Certaines personnes, elles sont rares, marquent l'histoire. D'autres pas alors même qu'elles auront eu beaucoup d'influence du temps de leur vivant, de leur carrière professionnelle. Ghandi (en photo) fait partie de ces êtres là. Gainsbourg dans la chanson, Steve Jobs dans les affaires, Martin Luther King pour la cause des noirs aux Etats-Unis, Golda Meir en tant que chef d'Etat, etc. Pourquoi certaines personnes sont destinées à marquer leur passage terrestre de façon durable, à laisser une empreinte ? Il n'y a pas de recette miracle, mais il existe par contre des points communs entre ces leaders qui en apparence n'ont rien à voir.
1. Ils sont souvent de condition modeste. Ils viennent de nulle part, mais ont une conviction forte, une idée précise de ce qu'ils veulent accomplir, un idéal.
2. Ils ne se laisseront pas distraire facilement de ce but. Alors que je donnais un cours à HEC Paris, un étudiant me disait : "ils le veulent plus que les autres". Absolument. Mais cela va au-delà, ils sont sans doute plus déterminés, mais leur démarche est ancrée sur quelque chose de profond, plus important généralement que la seule envie de gagner. On peut donc dire qu'ils veulent l'emporter d'une façon ou d'une autre, mais qu'ils ont surtout l'ambition de faire triompher leurs rêves, leurs idées, etc.
3. Ils portent en eux cette capacité à convaincre. Ils ont compris, généralement très jeunes, que la communication est clé dans tout accomplissement, alors ils soignent leur image, et se créé un personnage. Gainsbourg a ce titre permet tout à fait d'illustrer ce point. Au-delà de son talent de musicien et de compositeur, il en avait un autre : il a vécu sa vie comme un roman, faisant de chacun de ses pas une sorte d'idéal, de telle sorte que tout le monde ait un sentiment à son égard. Ceux qui l'aiment, j'en suis, admireront ses actes positifs et lui trouveront des excuses pour ses débordements. Ceux qui le détestent trouveront dans ses choix et dans sa vie des justifications au ressentiment qu'ils lui portent. C'est ainsi, un leader finit par être un tout. Il y a lui en tant que personne et il y a lui en tant que professionnel. Pour les grands hommes, les grands leaders, les deux images finissent par se rejoindre à un moment donné.
4. Ils n'ont pas peur de se mettre en danger, de se mettre en risque, et pas uniquement parce qu'ils n'ont rien à perdre. Ils renoncent bien souvent au bien-être, au bonheur que nous concevons tous (avoir une famille, un toit, des moyens financiers, partir en vacances, etc.). D'une certaine façon, et selon les normes habituelles, ils ne sont pas/n'auront pas été spécialement heureux. Mais comment définir le bonheur ? Que veut dire "être heureux ou ne pas l'être" ? Ce qui est certain, c'est qu'ils sont généralement prêts à tout mettre sur le tapis pour atteindre leur but, ils ne font à ce niveau aucun compromis. Et là, il y a une différence notable avec le commun des mortels. L'individu standard va chercher à réussir financièrement et socialement. Pour y parvenir, il travaille souvent dur, sans se poser d'autres questions, ou s'il le fait, ce n'est qu'épisodique.
C'est pourquoi l'individu lambda arrivant à maturité (50 ans et au-delà) fait souvent sa petite crise d'identitité ou existentielle: au fond, quel est le sens de mon action. Qu'aurais-je réellement construit ou fait ? Que vais-je laisser derrière moi ? Hum ... voilà bien des questions importantes. Mais quand ces personnes se les posent il est souvent trop tard pour agir et changer le cours des choses. Quand Picasso se lance dans la peinture, vivant au départ dans le besoin, il croit en sa bonne étoile et poursuit sa voie. Il n'est pas sur un chemin traditionnel, fait de choses pré-établis: je me mets en couple plus ou moins à tel âge, je veux deux ou trois enfants, j'achète ma maison, une belle et grosse voiture, je pars en vacances dans des clubs, etc. Rien de grave dans ce type de vie. Au contraire, il s'agit là d'une vie heureuse et réussie. On a donné du bonheur autour de soi, élevé des enfants, on a créé une famille. Mais il faut aussi réaliser qu'on ne peut pas tout avoir. 99% des individus dans les pays occidentaux veulent une vie organisée, structurée, standardisée. Même s'ils ne l'avouent pas ! On y a été préparé dès l'école. Comment renoncer à tout ça pour accomplir un rêve ? D'autant plus que pour un Picasso, il y a des milliers, des centaines de milliers de peintres qui ne connaitront que galère et misère. Et cela toute leur vie durant. Alors autant assurer ! Et bien voilà, l'assurance a un prix. En renonçant à une vie de bohème, à la poursuite d'un idéal, à la concrétisation de ses idées, pour une vie plus "normale", on doit accepter la contrepartie de "ne pas entrer dans l'histoire" ! Le dicton dit : "On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre". Et oui on ne peut pas. Mais est-ce si grave ? C'est une question à laquelle chaque individu se doit de répondre avec objectivité, en se souvenant que de toute façon il avait des chances très limitées de réussir à marquer son temps, d'abord parce qu'il faut en avoir le talent, ensuite parce qu'il faut avoir un but clairement défini et différenciateur, enfin parce qu'il faut avoir vécu au bon moment, à la bonne époque. Cela fait beaucoup de conditions !
