Ma première journée. Je venais de quitter ma maison qui se trouvait à Larchmont (Westchester, Etat de New York), à 20 miles environ de Manhattan. Nous étions privilégiés. Comme de nombreux détachés, nous vivions confortablement, en bordure d'estuaire, une vue imprenable sur Long Island Sound, au milieu d'une importante communauté française. Je roulais dans ma Sebring cabriolet, heureux de retrouver mon équipe. Je dirigeais à l'époque une entité de près de 1700 personnes réparties dans les trois géographies du monde. Comme tous les jours, à 15 minutes du bureau, qui se trouvait au Nord de Larchmont, j'appelais mon assistante. Je la trouvais affolée, balbutiante. A dire vrai je n'ai rien compris. J'ai raccroché et j'ai accéléré. Je pensais qu'une réorganisation avait été annoncée ou quelque chose dans le genre. Le changement stresse toujours les gens. Mais j'ai vite compris que l'affaire était bien plus grave lorsqu'en arrivant j'ai vu les images du premier avion rentrant dans la première tour du World Trade Center. Quel choc ! Je comprenais alors la réaction de ma secrétaire qui elle avait vécu la scène quasiment en direct. Choc certes, mais à ce stade, on pensait encore qu'il s'agissait d'un accident. Qu'un avion était passé au travers des mailles du filet et que le pilote avait perdu le contrôle ou quelque chose dans le genre. Mais mon intuition, sur laquelle je peux généralement compter, me disait que les choses n'étaient peut-être pas aussi simples que ça. J'ai eu la bonne idée d'appeler ma femme qui se trouvait à l'école de Larchmont avec les enfants pour la réunion de rentrée. Sans trop savoir pourquoi je lui ai demandé de rentrer tout de suite à la maison et d'y rester en attendant mon retour. Après avoir raccroché, comme tout le monde, les communications ne passaient plus. Deuxième avion dans la seconde tour. Angoisse. Les tours qui s'effondrent, l'une après l'autre. Cauchemar. Je regardais l'écran, stupéfait, assommé, les larmes aux yeux comme tout le monde autour de moi. Plus de doute, cette fois, c'était un acte terroriste. D'une ignominie absolue. Un troisième avion qui s'abat sur le Pentagone. Tout un symbole. Et le courage des passagers du quatrième, on le saura plus tard, qui ont lutté contre les terroristes pour l'empêcher de s'abattre sur la Maison Blanche. Autour de moi, on essayait de joindre un proche. Tout le monde pleurait. Mais personne ne paniquait vraiment. Les américains ont cette capacité à faire face aux événements, il faut bien l'admettre. Mais le choc était terrible. Déjà on imaginait les salariés, prisonniers de cet enfer, certains se sont jetés dans le vide, il faut en prendre conscience, d'autres ont passé des appels d'au-revoir ! D'adieu en fait ! Qu'ont-ils éprouvé ? Qu'ont-ils pensé ? Ont-ils su qu'ils allaient mourir ? On s'est tous serré. On s'est tous pris par la main. On était comme sonné. Y-avait-il d'autres avions ? D'autres actions terroristes en cours ? Etions nous en guerre ? La fin d'un monde dominé par la glorieuse Amériques ?
Georges Bush apprenant l'attaque. Je me souviens de son regard. Saisissant et dramatique ! |
J'ai quitté avec peine les bureaux et je suis rentré retrouvé ma famille. Ils étaient devant la télévision. Mes enfants étaient encore petits, 7 et 10 ans. Ils voyaient bien qu'il venait de se passer quelque chose de très grave mais c'était à peu près tout. C'était mieux ainsi bien sûr. On a regardé les informations toute la nuit avec ma femme. On était scotché à l'écran. On ne pouvait pas s'en détacher. Les semaines allaient marquer ma vie, celles des américains, des citoyens du monde et de l'humanité dans sa globalité. Mon prochain billet décrira la façon dont j'ai vécu les semaines suivantes, avant d'en écrire un troisième sur les répercussions du 11 Septembre.