Les entreprises "installées" voudraient toutes retrouver le temps de leurs débuts. Nous avons tous ce souhait de garder une forme de réactivité, de ne pas sombrer dans la technocratie, de pouvoir réagir à la moindre opportunité de business. Nous voudrions tous garder un esprit de "start up". Il est vrai que les organisations tendent à se complexifier dès lors que le succès est au rendez-vous. On connait la croissance, on recrute, l'organisation se densifie, il faut gérer et à cette fin nommer des lignes de management. Et c'est justement à ce moment précis que l'on court un risque d'enlisement.
Une première solution est de ne pas sombrer dans le contrôle à tout prix. Dès lors que l'on veut tout "mettre sous contrôle" ("under control"), ce qui est au fond la mission première d'un manager, on court le risque de tendre les relations au sein de l'entité mais aussi de générer de la complexité. Il faut ainsi renoncer à ces batteries de ratios économiques, sociaux et financiers qui donnent souvent l'illusion de maitrise alors qu'il n'en est rien. Il est souvent préférable de n'en avoir que peu mais de les utiliser que d'en avoir de nombreux et de ne pas s'en servir. Car pour les produire, à coup sûr, il aura fallu mobiliser beaucoup de temps et d'énergie. Cette fausse assurance a un coût. Un coût exorbitant. Sans compter que pendant que l'on fait cela, on ne fait rien d'autre. Il faut donc choisir ses batailles !
Être sélectif. Voici sans doute la seconde recette miracle pour garder une certaine fraicheur. Il faut partir du principe qu'on ne peut pas tout faire. Et surement pas tout faire et bien. Il faut faire du "less is better" une règle opérationnelle, même si elle peut à certains moments frustrer certaines personnes. Le rôle d'un dirigeant n'est pas de faire plaisir à tout le monde. parmi ces missions, il en est une qui est plutôt primordiale : faire le choix des combats à mener. Dans le même ordre d'idée, il faut également renoncer à rechercher de façon permanente la perfection en toute chose. Il faut se contenter de ce qui est suffisant ... pour gagner, pour l'emporter. Avoir cela en tête change les mentalités. On est alors plus véloce car on dispose de plus de temps.
Il faut ensuite que les dirigeants d'une entreprise en place se sentent responsables. S'ils échouent, ils assument et paient l'addition. S'ils réussissent, ils en tirent les bénéfices. En grossissant une entreprise a tendance à déresponsabiliser ses managers et leaders. Eux-mêmes ne sont pas toujours prêts à assumer les dangers d'une firme qui n'est pas la leur (en termes capitalistiques). C'est un piège bien sûr. Un piège étourdissant. Ce qui différencie un dirigeant d'entreprise d'un entrepreneur, c'est la notion même de risque. Vouloir garder l'esprit de notre jeunesse exige que l'on accepte de prendre plus de risques. Or avec le temps on y devient réfractaire. C'est une réaction courante.
Donc au final, les entreprises finissent par "s'embourgeoiser" ! Par peur du risque et par attrait d'un management intrusif, on multiplie les contrôles, on se plait à tout vouloir faire, à ne pas accepter l'approximatif et à refuser toute forme de danger. Ce faisant, elles deviennent lourdes, peu flexibles, incapables de réaction. Elles s'enlisent sans s'en rendre compte.
Pour combattre cette colle invisible qui nous menace tous, à plus ou moins long terme, rien ne vaut de se remettre en cause de façon permanente. Il faut bousculer "positivement" ses équipes, accepter de l'être également et ne pas accepter le "non", le "c'est impossible", "cela semble difficile", etc ... comme des vérités absolues. Il faut casser les structures complexes à multiples couches. Il faut chercher le "simple". Il faut renoncer à des titres ronflants et des modèles flatteurs pour préférer l'efficacité et le pragmatisme.
Vouloir garder "l'esprit start up" c'est bien, mais il faut s'en donner les moyens, d'autant plus que les "start up" n'ont pas, loin s'en faut, que des qualités. Mais c'est là un autre sujet ...