14 septembre 2009

Le capital humain

Nous saluons une étude publiée par le BCG (Boston Consulting Group) en Mars 2009 sur l’importance du capital humain, l’un des facteurs clés des entreprises et au fond de tout système économique. Le BCG affirme que même en période de crise, il ne faut pas se laisser aller à des licenciements de masse et qu’il convient au contraire de poursuivre les recrutements. Si la logique financière de court terme impose bien (trop ?) souvent aux dirigeants la prudence lorsque les indicateurs virent au rouge, elle peut être un piège lorsque la reprise survient. Car le regain finit toujours par succéder à la récession et là, l’addition peut se révéler salée : tout d’abord, les salariés se souviennent toujours de l’attitude adoptée par l’employeur dans les moments difficiles. C’est un fait maintes fois démontré. Ils pardonnent rarement d’avoir été incompris dans les moments de tension. En d’autres termes, ils quitteront à la première embellie s’ils ont le sentiment d’avoir été maltraités; ensuite, lors d’une reprise, les profils de qualité sont généralement très courtisés et le risque de se retrouver avec des “seconds choix” augmente, quand ce n’est pas pire (pas de choix du tout !); enfin, tout allant très vite, il n’est pas impossible que les recrutements prennent un certain temps et que l’entreprise passe à côté de plusieurs trains, lui coûtant alors parts de marché et points de croissance. Aussi les dirigeants avisés auront à cœur de poursuivre les embauches (apprentis en particulier ou experts), à faire le dos rond et à atteindre des jours meilleurs, en se persuadant d’avoir fait les bons choix. Il n’est pas question pour autant de stopper les licenciements, mais nous pensons qu’ils doivent être fondés sur une évaluation de la performance individuelle (qui doit être permanente, connue de tous et appliquée de façon homogène dans toute l’entreprise, pour toutes les catégories de personnels). Le budget formation ne doit pas non plus être coupé. Au contraire, il faut profiter de ces périodes de trouble ou de moindre activité pour envoyer ses effectifs, particulièrement ceux qui ont un talent reconnu, se former et étoffer leurs compétences. Recrutement et formation sont deux lignes que l’on coupe habituellement à l’apparition des premières difficultés. Et bien apprenons à changer la donne, à voir plus loin, à prendre plus de risques … les profits n’en seront que plus forts.
« Creating people advantage in time of crisis », Boston Consulting Group – European Association for People Management, Mars 2009.

29 juin 2009

Pour mieux appréhender les théories économiques ...


Jacques Généreux, économiste, professeur à Sciences Po Paris, écrit un livre passionnant, facile à lire et permettant aux néophytes de se cultiver rapidement sur la matière économique et aux autres de parfaire leurs connaissances. Ci-dessous, la critique de Denis Clerc du journal Alternatives Economiques. Dans ces moments de crise où la maîtrise des dynamiques économiques et financières est devenu un impératif, voici un ouvrage à mettre définitivement entre toutes les mains.
Gérald K.
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Les vraies lois de l'économie par Jacques Généreux, Editions du Seuil, 2001, 200 pages. Prix des Lycéens.

"Quand des économistes annoncent leurs prévisions, vous rigolez (et c'est vrai qu'il y a de quoi!)." Il n'a pas peur de se brouiller avec une partie de ses collègues, Jacques Généreux. Une partie seulement, car - heureusement - bon nombre d'entre eux, plus ou moins en catimini, doivent partager ses convictions: l'économie est une science morale et l'homo-oeconomicus, une caricature qui réduit la complexité humaine à la seule "fonction calculette". Il nous faut procéder au "démaquillage du discours économique", nous dit l'auteur qui, courageusement, s'y attelle. Et cela nous vaut un livre fort intéressant, dont les lecteurs d'Alternatives Economiques ont eu partiellement la primeur, puisque la première formulation de ces textes est parue dans notre mensuel, textes que Jacques Généreux a repris, développés, agrémentés de références et d'analyses qui ne figuraient pas dans la version initiale.
Non, la monnaie n'est pas neutre, puisqu'elle influence l'activité économique. Non, l'impôt n'est pas un
prélèvement obligatoire, puisque chacun peut toujours s'expatrier s'il estime n'en avoir pas pour son argent. Non, la justice sociale n'est pas un concept creux, c'est même la condition de l'existence d'une société démocratique. Non, le marché ne suffit pas à faire le bonheur et la concurrence à assurer l'efficacité. Reprenant les principales affirmations de la vulgate libérale, Jacques Généreux montre que, heureusement, elles n'ont pas grand-chose à voir avec ce que la réflexion économique a pu dire de sérieux, ni avec ce que le réel nous donne à constater. La science économique a été transformée en une théologie, grâce à une "lecture tronquée des textes sacrés" que conteste l'auteur.
Ce livre, en plus d'être brillant, est salubre et facile à lire. Le seul regret porte sur le titre, Les vraies lois de l'économie. En effet, le message des grands auteurs a été parfois travesti, c'est exact, mais qui peut prétendre détenir la vérité dans ce domaine? Jacques Généreux nous fournit une lecture plus nuancée, moins caricaturale et, pour tout dire, plus convaincante que celle de certains chroniqueurs radiophoniques du matin. Cela suffit à notre bonheur.
Denis CLERC
Alternatives Economiques - n°199 - Janvier 2002

06 juin 2009

Un livre à découvrir …


Un titre approprié pour ce blog !

Économie de l'entrepriseAux Éditions de l’école polytechnique
Publié en 2005


ARGUMENTAIRE
Cet ouvrage introduit les principaux outils d'analyse économique permettant de comprendre pourquoi les entreprises sont plus ou moins performantes. Il s'organise en trois grands chapitres complémentaires, traitant de : 1) l'analyse concurrentielle ; 2) l'analyse organisationnelle ; 3) l'analyse financière. Il présente également une réflexion générale sur le gouvernement d'entreprise. Chaque approche est illustrée par des modèles formalisés des situations rencontrées, des études de cas et des dossiers qui permettent de mieux appréhender les apports er les limites des outils de management utilisés dans les conditions réelles de prise de décision. Cet ouvrage se situe à un niveau technique simple mais couvre un ensemble assez large de thèmes. Il ne nécessite aucun pré-requis en économie. Il constitue un complément synthétique à une formation d'ingénieur pour l'aider à comprendre le fonctionnement de l'entreprise et à y exercer pleinement sa capacité d'action.

AUTEURS
Jean-Pierre Ponssard est directeur de recherche au CNRS. Il a publié plusieurs ouvrages et de nombreux articles en économie industrielle, théorie des organisations et théorie des jeux. Il est également professeur à l'École Polytechnique, titulaire du cours d'économie de l'entreprise et co-responsable du master économie et gestion.
David Sevy est principal (directeur associé) au sein du cabinet de conseil en économie LECG, dont il dirige le bureau parisien ; il est également professeur chargé de cours à l'École Polytechnique. Son activité professionnelle porte essentiellement sur des questions de politique de la concurrence et de réglementation, dans le cadre de dossiers impliquant de grandes entreprises issues de tous secteurs. Il a également participé à de nombreuses missions de conseil en stratégie.
Hervé Tanguy est directeur de recherche à l'INRA. Ses travaux portent sur les applications de l'économie aux problèmes de stratégie industrielle, finance et organisation d'entreprise. Il a conduit de nombreuses interventions dans les industries de base, l'agro-alimentaire, et les services. Il est aussi à l'origine de la création d'YKems, cabinet de conseil en stratégie fondé en 2001.

