17 mai 2014

Pour un leader, le manque de courage est éliminatoire ... interview dans les Echos

Le 12 Mai dernier est paru un échange que j'ai eu avec Valérie Landrieu, journaliste aux Echos sur le thème du leadership. 



Intégralité de l'interview :

Professeur de leadership à HEC, le Pdg de Hewlett-Packard France défend la force des convictions dans l'entreprise. Ne serait-ce que pour le bien des affaires.

Gérald Karsenti, le courage est, selon vous, un élément clef du leadership…
Je pense surtout que le manque de courage est un critère éliminatoire pour qui aspire à être un leader. La peur est dangereuse, parce que celui qui l'éprouve prend généralement de mauvaises décisions. Dans ma pratique, lorsque je pense qu'une décision doit être prise, je la défends jusqu'au bout. Je suis persuadé qu'une entreprise qui n'a pas de managers avec des convictions professionnelles n'avance pas.
Jusqu'où peut-on aller ?
Il ne s'agit pas non plus d'être un Don Quichotte. Il faut trouver le bon équilibre pour l'entreprise. D'ailleurs, le courage, cela peut aussi consister à dire à un collaborateur que son travail ne convient pas, alors que l'on ne veut pas le perdre. De façon plus générale, il faut avoir un système de valeurs qui constitue un cadre au-delà duquel on ne va pas. Il y a des moments où il faut se poser la question « Est-ce que je l'accepte ou est-ce que je m'en vais ? ». C'est une décision individuelle à prendre à laquelle je n'ai toutefois pas eu à répondre.
On pense évidemment à Eric Piolle, le nouveau maire de Grenoble*...
Quand Eric Piolle, que je ne connais pas, est parti, il avait une très bonne image auprès des salariés. Je ne peux pas vous en dire plus si ce n’est que je suis pressé de le rencontrer pour discuter de ce que mon entreprise peut apporter à la ville de Grenoble et sa région. J’aime cette région qui respire l’innovation et est dans le futur.
Du courage, des valeurs…
Et des résultats ! C'est le préalable indispensable. Mais à un moment donné, le professionnel se construit autour de son système personnel et la vision de ce qu'il veut faire de sa vie. La taille de l'entreprise importe peu ; quand vous dirigez, il est nécessaire que les gens que vous menez se reconnaissent dans votre système et se laissent entraîner par votre vision.
Quelles sont les autres caractéristiques essentielles du leadership ?
Au-delà du courage, le leader doit être authentique, être porté par une éthique irréprochable, disposer d'une intelligence émotionnelle et relationnelle et faire preuve d'initiative et de créativité.
Quelles sont les incidences managériales d'une entreprise de culture américaine ?
Les Américains ont une approche différente de la gestion des risques. En France, il n'y a guère de culture du risque… Les Américains créent pour gagner de l'argent, et ils sont très pragmatiques. Mais il serait inexact de tirer des conclusions générales : la dynamique de l'entreprise dépend surtout des patrons, des personnalités aux commandes.
HP est dirigé par Meg Whitman, une femme…
Meg Whitman a impulsé quelque chose de totalement différent par son passé entrepreneurial. Elle a créé eBay, fait de la politique. Elle a par nature un profil de créatrice tournée vers l'innovation qui imprime sa marque à l'entreprise. Etre dirigé par une femme ? Ce n'est pas une première pour moi [Gérald Karsenti était chez IBM France lorsque Françoise Gri en était le PDG, NDLR]. Je pense que les femmes ont un leadership différent de celui des hommes, avec une gestion plus équilibrée de l'ego. Nous sommes aujourd'hui dans une phase transitoire : dans l'entreprise, les femmes n'ont jusqu'à présent pas eu beaucoup d'autre choix que celui de prendre des hommes pour modèles. C'est en train de changer. Là aussi, il faut trouver un équilibre.
Quelle est votre ligne de conduite en matière de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences ?
Derrière l'outil GPEC, il y a tout ce que nous voulons faire autour du cloud, du big data, de la sécurité et de la mobilité, sachant que plus de 50 % du « job » du patron, c'est de trouver, dans les équipes, les bonnes personnes pour les mettre aux bons endroits pour faire les bonnes choses. Notre université d'entreprise va nous y aider. Nous devrions avoir bouclé les négociations d'ici au mois de juin.
Avez-vous des maîtres à penser ?
Je suis un grand admirateur d'Alexandre Le Grand, qui était pour moi un opérationnel et un visionnaire. Il a su mettre son désir de conquêtes au service d'un objectif.
* Cadre dirigeant d'HP France sur le site de Grenoble, Eric Piolle a refusé de mettre en place un plan de délocalisation
Par VALERIE LANDRIEU, Les Echos