Je voulais partager avec vous le compte-rendu de mon intervention à la Matinale Objectif News à Toulouse le 24 Juin dernier. Un débat intéressant avec un public varié autour du leadership, d'HP et de la France.
Innovation disruptive et leadership : le PDG d’HP France partage sa méthode de management
Paul Lauriac (TBS) et Emmanuelle Durand-Rodriguez (Objectif News) ont mené l'interview de Gérald Karsenti lors de cette matinale
Gérald Karsenti Invite à la Matinale Objectif News le 24 Juin 2014 |
Gérald Karsenti, 51 ans, est à la tête
d'HP France depuis 3 ans, et déjà il y marque les esprits. Sous la présidence
de ce leader affirmé et bosseur acharné, la filiale de l'entreprise américaine
est entrée en 2013 dans le top 5 des filiales les plus performantes. Alors
qu'il y a quelques années, HP était connu essentiellement sur le marché de
l'impression et du PC, elle l'est maintenant aussi sur sa capacité à
transformer le business process des entreprises.
Cloud, big data, mobilité et sécurité
des données sont au cœur de l'activité d'HP. Ainsi, contrairement à IBM par
exemple, le groupe est présent sur plusieurs segments de marché (logiciels,
serveur, stockage, réseaux, services, pc, printing) : "Nous sommes la
seule entreprise au monde à faire du "bout-à-bout". Notre métier est
de transférer l'information au bon moment à la bonne personne. En face d'un
client, nous comprenons l'ensemble de son flux informationnel." Parmi les
clients toulousains, HP France compte Airbus Group et Orange.
Depuis son arrivée, Gérald Karsenti a
engagé une réforme en profondeur de l'entreprise, rajeunissant la pyramide des âges
tout en évitant un plan social. Fervent défenseur de la diversité homme /
femmes au travail (il est pour la suppression de la journée de la femme), il
place l'humain au cœur de son management, mais c'est avant tout un businessman
: "Tous les matins, je regarde les prises de commandes. Nous avons
plusieurs dizaines de millions d'euros d'avance sur notre business plan",
affirme-t-il sans donner plus de précisions. Exigeant avec lui-même et avec son
entourage, le chef d'entreprise prône l'innovation de rupture pour tirer son
épingle du jeu dans une société "qui se transforme" et où la
politique "ne va pas assez vite". Reçu à l'Élysée, sa voix est
écoutée quand il parle d'innovation et de numérique.
Former les leaders demain
Il se définit lui-même comme "quelqu'un
d'assez simple, optimiste mais réaliste". Gérald Karsenti a en effet les
pieds sur terre et la tête bien accrochée. Le chef d'entreprise ne dort que 5
heures par nuit et "il aime la vitesse". "En France, on aime
passer du temps à analyser, à faire des réunions, à réfléchir. Moi, je pense
qu'il vaut mieux se tromper 20 % du temps et avancer, plutôt que de vouloir
avoir raison tout le temps et ne rien faire." À la tête d'une filiale de
6.000 salariés (dont une centaine à Toulouse), Gérald Karsenti est
conscient de sa responsabilité :
"Pour être un leader,
il faut savoir mettre ses problèmes de coté et être à 100 % dans son travail.
Il faut être super motivé et affuté physiquement et mentalement. C'est
compliqué d'être un leader. Mais c'est passionnant. La passion est ce qui fait
que l'on réussit ou que l'on échoue."
Professeur de leadership à HEC Paris,
le PDG du groupe informatique est convaincu que la capacité à guider des hommes
n'est pas innée et qu'elle s'apprend. Il affirme également que les leaders de
demain sont en rupture avec les méthodes actuelles :
"Demain, une
entreprise sera jugée sur son bilan RSE autant, voire davantage, que sur ses
résultats financiers. Les leaders de ma génération sont trop cartésiens, leur
finalité est toujours le profit. Une nouvelle génération de leaders doit
accompagner les mutations des entreprises."
Fervent défenseur de la cause des
femmes en entreprise, ce patron constate que la loi qui impose un quota de
femmes dans les conseils d'administration "est l'arbre qui cache la forêt.
Le pouvoir n'est pas dans les conseils d'administration mais dans les comités
de direction." Deux des cinq divisions de l'entreprise "dont la plus
importante" sont dirigées par des femmes.
"Je mène ces actions
aussi pour des raisons de business. Il est prouvé que les entreprises qui
appliquent la diversité sont plus performantes."
Respecté par ses salariés, Gérald
Karsenti a instauré au sein d'HP France une GPEC (Gestion prévisionnelle de
l'emploi et des compétences) pour rajeunir la moyenne d'âge des salariés et
stimuler leur motivation tout en évitant un plan social. "J'ai été soutenu
par 70 % des syndicats", se félicite le PDG.
"The Machine"...
Toutes les innovations ne se valent
pas aux yeux du chef d'entreprise qui distingue les innovations de rupture et
les innovations "d'apparat". Pour lui, Bill Gates a changé le monde
en installant l'informatique dans chaque foyer. HP n'est pas en reste : Gérald
Karsenti a évoqué ce matin à Toulouse la création de The Machine, un projet de
data center super-puissant de la taille d'un frigidaire, présenté il y a
quelques jours lors de la conférence HP Discover à Las Vegas :
"Nous créons une machine 10 fois
plus puissante que la machine existante la plus puissante. Notre machine
réalisera 90 % d'économies d'énergies", explique le patron d'HP
France. La nouvelle architecture doit répondre aux nouveaux défis posés par le
big data, l'internet des données et l'évolution des usages. HP va également
investir 1 Md$ dans le projet Helion, un portefeuille de produits et de
services cloud open source.
Une carrière politique ?
Quand on demande à ce spécialiste quel
est le niveau de leadership de François Hollande, il sourit et pose un joker.
Gérald Karsenti a été reçu à l'Élysée en février dernier pour parler innovation
et numérique :
"François Hollande
est à l'écoute, reconnaît-il. Il y a une prise de conscience des acteurs
politiques sur la transformation de la société. Mais la situation actuelle de
la France est déconnectée des problématiques droite / gauche. Il ne faut pas
réformer, il faut transformer. La France a besoin d'un coup de pied",
estime l'adepte de la vitesse.
Gérald Karsenti l'affirme, il ne veut
"pas faire de politique" mais se qualifie de "citoyen
exigeant" qui "aime la France"
Et ce citoyen, qui ne "transige
pas sur l'essentiel tout en acceptant la contradiction", a révélé
aujourd'hui devant le public de la Matinale le secret de sa performance :
"j'ai 25 ans dans ma tête !" L'entreprise, elle, fêtera ses 50 ans de
présence en France la semaine prochaine.