25 mai 2009

Les Français frustrés de ne pas comprendre les principes de l’économie …

J’ai retrouvé aujourd’hui dans mes archives le résultat d’un sondage relatif à la perception que les Français ont de l’économie. TNS Sofres conduisait effectivement fin Novembre 2008 une analyse pour le Conseil de la diffusion de la culture économique (Codice) qui démontrait que près de 65% d’entre nous se considèrent comme étant mal informés sur les changements concernant la vie économique en France. Nombreux sont ceux pourtant qui considèrent que mieux vivre dans le monde d’aujourd’hui passe par une bonne compréhension des mécanismes économiques. La vulgarisation économique et financière est d’autant plus vitale que près de 75% de nos concitoyens jugent que l’information économique n’est « ni accessible, ni compréhensible ». Ennuyeux … D’autant plus ennuyeux que les ouvrages destinés à remédier à ce problème se sont multipliés ces dernières années : « l’économie expliquée à ma fille … ; l’économie pour les nuls ; comprendre l’économie ; etc.). Mais sont-ils achetés ? Sont-ils lus ? Par manque de compréhension et d’explications, les interventions de l’Etat dans l’assainissement de la finance nationale ne sont pas toujours comprises. Beaucoup s’inquiètent de voir ces milliards engloutis — à fonds perdus pensent-ils — dans un système financier qu’ils croient corrompus puisqu’on le leur rabâche à longueur de temps. Que dire des thèmes qui les préoccupent au point haut point, comme le pouvoir d’achat, le chômage ou encore la protection sociale. Comment savoir ce qui agit sur ces éléments ? Quand un socialiste évoque la possibilité d’une relance par la consommation, que veut-il dire ? Pourquoi à l’inverse, le gouvernement ne s’engage pas dans cette voie et préfère privilégier l’investissement ? Que doit-on entendre par un retour possible aux pratiques protectionnistes ? Les questions sont si nombreuses et les réponses souvent si obscures que beaucoup décident de lever le pied et de ne pas insister. Dommage ! Le sondage démontre que les français souhaitent qu’on leur parle avec des mots simples, qu’on fasse preuve à leur égard de plus de pédagogie. Les médias en particulier. Alors pourquoi ne pas envisager dans ce contexte des mesures du type :

- Apprendre aux jeunes lycéens, non pas uniquement les principes de l’économie, mais le débat, la réflexion. L’analyse à partir de faits et de données. Cela se perd et nous voyons le résultat ;
- Mettre en place des sessions de cours sur le thème de l’initiation aux principes de l’économie, de la finance, de la sociologie et de l’entreprise pour les salariés en activité. Elles seraient dispensées gratuitement en entreprise par des professeurs des collèges et des lycées et seraient obligatoires. Une sorte de formation continue qui donnerait lieu à un passeport de bon citoyen ...

Tout ce qui est obligatoire est en général rejeté. Pourtant à bien y réfléchir, cela serait un moyen infaillible de s’assurer que nous avons une plus juste compréhension des mécanismes essentiels, que nous comprenons mieux les actes de nos gouvernants et des dirigeants d’entreprises et que nous ne sommes pas là au fond à subir les lois imposées par certains dans l’ignorance quasi générale. L’ignorance ou la résignation ? Il est vrai que l’Europe était censée apporter la stabilisation et le bonheur de tous. La crise est venue effriter les édifices pétris de certitudes.

Il est temps de relever les manches et de s’attaquer à ce problème passionnant de la diffusion d’une véritable culture économique !

17 mai 2009

La France fait de la résistance !


Il semble bien que la France résiste mieux que le reste du monde face à la crise qui sévit actuellement. Le très libéral journal économique britannique « The Economist » vient en effet de titrer « Europe’s new pecking order », ce qui a de quoi surprendre, lorsque l’on sait avec quelle vigueur le modèle français y a toujours été vilipendé. Pourtant tels sont les faits. Et la couverture est plutôt drôle. On y voit en effet un Nicolas Sarkozy, triomphant, sur la première marche d’un podium virtuel, observant goguenard la chancelière allemande pétrifiée et le premier ministre anglais Gordon Brown se noyer …
Est-ce la revanche du modèle social à la française empreint de Colbertisme ? Il faut se méfier des conclusions hâtives, mais il est vrai que le rôle joué par l’Etat dans l’économie nationale, que le nombre significatif de fonctionnaires en proportion de la population active et que les systèmes de protection en place constituent autant de boucliers ou de remparts dont ne disposent pas la plupart des autres nations. Il est également vrai qu’en cas de reprise, la France aura vraisemblablement plus de mal à (re)décoller. Le système français est un amortisseur mais pas une catapulte ! Peut-être. Mais gageons que nous n’avons pas fini de surprendre le monde … les français ne sont jamais aussi efficaces que lorsque la difficulté est là.
C’est un peu au fond comme en bourse où certaines valeurs disposent d’un « beta » inférieur à d’autres. Celles qui disposent d’un « beta » inférieur à 1 résistent généralement mieux aux aléas boursiers et à la conjoncture maussade que celles qui en ont un au dessus de l’unité. Inversement, en période de boom économique ou de forte croissance boursière, c’est exactement le contraire qui se produit. On ne peut pas tout avoir ! La protection en cas de baisse, la maximisation des gains en cas de hausse … Ce serait trop facile. Disons qu’en poursuivant ce parallèle, si nous pouvions évaluer les nations à l’aide d’une grille analogue, la France aurait certainement un « beta » de 0,54, l’Allemagne serait plutôt à 0,9, l’Angleterre à 1,3 et les Etats-Unis à 1,8 …
Il n’y a pas beaucoup de français qui viendront s’en plaindre. Il faudrait juste qu’ils aient un peu de mémoire dans quelques temps …

07 mai 2009

La théorie de l’avantage comparatif

Économie : une source d’inspiration
David Ricardo
Nous précisions dans un billet semaine passée que les théories du management prenaient leurs sources — du moins en partie — dans les concepts de la pensée économique, toutes tendances confondues. Nous abordons ci-après celui qui est au centre de la théorie traditionnelle du commerce international, à savoir l’avantage comparatif. C’est à l‘économiste David Ricardo (1) que nous devons les premiers développements significatifs sur cette notion au chapitre VII de l’ouvrage publié en 1817 “Principes de l’économie politique et de l’impôt”. Il démontre que tous les pays — même les moins performants — ont intérêt à se spécialiser dans la production où ils détiennent un avantage relatif le plus important (il développe en particulier l’exemple devenu célèbre de la production et des échanges de vins et de draps entre l’Angleterre et le Portugal). Il aboutit à la conclusion que la spécialisation fondée sur les avantages comparatifs des nations se traduit au final par une augmentation simultanée de la production de tous les biens. C’est du gagnant-gagnant pour tout le monde. En d’autres termes, par ce biais, la richesse des nations impliquées augmente. Cette théorie — vieille de deux siècles — est toujours valide. L’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) continue du reste d’en faire son crédo. Et c’est là que nous faisons notre premier parallèle avec les théories modernes du management. Lorsque Michael Porter (2) — et d’autres ensuite — développe la notion d’avantage compétitif (ou d’avantage concurrentiel), ne s’inspire-t-il pas du travail de Ricardo ? C’est très probable. En mettant en exergue un modèle permettant à une organisation donnée de surpasser la concurrence (les 5 forces de Porter par exemple), nous sommes indiscutablement sur des notions très voisines.

