons pas sont des briques essentielles pour construire une nouvelle dynamique et entrainer l'entreprise dans un renouveau si fondamental. Donner à chacun une fiche d'identité professionnelle, un lien d'appartenance et de reconnaissance. Créer un sens commun. Une équipe soudée, prête à en découdre avec de nouveaux défis. Voilà le challenge.
La liste n'est pas exhaustive. Je sais par ailleurs que tout n'est jamais aussi simple. A la longue, se contenter de réduire les coûts n'est pas réaliste. Alors par expérience, j'ai pu vérifier qu'en faisant au moins cela, avec toute son énergie, on multiplie ses chances de succès ... pour le futur de l'entreprise et de celles et ceux qui restent. C'est déjà suffisant pour s'y pencher ! Et on peut même le faire (et surtout même) ... hors plan social ou de restructuration !