Transformer une organisation, quelle soit publique ou privée, est un projet complexe et exige rigueur et engagement. Je me suis souvent demandé ce qui pouvait expliquer les succès et les échecs de certaines entreprises. Pourquoi certains chantiers échouent alors qu'à priori ils étaient partis avec les mêmes probabilités de réussite ? Les hommes ? Peut-être. Mais il arrive que des leaders qui ont réussi un projet de transformation majeur échouent sur le suivant, sans que l'on puisse vraiment le comprendre. C'est aussi une question que l'on pose fréquemment sur le campus d'HEC Paris.
J'ai interrogé plusieurs de mes relations, eux-mêmes chefs d'entreprises ou consultants, tous fortement expérimentés en management de projet et/ou en projets de transformation d'une entreprise. Ces discussions n'ont aucune valeur empirique. Elles ont été conduites sans structure, sans schéma préétabli. Il s'agissait pour moi de me faire une idée, rien de plus. Mais au final, j'en suis ressorti avec une conviction que j'ai essayé de synthétiser dans la diapositive ci-dessous :
Que nous dit-elle ?
1. Nous avons tous une tendance naturelle à nous attaquer en premier lieu à la partie visible de l'organisation (que j'ai imagé ici par un iceberg et sa partie émergée). Là se trouve le tangible, ce que l'on maitrise davantage car nos esprits cartésiens sont habitués à travailler sur ces matières. Notre cortex, la partie structurée de notre cerveau, peut s'en donner à coeur joie. Du reste, si vous faites appel à des consultants, ils seront très à leur aise sur ces domaines d'analyses. Ils reprendront des études déroulées mille fois, dans des secteurs équivalents ou pas, avant de les adapter à votre problématique. Au final, la marge d'erreur est limitée. De quoi parle-t-on ? Définir une vision et des objectifs stratégiques. C'est important bien sûr. Lou Gerstner, ancien président de Nabisco, American-Express et IBM, disait au temps où il officiait qu'on ne gagner pas avec une stratégie. Dont acte. Encore faut-il en avoir une ? On se sent toujours mieux une fois les plans stratégiques et opérationnels clairement définis. Le reste devient alors plus facile. On définit les structures, la gouvernance, le système de management et l'organisation. Pour autant, sans s'en rendre compte, seulement 20% du chemin est fait !! Car l'essentiel est ailleurs. Il réside dans la partie cachée de l'iceberg.
2. Nous ignorons, volontairement ou pas, cette partie cachée de l'iceberg. Il s'agit pourtant de la partie essentielle de l'iceberg. 80 % au moins ! Il en est de même dans l'entreprise. Ce sont tous les pouvoirs et les schémas d'influence. On parle d'une partie différente de notre cerveau. On est davantage proche du système limbique qui agit sur le comportement, et en particulier sur les émotions. Car pour comprendre ces éléments ou facteurs, l'intelligence analytique n'est pas suffisante. Il faut d'autres formes de logique et d'analyse. Il s'agit : 1) des dynamiques de groupes qui se créent au fil du temps et finissent pour peser sur les décisions, les orientations et la bonne tenue des projets; 2) des forces de conformité ; 3) des sentiments et relations interpersonnelles, sur lesquelles il est impossible d'agir mais mieux vaut les connaitre; 4) des besoins et aspirations au niveau individuel, des aspirations de carrière pouvant gêner la bonne marche générale ; 5) et finalement et surtout la culture de l'entreprise.
Cette dernière est absolument vitale. Sans compréhension de la culture interne, un projet a peu de chances de réussir. Plus généralement, les projets qui n'intègrent pas les paramètres de la face cachée de l'iceberg ont peu de possibilité d'aboutir.
Les solutions existent. En voici quatre parmi les très nombreuses "meilleures pratiques" :
1. Donner du sens au projet pour que chaque équipier s'y retrouve;
2. Isoler la contribution de chaque membre de l'équipe. Le succès collectif est une chose, connaitre sa contribution en est une autre, tout aussi importante.
3. S'appuyer sur les "stars". Ce ne sont pas des leaders de l'organisation reconnus et suivis. Il s'agit plutôt de ceux que l'on écoute et que l'on suit. Il faut les identifier et s'en faire des alliés. Il ne s'agit pas non plus de les manipuler. Au contraire, il convient d'être sincère avec eux et de leur confier une mission claire.
4. Communiquer de façon régulière.
La liste n'est pas exhaustive bien entendu.
Pour maximiser ses chances de réussite au niveau d'un projet, mieux vaut donc constituer une équipe capable de traiter les deux parties de l'iceberg. ce sont rarement les mêmes profils !