(1) David Ricardo est un économiste anglais né en 1772. IL devient l’un des membres les plus influents de l’école classique avec Adam Smith et Thomas Malthus. A sa mort en 1823, il laisse une œuvre considérable dont des traités sur la théorie de la valeur. Il s’oppose à toute forme de protectionnisme.
(2) Michael Porter, né en 1947, est professeur de stratégie d’entreprise à l’université de Harvard. Il a écrit de très nombreux ouvrages, devenus pour la plupart des références, comme l’avantage concurrentiel.

03 mai 2009

Les théories du management puisent leurs sources dans les fondements de la pensée économique

Économie : une source d’inspiration
Il existe une tendance pour certains à dépeindre les théories économiques comme étant fondamentalement déconnectées de la réalité des affaires. Rien n’est pourtant plus faux. La plupart des problématiques qui se posent aujourd’hui aux dirigeants d’entreprises (microéconomie) ou aux chefs d’Etats (macroéconomie) ont été décrites par les grands théoriciens de la pensée économique. Les analyses d’Adam Smith, de Ricardo ou de Jean-Baptiste Say — pourtant anciennes — s’avèrent être toujours d’actualité.
Le côté hermétique des travaux des économistes d’après-guerre pour l’individu lambda vient de cette propension — qui confine parfois à l’acharnement — à vouloir faire de l’économie ce qu’elle n’est pas : une science ! En utilisant systématiquement l’arsenal mathématique, les économistes ont rendu leurs propos abscons pour le citoyen qui n’a pas le désir de replonger dans ces cours de math de prépa ! Raté pour ceux qui ne disposent d’aucune culture scientifique et qui souhaitent juste comprendre les concepts économiques et financiers de base … Une fois le livre d’un Allais, Debreu ou Solow (tous prix Nobel) ouvert, le néophyte n’a qu’une hâte … le refermer ! Il est pourtant indéniable qu’ils fournissent au monde de l’entreprise et à la société plus généralement des vues et des explications pertinentes, tirées de travaux empiriques éprouvés.
Il est d’ailleurs intéressant de constater que la plupart des théoriciens modernes de la stratégie et du management s’inspirent — et continuent de le faire — des recherches de leurs aînés.

27 avril 2009

Est-il risqué d’être un patron de nos jours ?


Suite à certains de mes billets, j’ai reçu de nombreuses notes sur mon adresse email (donnée en entête de ce blog) sur le thème du risque pesant sur les chefs d’entreprises. Alors que je m’apprêtais à rédiger un nouveau message pour y répondre, je suis tombé par hasard en fin de soirée de ce dimanche 26 avril 2009 sur l’émission Ripostes (France 5, animée par Serge Moati en photo) consacrée au sujet. De nombreuses questions se posent en effet suite aux récentes séquestrations de dirigeants. Sont-elles légitimes ? Doivent-elles être sanctionnées ?

Le blog de l’émission rappelle les faits :
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Continental, Caterpillar, Molex... les exemples de durcissement des conflits sociaux se multiplient. Après avoir été montrés du doigt pour leurs rémunérations jugées indécentes, des dirigeants d’entreprise sont purement et simplement retenus par leurs salariés, dans les locaux de leur société.
Mercredi, quatre cadres de Caterpillar, retenus toute une nuit, fin mars 2009, par les salariés, au siège de l’entreprise, à Grenoble, ont déposé plainte contre X pour séquestration.
De leur côté, deux dirigeants de l’équipementier automobile Molex de Villemur-sur-Tarn, en Haute-Garonne, ont estimé avoir été victimes d’une "prise d’otages", lorsqu’ils ont été séquestrés pendant vingt-six heures par des salariés.
Pour l’usine Continental de Clairoix, dans l’Oise, le gouvernement affirme avoir eu vent d’un repreneur potentiel. Le conflit a tout de même occasionné des manifestations en Allemagne, mais surtout des dégradations importantes, dans l’usine française ainsi qu’à la sous-préfecture de Compiègne, par des salariés en colère.
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Je prends une position claire sur le sujet. Je suis en désaccord total avec ces actes de violence répétés. Pourtant, je suis le premier à comprendre la détresse dans laquelle se trouvent toutes les personnes qui viennent de perdre leur emploi. Comment l’accepter quand on sait que la crise actuelle est le fait de financiers sans scrupule (ou incompétents, je ne sais pas ce qui est le pire !) qui se sont par ailleurs enrichis ? Comment l’acceptez quand on voit les salaires mirobolants attribués aux dirigeants salariés d’entreprises (parfois en perte) ? (il en est autrement pour les dirigeants fondateurs de mon point de vue). Les dysfonctionnements du système actuel sont nombreux. Trop nombreux. Mais la France est d’abord le pays des libertés, de la démocratie, où le débat sous toutes ces formes est possible. S’il y a opposition de vues, le dialogue doit être établi pour tenter de trouver une solution, ou la médiation dans d’autres cas. Dans les situations extrêmes où l’une des parties estime être lésée, les tribunaux sont là pour dire la loi et réparer les préjudices causés. Mais dans tous les cas, retenir quelqu’un contre son gré n’est pas acceptable. L’Etat ne doit pas accepter cela et doit intervenir. Les personnes fautives doivent être condamnées. La tolérance à ce niveau est impossible.

Certains dirigeants politiques parlent de « climat révolutionnaire » ! Bien sûr les tensions sont là. Comment pourraient-ils en être autrement ? Jamais une crise n’avait frappé le monde aussi lourdement. Mais il faut aussi raison garder et ne pas se laisser aller à des commentaires excessifs et dangereux. De nombreux esprits faibles (ou influençables) ne demandent pas mieux que de justifier leurs actions lâches — parfois violentes — sur la foi de déclarations d’hommes et de femmes au demeurant respectables. Je ne crois pas que la France puisse basculer dans une révolution … Elle peut sombrer dans la grève, dans la contestation, mais de là à imaginer le pire, il y a un pas que je ne veux pas franchir.
Je préfère et de loin me dire que les premiers signes de reprise se confirment dans certains pays. En Europe, comme aux Etats-Unis, elle sera longue à venir. Mais à n’en pas douter, la crise aura entraîné une profonde remise en cause, une réflexion intense sur nos systèmes, nos valeurs, notre gouvernance, nos lois, etc. Grâce à elle, nous aurons réfléchi sur ce que nous voulons vraiment.

Et ça, ce n’est pas rien.

20 avril 2009

La chine : prête à repartir ?


