Oui et non. L'ignorer reviendrait à revendiquer une absence de sensibilité ou d'intérêt à l'opinion de l'autre. Ne penser qu'à cela à l'inverse ne peut qu'aliéner la force de l'action pourtant nécessaire aujourd'hui, ou du moins la volonté d'entreprendre les changements. Comme toujours, le jeu consiste à trouver la juste mesure entre ce qu'il faut faire pour réformer et avancer et ce qu'il ne faut pas faire pour ne pas choquer et bloquer toute progression.
En politique, le sujet est épineux. Transformer la France, comme ont pu le faire les gouvernements précédents et actuel, est un sujet brûlant, l'assurance en quelque sorte de ne pas rester populaire très longtemps. En dehors de toute considération politique, tel n'est pas le propos de ce post, ni même de ce blog, il faut dire et redire que vouloir plaire à tout prix en restant haut dans les sondages implique d'abdiquer sur de nombreuses responsabilités. Mais comment ensuite se regarder dans une glace quand on sait que la France va dans le mur à coup sûr si rien n'est fait dans l'urgence ? On ne le pourrait pas. Pas plus notre 1er ministre que nous tous. Que l'on soit de gauche ou de droite, mieux vaut pour la France que le gouvernement actuel réussisse car autrement, dans 4 ans à présent la situation sera plus que difficile. Nous pourrions alors connaitre le sort des Italiens ou des espagnols, à défaut de celui des Grecs.
Rappelons deux ou trois faits. La France est une des plus grandes puissances économiques mondiales (la cinquième en termes de PIB) et sans doute l'icône de la culture et du savoir-vivre. Il faut le répéter du reste, beaucoup oublient cet élément essentiel ! Mais tout change, tout bouge à 100 à l'heure dans notre société post-moderne. Nous avons perdu des pans entiers de notre industrie, nous ne dominons pas dans le numérique, nous attirons de moins en moins d'investissements étrangers (même si nous restons encore attrayants) et nous sommes en passe de nous faire dépasser par le Brésil et au-delà par les pays formant avec ce dernier ce que nous nommons les BRICs. C'est inquiétant. Pas perdu car nous avons de très nombreux atouts, mais inquiétant.
J'ai cependant fait le constat qu'à force d'atténuer la situation mitigée qui est la nôtre, nous fragilisons toute volonté de réforme. C'est dangereux. Il y a toujours en effet quelqu'un de très intelligent, fort de graphiques, de tableaux, de chiffres et de raisonnements brillants, pour affirmer qu'il serait préférable de ne ... rien faire. Et bien n'en déplaise à ces mauvais conseilleurs, il faut réformer et vite. Il faut modifier ou plutôt adapter nos institutions, introduire de la simplification et de la souplesse un peu partout dans les rouages de nos administrations, modifier notre fiscalité, réformer nos régimes de retraite, redonner à la France une compétitivité par les coûts, gagner les marchés par la croissance retrouvée, etc. Les chantiers à entreprendre sont massifs et ne seront pas porteurs de popularité. Mais il faut s'y atteler.
Ne pas le faire reviendrait à scier la branche sur laquelle nous sommes tous assis. Plus très confortablement du reste. Nous sentons bien la rudesse du bois. Les coussinets que nous avions jusqu'à il y a peu encore nous ont été retirés ou nous les avons perdus.
Pour redonner à la France toutes ses lettres de noblesse, il faut retrouver le chemin de la croissance et être meilleur que la concurrence. Tout ce qui s'applique à une entreprise l'est aussi à un Etat. Être de nouveau en croissance implique de miser sur les bons secteurs, de garder nos chercheurs, de transformer les innovations en entreprises, de réformer nos écoles et nos universités pour les adapter aux nouveaux challenges à venir, de garder les jeunes pousses et les aider à croître en France et pas ailleurs, de permettre aux entreprises françaises de gagner sur tous les marchés, à l'international, les marchés sont mondiaux aujourd'hui. Il faut laisser de côté nos craintes et nos vieux idéaux, pour adopter une position résolument déterminée et agressive. Personne ne nous fera de cadeau. Nous n'avons pas à en faire aussi. Il faut aller chercher les points de croissance, en Chine, en Amérique du Sud, en Afrique ou aux USA. Il nous faut ensuite être meilleurs que nos concurrents, c'est à dire nos voisins. Et pour cela il faut revenir aux premiers cours de l'enseignement économique. Comme on ne peut pas être les meilleurs partout, il faut choisir ses combats et se concentrer sur ses points forts, là où nous pouvons nous spécialiser. La mode, le luxe, le vin et les champagnes, la gastronomie, le textile (en partie), l'aéronautique, le pneumatique, les jeux vidéos, etc. Une fois sélectionnés avec soin, ces secteurs doivent donner lieu à des investissements importants et réguliers pour ne jamais être décrochés. Il faut se différencier des autres et ce n'est pas simple. Mais c'est ça ou être relégué dans le bas des classements d'ici vingt ou trente ans. La quarantaine et la cinquantaine de nos enfants seraient dès lors un peu moins simples.
Il faut réformer, prendre des décisions qui sont bonnes pour le moyen et le long terme, même si elle joue négativement à court terme sur les résultats et donc ... les sondages.
Le chef d'entreprise a le même souci. S'il suit scrupuleusement la volonté de Wall Street, il ne prend que des décisions favorisant le court terme et la valorisation boursière immédiate. Mais il mitraille son entreprise à moyen et long terme et laissera à son successeur un bien triste testament. Il ne faut pas inversement se moquer des attentes des marchés. Leurs positions comptent puisqu'elles reflètent l'état d'esprit des investisseurs. Mais ces derniers veulent avant tout attendre des choses qui ont du sens. Leur dire placer votre argent chez nous. Dans 5 à 7 ans nous serons encore plus forts, nos fondations plus solides. Celles et ceux qui sont avisés ne peuvent que souscrire à un tel discours et rejeter les gains de court terme, trop risqués au final. Seuls les spéculateurs trouvent leurs comptes dans ces calculs court-termistes, souvent à leur détriment.
Il est des fois où, à la tête d'une entreprise, d'un état, il faut prendre des décisions, agir, transformer, bouger les lignes pour trouver les bons équilibres, expliquer pour ne snober personne, jouer la transparence pour être crédible et compter sur l'intelligence collective. Des femmes et des hommes parviennent à accomplir ce type de miracle. Je vous parlerais du reste, sous peu, d'un livre à ce sujet lorsque j'en aurais terminé la lecture.
Alors pour revenir à la question posée, on ne peut certainement pas rester hermétique face à un problème d'impopularité, du moins pas trop longtemps, mais en période de crise, il est de bon ton de s'en affranchir partiellement, c'est-à-dire de prendre un peu de distance. Question de liberté et de responsabilité.