26 mai 2013

Faisons confiance aux jeunes !

Manifestation des jeunes à Madrid
au mois de Mars 2013
On pourrait croire, on le dit du reste, que notre monde est devenu plus violent. Que les revendications sont plus démonstratives, plus extrêmes. Il n'en est rien en fait. Celles et ceux qui pensent cela n'ont pas connu, ou ne se souviennent plus, des conflits, des contestations qui ont toujours jalonné les chemins français. Nous contestons quand nous ne sommes pas d'accord ou pas contents, ce qui en France n'est pas toujours la même chose. Mai 68 est l'événement phare, emblématique, mais il en a toujours été ainsi. Et si ce mouvement a débuté effectivement sur une contestation d'étudiants, les jeunes ne sont pas systématiquement les moteurs du rejet et de la contestation. Du reste, les mouvements tardifs qui perdurent "contre le mariage pour tous" ne sont pas orchestrés par la génération Y. C'est un bon exemple, d'autant plus fort que les jeunes sont finalement assez partagés sur la question. 

Mais ce qui se passe sous nos yeux est plus profond. Les jeunes, dans tous les pays du monde, en Europe plus particulièrement, sont inquiets pour leur avenir. Ils regardent autour d'eux et font des constats qui ne les rassurent pas. 

La plupart ont fait des études, parfois très brillantes. Ils n'ont pas lésiné, parlent plusieurs langues. L'anglais bien sûr, mais aussi le Chinois, l'Espagnol, l'Allemand, etc. Ils ont fait de nombreux stages à l'étranger et connaissent plusieurs cultures. Ils sont ancrés dans la mondialisation et la comprennent. En ce sens, ils sont bien plus évolués au même âge que les générations passées. Le monde a bougé vite, ils ont suivi le rythme mais au final ... pourquoi ?

Pour se retrouver au chômage ? Pour payer l'addition laissée sur la table par leurs parents et grands-parents ? N'est-ce pas la première fois depuis longtemps où l'on se dit que peut-être demain nos enfants ne vivront pas mieux que nous !


Le Time titrait récemment "The Unemployed Generation". Et il est vrai que la vie de nos jeunes n'est pas simple à cet égard. Dans les années 80, 90 et même au début des années 2000, on disposait généralement de deux, trois offres, parfois bien plus. Il s'agissait toujours de CDI. Le CDD faisait exception. Aujourd'hui, c'est une règle. On offre des stages aux étudiants, qu'on ne prolonge pas toujours d'un CDD. Dans de nombreux cas, on renouvelle un autre stage. Mais dans la plupart des cas, on préfère prendre un autre stagiaire. Et même, de plus en plus d'entreprises, étranglées par les coûts et la crise, remplacent des CDI par des CDD et des CDD par des stages, quitte à rentrer dans des discussions difficiles avec les représentants du personnel.

Certaines entreprises agissent ainsi, non par volonté, mais parce qu'elles n'ont plus le choix. Elles doivent réduire leurs coûts de structure, mais le travail lui ne varie pas à la baisse. Il faut bien le faire. Alors on a recours à ces méthodes qui certes peuvent déplaire à beaucoup mais qui dans certaines situations sont ... compréhensibles. Dans d'autres cas à l'inverse, c'est plus critiquable. Des sociétés présentant des résultats de qualité, dans des secteurs porteurs, ont recours aux mêmes artifices et là disons-le très clairement, ce n'est pas correct pour nos jeunes. Ils ne peuvent pas avoir confiance dans l'avenir s'ils voient des poids lourds, voire des marques réputées se comporter ainsi.

Il faut donner des signes, des signes qui ne soient pas uniquement les dégradations économiques, financières et sociales, commises au cours des trois dernières décennies.

Les jeunes ont le sentiment de se retrouver face à un héritage dont ils se passeraient bien mais qu'ils ne peuvent refuser. Ils n'ont pas le choix. Economie en berne, chômage galopant, modèle social troublé, valeurs effritées, déficits abyssaux, une retraite improbable, tel est le triste bilan, bilan qui s'est terni au fil du temps.

Ayant la chance d'être en contact avec la jeunesse, je ne crois pas qu'elle soit moins travailleuse ou moins ambitieuse comme je le lis parfois. Je suis même convaincu de l'inverse.

La génération actuelle, celles et ceux qui viennent d'arriver sur le marché du travail, ou qui vont y parvenir sous peu, est consciente des difficultés, elle est plus mature, responsable, mais exigeante sur le travail, son sens, le but poursuivi, le pourquoi des choses. Elle a des exigences. C'est plutôt rassurant je trouve. Elle n'est pas prête à sacrifier l'équilibre qui doit exister entre vie privée et vie professionnelle. A l'époque où je finissais mes études, nous ne nous posions pas souvent ces questions. Surprenant !

En réalité, nous sommes perturbés, car nous sentons qu'un nouveau modèle doit s'installer (cf. post de Michel Serres sur mon blog), qu'il est nécessaire, mais nous ne savons pas lequel. Ni quand il arrivera. Cela prendra-t-il 5 ans, 10 ans, 20 ans, pour passer d'un univers à un autre ? Comme les transitions du passé, de l'agriculture à l'industrie, de l'industrie aux services, des services à l'internet ... d'une économie de production à la finance internationale pour aboutir peut-être demain à l'entreprise sociale, plus respectueuse du développement des hommes et de l'environnement ...

Mais dans tous les cas, pour poser les fondations et aller vers une nouvelle étape, il faudra des jeunes motivés, des jeunes portant le désir de faire avancer les choses. Des jeunes d'où s'extirperont les leaders de demain, celles et ceux qui feront de notre économie un monde meilleur ... où l'on vivra mieux.

N'est-ce pas finalement le but de toute démocratie ?