La croissance de la Chine a été divisée par deux depuis 2007. Le PIB de l’empire du milieu — en variation annuelle et en % — est ainsi passé de +12,6% en Juin 2007 à +6,1% en Mars 2009 (selon le Bureau national des statistiques, BNS). Ces chiffres parlent d’eux-mêmes ! Pourtant, certains économistes et conjoncturistes commencent à sentir les frémissements d’une possible reprise ! On ose à peine à croire. Mais certaines statistiques viennent étayer leurs propos:
  • Tout d’abord, les investissements en capital fixe en zone dite urbaine ont progressé de plus de 30% au mois de Mars 2009 (26,5% pour les deux mois précédents) ;
  • Ensuite, la production industrielle a connu une augmentation de 8,3%, contre moins de 4% pour les mois de Janvier et Février ;
  • Enfin les ventes de détails se sont envolées, affichant une croissance de plus de 14% en Mars 2009.
Certes, l’économie chinoise connaît indéniablement un net ralentissement. Les plus pessimistes affirment du reste que ce début de reprise apparaît incertain, une croissance en « W » comme disent les experts. Rien ne prouve selon eux que les ventes de détails pourront continuer sur la même lancée. Néanmoins, ces chiffres viennent conforter ceux qui voient la Chine sortir plus vite que prévu du marasme actuel. Il est vrai que le plan de dépenses publiques de 465 milliards d’euros a dopé la confiance des investisseurs et favorisé la relance économique. Les clignotants semblent donc se mettre au vert du côté des investisseurs, mais pour savoir si cette reprise a des chances d’être durable, il faut également regarder en direction des consommateurs et vérifier s’ils sont prêts à dépenser plus. Ceci est d’autant plus important que le risque inflationniste existe toujours, avec les conséquences que l'on pourrait imaginer. Enfin, le gouvernement chinois a besoin d’une croissance soutenue pour éviter l’accroissement du chômage. Un taux de 6 à 8% semble être le taux minimum requis. En dessous, le système risque de s’échauffer, nécessitant des ajustements par des réductions d’effectifs. Au final, ces nouvelles sont positives. Elles méritent cependant d’être confirmées dans les deux à trois mois à venir.

11 avril 2009

Le résultat trimestriel pour l’entreprise n’a aucun sens !

Cela fait un moment que nous le pensons (ref. le premier billet de ce blog : « Halte à la dictature de Wall Street »). Un chef d’entreprise ou un dirigeant a besoin de temps pour développer sa stratégie, puis la mettre en œuvre. L’effet de son action ne peut pas se mesurer en quelques trimestres. Non content de ne pas avoir beaucoup de sens, ce couperet trimestriel — épée de Damoclès permanente — présente un autre inconvénient de taille : il empêche les dirigeants de lancer des actions de moyen ou long terme, parfois de démarrer des chantiers de transformation devenus indispensables pour la sauvegarde de l’entreprise, sur le seul motif que cela pourrait être mal interprété par les bourses mondiales.
Franz-Olivier Giesbert signe un article intéressant à ce propos dans Le Point.fr du 26 Mars 2009 que nous diffusons ci-dessous.

Publié le 26/03/2009 N°1906 Le Point
« L'idée la plus stupide du monde »
Franz-Olivier Giesbert

Que la moralisation du capitalisme soit en cours, voilà enfin une bonne chose, et on ne s'en plaindra pas. Elle a simplement trop tardé.
Il y a des années que nous mettons en garde, au « Point », contre le « cupiditisme » et des pratiques goinfresques qui déshonorent un système économique, le capitalisme, qui est le pire de tous, à l'exception de tous les autres, pour paraphraser Churchill.
La croisade de Nicolas Sarkozy contre les banquiers ou les patrons gloutons est donc tout à fait justifiée. Elle peut apaiser un moment la haine sociale qui monte dans le pays. Mais il est clair que se pose, dans la foulée, la question de la refondation d'un modèle qui, avec son obsession du lucre, a creusé sa propre tombe.
Jack Welch, patron de General Electric pendant vingt ans, a tout dit là-dessus. Jusqu'au krach, c'était l'icône et le commandeur du capitalisme américain, un fanatique de la croissance et de la rentabilité, sacré naguère « manager du siècle ». Il nous assure aujourd'hui que l'obsession, chez les entrepreneurs, du résultat trimestriel et de la valeur de l'action était « l'idée la plus stupide du monde ». Dont acte.
Avant le G20, il est temps que les gouvernements commencent à songer aussi à l'après-crise, pour définanciariser une économie trop longtemps tyrannisée par des marchés qui, finalement, font la loi dans les entreprises. Jusqu'à ces licenciements dits boursiers, comble de « l'horreur économique », qui mettent les spéculateurs en joie. La finance est une chose trop importante pour être confiée aux seuls financiers. Depuis le temps qu'on le sait, il ne faudrait plus jamais oublier de s'en souvenir.

06 avril 2009

Interview de Dean Baker : "La solution, c'est d'organiser la faillite des banques."

Dean Baker
J’ai trouvé intéressant de publier cette interview de Dean Baker, codirecteur du Center for Economic and Policy Research (Centre pour la recherche économique et politique). Les propos sont originaux et même surprenants …
Je laisse aux lecteurs le soin d’en tirer les enseignements nécessaires.

Interview publiée dans le numéro du 2 Avril 2009, page 51, édition papier.
Le Point : Qu'est-ce qui vous gêne dans le plan Obama de sauvetage des banques ?
Dean Baker : Certaines de nos plus grosses banques sont de manière évidente en faillite. La solution, c'est de les fermer, de procéder à une mise en faillite organisée, ordonnée. Au lieu de cela, avec le programme d'achat d'actifs toxiques, on va déverser des montagnes d'argent public, sans aucune transparence. Le mécanisme va, en fait, autoriser des investisseurs à acheter ces actifs toxiques avec de l'argent public quand, de leur côté, le risque sera minimal. En outre, c'est politiquement dangereux : dans quelques mois, les électeurs s'apercevront que des spéculateurs ont gagné des millions grâce à ce programme, sur le dos du contribuable.
Le Point : Mais l'argument de l'administration Obama est que ces banques sont trop importantes pour qu'on les laisse tomber...
Dean Baker : S'il s'agit d'un processus de faillite organisée, ce n'est pas vrai. Les dépôts de ces banques sont couverts par la FDIC [Federal Deposit Insurance Corporation, l'organisme fédéral chargé d'assurer les comptes bancaires] dans de larges proportions. D'autres créanciers essuieraient, certes, des pertes, mais ce n'est pas un drame. Et, de toute façon, ce plan ne sera vraisemblablement pas suffisant, il faudra revenir devant le Congrès demander une rallonge dans quelques mois. Autant régler le problème maintenant et sans gaspiller l'argent du contribuable.
Cette capitulation devant les banques n'est pas surprenante : la proximité de Tim Geithner [le secrétaire au Trésor] et de Larry Summers [président du conseil économique national à la Maison-Blanche] avec les milieux financiers était connue. C'est sans doute trop difficile pour eux de dire aux banques dont ils sont si proches : « Vous êtes la cause du problème. »
Le Point : Comment jugez-vous les autres initiatives d'Obama pour relancer l'économie ?
Dean Baker : Il se montre très actif et c'est ce qu'il faut. Le passage du plan de relance de l'économie de 700 milliards de dollars est un coup politique admirable. Le problème, c'est que ce n'est pas suffisant.
Le Point : Mais comment le Congrès acceptera-t-il de dépenser encore plus alors que le déficit budgétaire atteint des sommets ?
Dean Baker : Attendez les prochaines mauvaises nouvelles ! Le chômage, par exemple : on prédisait 10 % à la fin de l'année, en fait ce sera sans doute dès cet été. La bulle de l'immobilier commercial n'a pas encore fait sentir ses effets et ils seront terribles. La crise est loin d'être terminée.
Quant au déficit budgétaire, c'est un problème très exagéré. Quand la croissance sera revenue, il se résorbera très vite. L'endettement public américain est encore tout à fait supportable
Propos recueillis par Emmanuel Saint-Martin, Le Point

29 mars 2009

La rémunération des dirigeants


La présidente du MEDEF — Laurence Parisot — était l’invitée en fin de soirée du « Grand Jury RTL – Le Figaro-LCI ». Interrogée sur les questions relatives à la rémunération des dirigeants, elle a pu affirmer ses positions. Un peu plus tôt, François Bayrou s’était également exprimé sur ces sujets, poussant à la suppression des stock-options pour les dirigeants du CAC 40, tout en concédant l’intérêt d’un tel système pour les PME-PMI. Essayons d’analyser les points de vue, tout en donnant notre opinion.

