27 février 2011

Peut-on devenir un leader ?

Schéma extrait du livre de Gérald Karsenti et
Wolfgang Ulaga, "Le Business Model des Services"
aux Editions d'Organisation 

La question qui se pose fréquemment est de savoir si les notions de leadership et de management sont opposées ou complémentaires. Comme vous pouvez vous y attendre, la frontière est entre les deux. On ne devient pas brutalement un leader. On se moule peu à peu dans la peau d'un manager avec toutes les difficultés que cela peut représenter. Lorsqu'une personne rentre dans mon bureau pour me dire qu'il veut être manager, je lui demande en premier lieu s'il a bien réfléchi à sa demande. Ceci avant même de savoir s'il possède ou pas les qualités nécessaires. Devenir manager implique d'aimer les autres, de vouloir aider chaque membre de son équipe à progresser (certains deviendront meilleurs que vous !), d'écouter, d'établir un climat de confiance et de respect mutuel, mais surtout de régler des problèmes. En plaisantant, je dis souvent qu'il est tout de même rare que quelqu'un ne vienne vous voir, en tant que manager, juste pour vous dire que tout va bien ! Si vous êtes plus centré sur vous-même, passez votre chemin, vous avez peu de chance de réussir dans le management. Mieux vaut alors se spécialiser dans un métier professionnel et exceller dans sa tâche. Devenir un bon manager, c'est cumuler les expériences. Au travers des multiples cas rencontrés tout au long de votre parcours, vous gagnez en crédibilité, en savoir-faire, vous accumulez une base historique de références unique qui nous permet peu à peu d'affronter toutes sortes de situations. Des plus complexes (ou des plus difficiles), un plan social, un licenciement, des transformations avec changement des modes opératoires au plus traditionnelles, comme le développement des personnes, le management de la performance ou la construction en équipe de proposition de valeur. La question qui se pose est : à quel moment devient-on un leader ? Il n'y a bien sûr pas de règles. La figure jointe à ce billet est extraite de mon dernier livre : "Le Business Model des Services", livre co-écrit avec Wolfgang Ulaga et préfacé par Henri proglio, PDG du groupe EDF (Editions d'Organisation). Je l'utilise aussi dans certaines présentations relatives au leadership que j'ai la chance de dispenser sur le campus de HEC Paris. Certaines qualités constituent le socle de base. On parle du courage, de l'éthique, d'un réel sens de l'exécution (certaines personnes sont habiles pour construire des plans stratégiques mais incapables de les traduire en actions) et enfin de réelles capacités intellectuelles (le fameux quotient intellectuel, le QI). Sur ce dernier point, il est en effet indispensable d'être en mesure de comprendre l'environnement dans lequel on évolue. Il est devenu complexe. Nous verrons cependant qu'il n'est pas tout. 
Ces quatre qualités forment donc ce que l'on peut appeler le socle de base ou les fondations. Sans elles, il est impossible de devenir un manager référence. Imaginez un manager sans valeurs ! Ou sans courage ! Il existe alors deux seuils. Une fois le seuil de management franchi, une personne a le minimum requis pour devenir un manager. En franchissant le second, le seuil du leadership opérationnel, elle ajoute une autre brique à son potentiel de manager. Elle devient capable d'entrainer des équipes, d'expliquer les transformations, en clair de ne pas se contenter de dérouler les plans mais de faire adhérer les équipes aux changements entrepris. C'est un peu simplifié, je vous l'accorde, dans à ce stade, c'est la meilleure façon de traduire ce double passage. 
Un jour on devient manager. C'est un peu comme avoir un enfant. Avant d'être manager, vous n'êtes préoccupé que par vous-même, et votre conjoint bien sûr. Lorsque vous avez un enfant, votre centre de préoccupation se déplace. Votre bébé devient votre souci quotidien. Et bien, c'est un peu la même chose lorsque vous prenez votre premier rôle de manager. Vous découvrez du jour ou lendemain que vous êtes charge d'âmes et que dans votre bureau viennent des gens, comme vous l'étiez autrefois, avant de diriger, pour vous parlez de leurs ... problèmes. Cela change la donne, n'est-ce pas ? C'est pourquoi j'incite toujours les professionnels reconnus que veulent devenir manager, ce n'est pas la même chose. Le seuil du leadership opérationnel est d'une certaine façon le premier niveau de leadership. Il en existe deux autres. Tout d'abord le leadership inspirationnel. Le leader développe dans ce cas deux types de qualités: les compétences inspirationnelles (sens stratégique/vision, motivation, communication/charisme et innovation/créativité) et les compétences émotionnelles (connaissance de soi, management de soi, empathie et travail en équipe). On reconnait enfin le pouvoir du quotient émotionnel (QE) qui vient en complément du QI. C'est sans doute Daniel Goleman qui a le premier mis en avant l'importance de l'émotionnel dans tout acte de leadership. Nous en avons déjà parlé. Il y a ensuite le leadership transformationnel. C'est une autre étape. Peu nombreux sont ceux réellement capables de s'inscrire dans cette catégorie. Il faut là être un leader opérationnel (qui sait ce qu'il faut faire et qui le fait!), un leader inspirationnel (il sait entraîner derrière lui les équipes) et un leader transformationnel (qui a un telle compréhension du marché, de la société en général, de son évolution, qu'il sait ce qui doit être fait et qui va engager avec courage et sans dévier un plan de transformation qui ne sera pas facile à réaliser). Cette dernière forme requiert des compétences bien spécifiques : organisationnelles (optimisation des processus, mis en place de modèles d'entreprises), gestion des talents, compétences technologiques et intelligence relationnelle. 
Nait-on leader ou le devient-on ? Différentes écoles s'affrontent à ce niveau. Je me place plutôt dans celle qui prétend que cela s'apprend, même s'il faut bien admettre que certaines personnes, qui ont un talent naturel de communication et/ou un charisme très marqué, auront des atouts décisifs pour progresser plus vite. C'est indéniable. Mais bonne nouvelle cela s'apprend. En tout cas chacun d'entre nous peut progresser et développer ses qualités naturelles. Tout le monde n'a pas besoin de devenir un tribun de scène! Nous irons un peu plus loin dans les billets suivants. Mais pour poursuivre ses discussions sur le leadership, le thème qui suscite le plus de papiers à travers le monde, rien de mieux que de s'inscrire à une session de cours à HEC Paris !!