Tout le monde se souvient de cet homme, devenu célèbre, sans doute malgré lui, pour avoir stoppé des chars chinois lors de la manifestation de la place Tian'anmen en 1989. Oui, bien sûr, nous avons tous gravé dans nos mémoires cet événement insolite, illustration de ce que peut faire l'homme révolté. Ce leadership, car il s'agit bien ici d'une forme de leadership spontané, est lié à une situation. Nous l'avons déjà précisé à maintes reprises. Si certains hommes portent en eux des capacités de leadership innées, elles ne se révèlent bien souvent que lors de circonstances exceptionnelles. Si Alexandre le Grand avait attendu avec patience le trône de son père, Philippe de Macédoine, en se contentant seulement d'étudier avec Aristote et de se livrer à des exploits sportifs avec ses amis, serait-il devenu l'homme mythique qu'il fut finalement ? Probablement pas. Mais Alexandre avait une certaine vision du monde hellénistique et surtout de son devenir. Il voulait faire de cette région du monde une zone de mélange culturel où aucune race, aucune religion ne prédominerait, où toutes vivraient ensemble pour le bien de tous, acceptant les différences de l'autre. Précurseur s'il en est ! Sa culture était du reste immense et ses références historiques constantes. L'Odyssée et l'Ilyade étaient ses livres de chevet. Mais s'il a pu réaliser autant de choses c'est avant tout parce qu'il a vécu à la bonne époque, au bon moment. Tout est question de situation et de période. Tout est question de "timing" comme disent nos amis américains. Le général de gaule était certes un géant, mais il a aussi vécu à une époque où son leadership a pu s'exprimer. Les exemples allant dans ce sens ne manquent pas.
Observons à présent ce que se déroule devant nos yeux, parfois effarés, la grande histoire comme on aime à le dire. Nous avons en effet la chance de vivre une période unique, que nous pouvons apparenter aux révolutions qu'ont connu les pays occidentaux des décennies ou des siècles plus tôt. Là les choses sont différentes. A l'instar de cette photographie (ci-contre), où nous voyons des hommes en colère, le leadership qui s'exprime, qui appelle à la rébellion, qui veut changer la donne et en finir avec les pouvoirs en place, ce leadership n'est pas individuel, il n'est pas personnifié, il est collectif. C'est un phénomène relativement nouveau. Quand on pense à la révolution Française, viennent aussitôt les noms de Danton ou Saint-Just, de l'autre côté de Charette (de) et Cathelineau. Mais là, les choses sont différentes. En Egypte, en Tunisie, en Syrie, en Lybie, etc. ce sont les peuples qui grondent, les peuples qui veulent d'une seule voix le changement. Ils sont la voix du changement ! C'est là un élément marquant, intéressant, tout à la fois inquiétant et rassurant. Derrière la foule, les leaders existent bien sûr. Ils ont là et contrôlent les opérations, ils dirigent, ils agissent en hommes responsables. Mais ce que nous gardons en tête nous autres, c'est l'image d'un ensemble d'hommes et de femmes en mouvement, sans nom précis, sans héros au fond ... il s'agit bien plus du peuple héroïque. Ceci nous rappelle qu'il est plus que jamais impossible d'imposer sa loi par la force. Les hommes et les femmes ne suivent les leaders que parce qu'ils le veulent bien !