1) L’Etat veut interdire les parachutes dorés et le versement de rémunérations excessives pour les entreprises ayant bénéficié de son soutien financier du fait de leurs difficultés économiques. La patronne des patrons a clairement soutenu cette position. Nous aussi. Nous allons même un peu plus loin en suggérant que ces principes s’appliquent à toute entreprise qui se trouverait dans le rouge ou qui serait contrainte d’engager un plan social. Il serait aberrant ou paradoxal — en particulier vis-à-vis des clients — de se trouver dans une situation inverse.
2) Faut-il pour autant légiférer ? Laurence Parisot pense que si l’intervention de l’Etat parait légitime, une loi ne pourrait en rien régler tous les cas de figures possibles. Elle n’a pas tout à fait tort ? Néanmoins, nous pensons qu’une loi ou un décret aurait au moins le mérite de poser des jalons.
3) Le code éthique défini par le Medef et l’Afep peut servir de garde-fou pour certains capitaines d’industrie hésitant sur la démarche à adopter dans certaines situations sensibles. C’est du moins ce que pense la chef de file du patronat français. Ce n’est pas faux. Nous allons dans son sens lorsqu’elle affirme que la plupart des patrons sont honnêtes. Beaucoup ont par exemple renoncé à leur bonus ou à de nouvelles attributions de stock-options d’eux-mêmes, parce que cela faisait sens. Il serait bon de ne pas faire des quelques dossiers récents et fortement médiatisés un cas général. Non, tous les patrons ne sont pas pourris ! Loin s’en faut, l’amalgame n’est pas acceptable. L’exemple des entreprises ayant mise en place des chartes d’entreprises — fixant très clairement les limites des règles de conduite dans les affaires — vient étayer la proposition de Laurence Parisot. En effet, dans la plupart des cas, elles ont été efficaces, suivies par l’ensemble des salariés qui s’y référent dans leurs actes quotidiens. Cela n’est cependant pas antinomique avec l’idée de faire voter une loi ou de faire passer un décret. Ce code de déontologie pourrait s’avérer insuffisant s’il n’était pas selon nous renforcé par l’existence d’une législation plus officielle.
4) Concernant les stock-options, elle affirme que ce système a le mérite « d'attirer, de conserver, de faire grandir les talents, de les motiver». Nous ne pouvons qu’être d’accord avec elle puisque c’est là-même l’objectif principal de ce mode de rémunération. C’est en premier lieu un outil de rétention des talents. Nous partageons néanmoins la réserve formulée par François Bayrou lorsqu’il affirme que la logique même des stock-options a tendance à pousser les dirigeants qui en bénéficient à agir dans le seul but de favoriser la valorisation boursière. Tout le monde est alors conditionné à aller dans une seule direction. Le système est pervers et dangereux sur le long terme. Certains projets — clés pour le futur de l’entreprise — peuvent être différés ou éliminés lorsqu’ils ne s’inscrivent pas dans un schéma de ROI court, parfaitement mesurable. Si les allocations de stock-options ont généralement des échéances longues (3, 4 ou 5 ans) — afin de bénéficier à plein de l’avantage fiscal qui y est attaché — leur valorisation est exclusivement liée à des critères financiers, et même plus précisément à la progression de l’action sur les marchés. Pourtant, il ne serait pas absurde de prendre en compte d’autres paramètres comme : la part des investissements réalisés par l’entreprise, les emplois créés sur plusieurs années, le pourcentage de formations offertes aux salariés ou les sommes consacrées à la Recherche et Développement. Il est bien sûr impossible à une firme de changer son système de façon unilatérale. Il doit être uniforme, au moins au niveau d’un pays, pour éviter des effets collatéraux, comme par exemple une fuite massive de capitaux. Nous sommes favorables à la distribution de plans de stock-options ou d’actions gratuites, en ce sens qu’ils permettent de créer un lien de solidarité entre ceux qui en reçoivent et la direction générale qui définit les axes stratégiques. C’est pourquoi nous pensons qu’il faut descendre le plus bas possible dans l’organigramme et motiver par ce biais un pourcentage élevé de la population totale. C’est sans aucun doute une condition essentielle de succès dans le futur.
5) Laurence Parisot a également rappelé avec justesse que les mandataires sociaux ne peuvent pas — en principe — cumuler ses responsabilités avec celles d’un contrat de travail, ce qui sur le plan du droit est parfaitement juste. Il existe certes quelques cas d’exceptions où le cumul peut être justifié et validé, mais cela devrait rester exceptionnel.

Terminons en rappelant que les dirigeants-fondateurs ou dirigeants-actionnaires prennent de très gros risques en engageant leurs propres capitaux et qu’il est normal qu’ils en retirent en contrepartie des avantages financiers conséquents (valorisation de leur investissement, dividendes, etc.…). Juste rémunération de leur prise de position.

22 mars 2009

Les MBA en question …

Alors que la crise est à son plus fort — du moins peut-on l’espérer — certains s’élèvent pour trouver des bouc-émissaires. Normal. La démarche est habituelle. Les financiers, les banquiers, certains hommes d’affaires, certains politiques même, sont mis au banc des accusés pour leur gestion hasardeuse, voire frauduleuse, on les accuse d’enrichissement personnel, de mélange des genres, alors même qu’eux ne faisaient aucune confusion. Ils jouaient avec le système en toute connaissance de cause, pensant au fond d’eux-mêmes que le monde était peuplé de crétins. Depuis peu, dans ce contexte tendu et incertain, certains commencent à pointer du doigt les formations. Les grandes écoles et universités sont les premières à être mis en doute. Les plus connues sont les plus chahutées : n’ont-elles pas formé des générations de leaders ? N’ont-elles pas préparé la plupart des dirigeants d’entreprises et des hommes d’état actuellement aux commandes ? Ce sont surtout les MBA (« Master of Business Administration ») qui sont visés. Après tout, ils ont vu le jour aux Etats-Unis, le tout puissant empire financier, le grand ordonnateur du monde des affaires, le régulateur des bonnes et des mauvaises pratiques, en un mot … la référence. Toutes ces promotions d’étudiants, bardés de diplômes, le MBA en poche, ne sont-ils pas aussi ceux qui ont creusé, ou laissé creuser, notre tombe. La réponse n’est sans doute pas aussi tranchée que ne l’est la question. Mais une chose est certaine, c’est un sujet qui mérite réflexion.
Les universités américaines — et pour certaines européennes — prônent des règles simples dont l’une ne souffre d’aucune discussion : il faut servir en premier lieu l’actionnaire. De ce fait, les étudiants MBA de la célèbre Harvard Business School concentrent leur attention sur quelques concepts : rentabilité, efficience, retour sur investissement, profit et valorisation de l’entreprise. Chaque trimestre, il faut délivrer les chiffres comme on dit (voir notre article dans ce blog dans la rubrique « La crise économique » : halte à la dictature de Wall Street !). Mais on oublie de leur enseigner d’autres valeurs, plus humanistes. On oublie de leur dire que la maximisation du profit n’est peut-être pas le seul objectif. Il faut se souvenir qu’un candidat au MBA de l’université de Harvard ou de Stanford doit faire de nombreux sacrifices. S’il n’est pas supporté par une entreprise, il doit généralement emprunter un montant très significatif, prendre des risques, se mettre en danger, dans le seul objectif de détenir le sésame, le parchemin sacré. C’est cela même que valorisent les entreprises. Ce goût du risque et de l’aventure, plus que le contenu même de l’apprentissage. Et c’est bien dommage. Je crois que l’éducation à la française, si souvent décriée par certains, a de nombreuses vertus. Le contenu est fort. Les grandes écoles de management et les universités disposent d’un corps enseignant réputé, d’un contenu pédagogique et académique éprouvé, mais aussi d’un équilibre dans ce qui est enseigné. Sciences Po dans sa spécificité, HEC Paris ou d’autres grandes écoles, certaines universités — les IAE, Dauphine, la Sorbonne — sont des références que l’on devrait nous envier. Commençons nous-mêmes par en prendre conscience au lieu de chercher à copier le modèle américain qui vient de montrer ses limites et ses faiblesses. Certes nous devons poursuivre l’adaptation de notre système éducatif, nous devons veiller à laisser à chacun sa chance, nous devons nous intégrer dans la course mondiale, mais avec nos propres valeurs et notre différence. C’est ainsi que nous avons toujours gagné !