Les leaders, les grands hommes comme les appelle Hegel, sont ceux et celles qui defient à la fois le temps et les choses établies, ils bousculent le status quo. Ils n'ont généralement aucun regret à la fin de leur vie, qu'ils aient réussi ou pas. Ils ont poursuivi un but et seul cela compte. Nous autre, individus lambda, ceux et celles qui tôt ou tard plongeront dans l'oubli, devons vivre avec cette idée d'un certain renoncement. Nous avons renoncé à la gloire éternelle pour un confort ... Ainsi, l'homme politique renonce souvent à gagner beaucoup d'argent (en principe) pour accomplir son dessein, alors même qu'il sort de la même école ou de la même université que son camarade qui lui a choisi d'être "trader" dans une banque. Ils n'ont pas choisi la même vie. Ils investissement différemment et le rendement pour l'un et l'autre, qui n'est pas garanti, n'est en tout cas pas distribué avec la même échelle de temps. L'un aspire à laisser une trace, l'autre veut gagner de l'argent pour jouir de cette vie terrestre.
A chacun de choisir.
A chacun d'assumer ses choix.
Ci-dessous, la chanson bien connu, extraite du spectacle Starmania, "Le Blues du Businessman". En parcourant les paroles, il est amusant de voir que l'on retrouve bien ce questionnement qui nous assaille tôt ou tard, que l'on ait réussi ou pas. Je laisse mes lecteurs l'analyser ! Très belle chanson, pleine de sens et de justesse. J'ai mis en couleur et en gras les parties qui méritent selon moi d'être méditées.
Le blues du businessman
J'ai du succés dans mes affaires
J'ai du succés dans mes amours
Je change souvent de secrétaire
J'ai mon bureau en haut d'une tour
D'où je vois la ville à l'envers
D'où je contrôle mon univers
J'passe la moitié d'ma vie en l'air
Entre New York et Singapour
Je voyage toujours en première
J'ai ma résidence secondaire
Dans tous les Hilton de la Terre
J'peux pas supporter la misère.
(Choeurs:)
Au moins es tu heureux?
(Chant:)
J'suis pas heureux mais j'en ai l'air
J'ai perdu le sens de l'humour
Depuis qu'j'ai le sens des affaires.
J'ai réussi et j'en suis fier
Au fond je n'ai qu'un seul regret
J'fais pas c'que j'aurais voulu faire.
(Choeurs:)
Qu'est ce que tu veux mon vieux!
Dans la vie on fait ce qu'on peut
Pas ce qu'on veut.
(Chant:)
J'aurais voulu être un artiste
Pour pouvoir faire mon numéro
Quand l'avion se pose sur la piste
A Rotterdam ou à Rio
J'aurais voulu être un chanteur
Pour pouvoir crier qui je suis
J'aurais voulu être un auteur
Pour pouvoir inventer ma vie
Pour pouvoir inventer ma vie
(Chant:)
J'aurais voulu être un acteur
Pour tous les jours changer de peau
Et pour pouvoir me trouver beau
Sur un grand écran en couleur
Sur un grand écran en couleur
J'aurais voulu être un artiste
Pour avoir le monde à refaire
Pour pouvoir être un anarchiste
Et vivre comme un millionnaire
Et vivre comme un millionnaire
J'aurais voulu être un artiste....
Pour pouvoir dire pourquoi j'existe.