15 mars 2009

Pour en finir avec la pauvreté !

Alors que je m’apprête à aborder une série d’articles sur ce que pourrait être le monde économique de demain, un nouvel ordre mondial pour l’humanité, il m’est apparu important de présenter l’un des ouvrages de Muhammad Yunus, Prix Nobel de la Paix. Ce dernier — né au Bangladesh en 1940 — est docteur en économie et fondateur de la Grameen Bank (ou Banque du Village). Il est surnommé le “banquier des pauvres”.
Il a su imposé au fil du temps le microcrédit dans le monde entier. Dans son livre “Vers un nouveau capitalisme”, publié en 2008 aux Éditions Jean-Claude Lattès pour la traduction française, il aborde la notion de “social-business” qui pourrait selon lui profondément renouveler le modèle économique classique que nous connaissons aujourd’hui. Il ne prétend pas du reste qu’il puisse se substituer au capitalisme, mais qu’il serait bienvenu qu’il puisse à tout le moins coexister. Quels sont donc les principes fondamentaux du “social-business” :

· Une entreprise qui gagne de l’argent mais qui ne cherche pas la maximisation du profit ;
· Une entreprise qui consacre la majeure partie de ses bénéfices à la production d’avantages sociaux ;
· Une entreprise qui ne rémunère pas ses actionnaires.

Selon le Pr Yunus, le “social-business” ouvre la voie à un modèle économique plus juste et plus humain.
Une réaction des Etats, mais aussi de chaque citoyen du monde, s’avère de toute façon nécessaire lorsque l’on songe que 60% de la population mondiale doit se contenter de 6% du revenu mondial et que la moitié des humains doit vivre avec moins de 2 dollars par jour ! Il y a pire en fait : plus d’un milliard de personnes vivent avec moins de 1 dollar par jour … un véritable drame sous nos yeux. Ou plutôt loin de nos yeux. Cette situation de pauvreté extrême s’est propagée en divers endroits de la planète, au point de menacer les équilibres et la paix. Cette dernière est en effet fortement menacée par l’injustice économique, sociale et politique. La répartition des richesses est inégale, nous le savons depuis longtemps. Mais là, il ne s’agit plus de cela, mais de lutter pour éviter que des continents entiers ne disparaissent faute de disposer d’un peu de ressources. Il faut savoir que dans certains pays, quelques dollars suffisent à lancer une activité lucrative, suffisante pour faire vivre une famille, parfois plusieurs. Mais l’inégalité dans ce monde est forte. Elle contribue à créer le chaos, le désordre. L’absence de démocratie dans certaines zones, l’inexistence de liberté d’expression, la privation de droits pour certaines communautés sous-représentées, la violence envers les femmes, l’exploitation des enfants mineurs, la dégradation sauvage de l’environnement ou l’absence de droits de l’homme, sont quelques uns des maux dont nous souffrons.

Il faut réagir. La Grameen Bank accorde des prêts sans garantie pour les activités génératrices de revenus, des prêts au logement, des prêts pour financer les études de jeunes gens démunis, des bourses pour les plus talentueux, et des prêts destinés au lancement de micro-entreprises.

L’objectif est clairement annoncé : mettre la pauvreté au musée ! Une ambition irréaliste diront certains, irresponsables penseront d’autres, manipulatrice avanceront même les plus sceptiques ou les plus critiques. Certes, mais une chose est certaine, ce livre amène la réflexion sur un problème qui nous concerne tous puisque par ricochet il peut entraîner des conséquences dramatiques aux quatre coins du globe. Et c’est déjà d’en prendre conscience …

08 mars 2009

Walras : l’un des grands fondateurs de la pensée néoclassique


Comprendre la crise actuelle nous oblige à revenir sur la pensée de quelques grands économistes. Après avoir présenté la biographie de Keynes, voici celle d’un autre grand nom de l’économie : Léon Walras. Leurs analyses, leurs développements, leurs théories sont radicalement opposées, mais pour permettre un débat équilibré dans les semaines à venir, nous devons présenter les approches de tous les courants. Walras est indiscutablement l’un des pionniers de la théorie néoclassique. Keynes ne l’a pas épargné. Malheureusement Walras n’aura pas eu le loisir de débattre avec lui …

Léon Walras (1834-1910)

Biographie (source : Alternatives Economiques - Pratique n°21 - Novembre 2005)
Fils de l’économiste Auguste Walras, Léon Walras est connu comme le principal fondateur de l’approche économique néoclassique. En fait, il a été aussi critique vis-à-vis du libéralisme orthodoxe des économistes français que du socialisme de Marx et de Proudhon. Mais il existe un autre Walras, aux idées socialistes.
Très impliqué dans le mouvement coopératif à partir de 1860, il est invité en 1870 par le gouvernement suisse à enseigner à l’Académie de Lausanne, ville où il peut se consacrer à ses écrits théoriques. Il y rencontre Enrico Barone et Vilfredo Pareto.

Sa pensée
Son ambition était de montrer que l’économie pouvait être une science « pure », c’est-à-dire susceptible d’analyse indépendante des préférences idéologiques de l’analyste. C’est la raison pour laquelle Walras a choisi d’exprimer cette analyse en termes mathématiques (algébriques en fait), tout comme s’il s’était agi d’analyser un problème de physique ou de logique formelle. Il met en scène un ensemble d’individus tantôt producteurs, tantôt utilisateurs ou consommateurs d’un ensemble de biens et de services. Il montre, par un système d’équations, qu’il existe un système unique de prix pour lequel chacune des offres et des demandes qui résultent des comportements des producteurs et des consommateurs est équilibrée : l’équilibre général sur l’ensemble des marchés est donc atteint lorsque ce système de prix est en œuvre.
Mais la démonstration de l’existence d’un équilibre général, pour peu qu’on laisse les prix fluctuer librement, dépendait d’une hypothèse cruciale : tant que les prix d’équilibre ne sont pas trouvés (prix pour lequel offre et demande coïncident), aucun échange ne doit avoir lieu. Ce qui impose, ont fait remarquer les critiques de Walras, un système entièrement centralisé, avec un « commissaire-priseur » bloquant toutes les transactions tant que le marché n’est pas parvenu au prix d’équilibre pour chaque bien ou service. Hypothèse non seulement irréaliste, mais gênante, puisqu’elle aboutissait à suggérer que l’équilibre général pouvait être organisé par un planificateur aussi bien que par un marché. Toutefois, en montrant la possibilité d’un équilibre général issu du fonctionnement de marchés parfaits et dont les prix reflètent l’utilité marginale des acteurs, Walras a jeté les bases de l’analyse orthodoxe… alors même qu’il se réclamait du socialisme.

Ses écrits
Œuvres diverses, éd. Economica, 2000.
Les œuvres économiques complètes d’Auguste (le père) et de Léon Walras sont en cours de publication aux éditions Economica (les volumes V à XIII consacrés à Léon sont tous publiés). Les Eléments d’économie politique pure constituent le tome VIII, les Etudes d’économie sociale pure le tome IX et les Etudes d’économie politique appliquée le tome X.
« De la propriété intellectuelle » (1859), Journal des économistes.
L’économie politique et la justice (1860), éd. Economica, 2001.
« Théorie de la propriété » (1896), Revue socialiste.
« Le problème fiscal » (1896), Revue socialiste.
« Théorie du libre-échange » (1897), Revue d’économie politique.
« Théorie du crédit » (1898), Revue d’économie politique.

Pour aller plus loin
La société n’est pas un pique-nique, Léon Walras et l’économie sociale, Pierre Dockès, éd. Economica, 1996.
« Le socialisme singulier de Léon Walras », Alternatives Economiques n° 193, juin 2001.
« Léon Walras, fondateur de l’économie néoclassique », Alternatives Economiques n° 213, avril 2003.

01 mars 2009

Le capitalisme

Avec l’avènement de la crise, tout le monde n’a qu’un mot à la bouche : capitalisme. Il est rapidement devenu le bouc-émissaire de tous nos maux. Mais sait-on vraiment au fond ce qu’il recouvre exactement ?
Son étymologie vient du latin “capitalis” de “caput” (la tête), ce qui représente les animaux d’un cheptel. Economiquement le terme apparaît au 16ième siècle. C’est avant toute chose un système économique et social, dont la caractéristique essentielle est la propriété privée des moyens de production (notion d’entreprise privée). Fondé sur la liberté des échanges (libéralisme), ses mobiles sont l’accumulation du capital et la recherche de profit — juste contrepartie de l’investissement réalisé (capital) et des risques encourus.
Dans la réalité, le capitalisme peut prendre différents visages. Il existe de nombreuses variantes. Il n’exclut en aucune façon un certain interventionnisme d’état. Certaines fonctions — comme la police, les hôpitaux ou les écoles — ne peuvent en effet être gérées par le capital privé et nécessitent des intérêts publics.
Dans notre subconscient, nous associons souvent les mots “capitalisme” et “spéculation”. Cette dernière a largement contribué à généraliser un certain nombre d’idées préconçues, souvent fausses et presque toujours dangereuses. Le “capitalisme” est avant tout le fait d’hommes et de femmes dont l’esprit d’entreprise les amène naturellement à parier sur l’avenir. Ils le font généralement en poussant de nouveaux concepts, en innovant et en créant de la valeur.
Ceux qui veulent sa mise à mort ont certes des raisons. Ses débordements et excès ont conduit l’économie au bord du gouffre. Pour les Marxistes — nous y reviendrons ultérieurement — le capitalisme s’identifie avant toute autre chose à une forme d’exploitation des travailleurs par les propriétaires (les patrons).
Certes le système libéral n’est sans doute pas la panacée. Mais a-t-on seulement réfléchi par quoi le remplacer ? Quel modèle ou système économique peut assurer, et même garantir, la survie de l’humanité, sans chaos, sans guerre, dans un climat serein ? Si l’on en croit les statistiques, à l’horizon de 2050, nous devrions être 15 milliards d’individus à partager les ressources de notre chère planète terre ! De quoi se poser quelques questions ?

21 février 2009

Il faut une relance par la consommation !

Les néo-classiques — de tendance libérale — n’ont eu de cesse de démontrer de façon scientifique que l’économie de marché était le système économique le plus efficace. Ils affirment ainsi l’existence d’un équilibre général qui assure — sous réserve que les marchés soient parfaitement concurrentiels — une allocation optimale des ressources. En cas de choc ou de dysfonctionnement, Walras[1] imagine le mécanisme du tâtonnement qui ramène immanquablement les marchés vers l’équilibre. Or ce monde merveilleux n’existe pas. Les hypothèses qui sont avancées n’ont aucune chance d’être réunies. L’introduction du facteur temps a fait voler en éclats ce modèle virtuel. Hayek[2] a même démontré que l’imperfection de l’information dans l’économie réelle disqualifiait la théorie walrasienne de l’équilibre général. La réalité est que les ajustements par les prix et les salaires — prônés par les économistes libéraux — n’ont aucune chance d’entraîner la stabilisation. Ils peuvent au mieux apporter aux actionnaires — sur le court terme — des profits additionnels sur le dos des salariés et des consommateurs par une baisse du pouvoir d’achat. En cas de crise — celle que nous connaissons actuellement est la plus violente que le monde occidental ait jamais connu — les entreprises commencent par baisser la production et l’emploi, pas les prix. Ils baissent aussi les salaires, ils les ajustent. Le déséquilibre observé sur les marchés de biens et de services va alors progressivement se déplacer vers celui de l’emploi. Il en résulte bien sûr une baisse de la consommation puisque le pouvoir d’achat des ménages baisse. Les profits des entreprises sont impactés. Elles ne peuvent plus investir. Elles licencient de nouveau. Et c’est un cercle vicieux infernal. Seul l’état peut par le biais d'une politique de relance par la consommation venir en aide aux entreprises et ainsi permettre une sortie de crise plus ou moins rapide. Certes le système bancaire s’est montré défaillant — nous y reviendrons plus tard — mais c’est bien l’économie réelle qui est touchée. La consommation baisse, mais aussi la production industrielle et le commerce international. D’ailleurs l’INSEE a publié le 15 février dernier de nouvelles statistiques économiques dont celle du PIB qui aurait reculé de 1,2% en volume au 4ième trimestre 2008. Si elle peut avoir du bon, nous ne croyons pas qu’une relance par l’investissement et/ou par l’incitation monétaire soit suffisante. Cela prend du temps et les effets risques d’être longs à venir. Rien ne vaut que de redonner du pouvoir d’achat aux français et de les inciter à dépenser. Pour cela il faut qu’ils reprennent confiance … Keynes est toujours d’actualité, comme nous le disions …

[1] Léon Walras (1834-1910) était un économiste français de tendance néo-classique.[2] Friedrich Hayek (1899-1992) était un philosophe et économiste de l’école autrichienne, de tendance libérale, opposé au socialisme et à toute forme d’incursion étatiste.

18 février 2009

Keynes est plus que jamais d'actualité !

A l’heure où nous essayons tous de comprendre la crise économique qui nous frappe, il est bon de nous replonger dans l’œuvre de quelques grands noms de la pensée économique. Dans la série de textes que nous allons proposer dans les semaines à venir, nous aurons l’occasion de revenir sur le travail de Keynes qui a marqué son temps et proposé un modèle qui loin d’être périmé s’avère en réalité tout à fait d’actualité.
Nous verrons pourquoi …
John Maynard Keynes (1883-1946)
Biographie (source : Alternatives Économiques - Pratique n°21 - Novembre 2005)John Maynard Keynes, qui a révolutionné l’économie, au point que ses différents courants se définissent aujourd’hui par rapport à sa pensée, est un pur produit de Cambridge. Il a fréquenté l’élite intellectuelle de cette ville universitaire dès son plus jeune âge. Passionné par la politique, il a pris position sur les dossiers chauds de son temps, notamment en tant que journaliste, mais aussi en tant qu’acteur de la vie économique et politique. Il quitte momentanément l’enseignement à Cambridge pour travailler au Trésor britannique qu’il représente à la conférence de la Paix à Versailles. Formellement opposé aux réparations de guerre que le traité de 1919 impose aux Allemands, il les dénonce dans son pamphlet Les conséquences économiques de la paix (1919). Il démissionne alors du Trésor britannique et revient à Cambridge.
C’est dans le contexte de la crise économique des années 30 qu’il rédige son œuvre fondamentale : La théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (1936). Mais c’est pendant la guerre, sous le gouvernement de Winston Churchill, que Keynes atteint le sommet de son influence. Ainsi, en 1944, à la conférence de Bretton Woods qui crée le Fonds monétaire international (FMI), il est l’un des principaux architectes du système monétaire international de l’après-guerre.

Sa penséeS’il fallait résumer la pensée de celui qui a le plus marqué la réflexion économique du XXe siècle, ce pourrait être : « Oui, le marché engendre du chômage involontaire. » Dans son grand oeuvre – La théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie –, Keynes avance deux types d’explication possibles pour rendre compte de cette tendance du capitalisme à fonctionner en deçà de ses potentialités :
– une explication radicale, fondée sur l’incertitude du futur, qui pousse les hommes d’affaires à faire montre de prudence et, du coup, à investir moins qu’ils ne le devraient ;
– une explication plus traditionnelle, fondée sur le fait que toute insuffisance initiale de la demande tend à engendrer un cercle vicieux : moins de demande, donc moins de débouchés, donc moins de production, donc moins de salaires, donc moins de demande…
Alors que la deuxième analyse débouche sur une politique économique visant à regonfler la demande défaillante, la première passe par des institutions et des règles capables de réduire l’incertitude de l’avenir. Ces deux lectures de Keynes débouchent donc sur deux rôles assez différents de l’Etat : c’est toute l’ambiguïté d’un personnage brillant, capable de suivre plusieurs idées à la fois sans jamais trancher entre elles. Et c’est ce qui en fait aussi la richesse.

Ses écritsLes conséquences économiques de la guerre (1919), éd. Gallimard, 2002, dans un volume qui contient aussi Les conséquences politiques de la paix de J. Bainville.
La fin du laissez-faire (1926), Agone éditeur, 1999.
Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (1936), éd. Payot, 1990.
Essais sur la monnaie et l’économie (articles – dont « La fin du laissez-faire » – rédigés entre 1923 et 1931), éd. Payot, 1972.
La pauvreté dans l’abondance (articles – dont « La fin du laissez-faire » – rédigés entre 1924 et 1938), éd. Gallimard, 2002.
Comment payer la guerre (1940), éd. L’Harmattan, 1997.

Pour aller plus loin
« Deux Keynes pour le prix d’une théorie », Alternatives Économiques n° 173, mars 2000.
« Keynes, un social libéral avant l’heure », Alternatives Économiques n° 202, avril 2002.
« John Maynard Keynes ou l’économie au service du politique et du social », Alternatives Économiques n° 220, décembre 2003.
Pour une bibliographie complète, voir le site du Center for Economic Policy Analysis (CEPA)

08 février 2009

Halte à la dictature de Wall Street !

Un peu comme dans les années qui ont précédé le krach de 1929, la décennie 90 a été folle, souvent incontrôlable. L’exubérance — aussi bien boursière que managériale — que nous avons connue dans ces années là ne pouvait pas durer. Comme prévu, dès le début du nouveau millénaire, ce fut l’explosion. La déflagration fut d’autant plus violente que la bulle internet éclata brutalement, sans préavis. Nous gardons tous en tête les scandales marquants de cette période noire : Enron, Andersen ou WorldCom. Nous avons également à l’esprit les effondrements boursiers qui s'en sont suivis. Tout a été de travers. Les dérives s’étaient multipliées à l'infini et il fallait regagner la confiance des investisseurs. Pour cela, on mit en place des réformes radicales dans la gouvernance des entreprises, dont la plus célèbre fut la loi Sarbanes-Oxley (appelée encore SOX). Elle impose en particulier à toute société côtée sur le marché américain de présenter au gendarme de Wall Street (la SEC - “Securities and Exchange Commission”) des comptes certifiés par son représentant légal. Devenus responsables pénalement, les dirigeants devinrent naturellement plus prudents. Tous les pays adoptèrent des règles plus ou moins similaires avec l’objectif de remettre de l’ordre dans l’économie mondiale. Pourtant les événements récents ont de nouveau plongé le monde dans le chaos le plus indescriptible. A la déroute des banques sont venues s’ajouter des affaires scabreuses, dont la dernière en date — le cas Madoff — restera sans doute l’une des plus grandes escroqueries de tous les temps. Face à cette situation — qui devrait nous réserver encore quelques surprises de taille — nous préconisons que les entreprises puissent se détacher des exigences court-termistes imposées par Wall Street. En courant constamment après la performance immédiate — trimestre après trimestre — les directions d’entreprises n’ont plus le temps de réfléchir et de choisir les bonnes options, sacrifiant souvent les projets de transformation les plus fondamentaux sur l’autel des coupes sombres de coûts, exigées par les actionnaires, eux-mêmes sous la pression continue des marchés. A peine un trimestre achevé qu’il faut en démarrer un autre. Le cycle est infernal et pour tout dire pas très sain. Le système de rémunération des dirigeants n’arrange pas les choses. La partie variable (payée sous forme de bonus, de primes ou de stock-options et indexée sur les résultats) les incite souvent à privilégier les résultats immédiats, avec les travers que nous imaginons. Certains penseront que ce sont là des réactions normales, le plan de rémunération ayant une influence sur les comportements. "Normales" n’est pourtant pas selon nous le terme le plus approprié. Disons plutôt qu’elles sont logiques puisque c’est là même le propre du système capitaliste. Le salaire doit être aligné sur la performance. Mais au fond de nous, une fois le recul nécessaire pris, nous savons bien que c’est exactement l’inverse de ce qu’il faudrait faire. De toute évidence, les entreprises ne peuvent pas se libérer de cette dictature sans aide. Plus personne ne se demande si notre système est le bon. On se contente de vivre avec. On veut tout reformer sauf l’essentiel. Lâchons du lest aux entreprises et les résultats suivront. Les gouvernements doivent reformer le système financier dans sa globalité. A commencer par les bourses. Il en va de l’intérêt de tous, actionnaires et salariés en premier lieu.