12 janvier 2013

Le succès d'une entreprise ou d'un état : équation ou alchimie ?

Pour redresser une économie, les mêmes règles prévalent que pour une entreprise. Faut-il encore définir une stratégie financière ? Cette dernière doit être mise en oeuvre, à priori, pour mettre en place la stratégie générale de l'entreprise et son plan opérationnel (capacité à faire arriver les choses ou d'exécution comme disent nos amis anglo-saxons). 

Les leviers sur lesquels il est dès lors possible de s'appuyer sont nombreux : 
  • on peut décider de privilégier la croissance du chiffre d'affaires avec l'idée de prendre des parts de marché. C'est un objectif compréhensible mais il faut s'attendre qu'il pèse sur la marge et donc sur le profit opérationnel, sauf à aligner les coûts (OPEX) de façon proportionnelle. 
  • On peut décider de mettre l'accent sur la marge. On pourra le faire par un changement du mix- produits, en faveur des produits et/ou services à forte valeur ajoutée, comme certaines activités de services ou des produits présentant un avantage compétitif déterminant (donc plus chers, mieux positionnés). 
  • On peut décider d'abandonner certaines activités qui ne sont pas en ligne avec les objectifs de marge et de profit du groupe, avec l'inconvénient de voir son chiffre d'affaires se tasser. 
  • On peut décider au contraire d'étendre son champs, en ayant le maximum de produits et/ou services, sous condition qu'il y ait une cohérence dans les choix opérés. On réalise une sorte de "one-stop shopping". 
  • On peut décider de gagner des parts de marché au détriment de la marge, mais alors de réduire les dépenses de façon drastique pour maintenir un profit élevé, propre à satisfaire les marchés. 
Un gouvernement aujourd'hui se retrouve face aux mêmes problématiques. 

Relancer l'économie en période de crise est toujours possible, nous en avons déjà parlé, mais obtenir une dynamique à plus de 2 ou 3% est actuellement illusoire, surtout en Europe. 

L'Europe présente de nombreux atouts. Sa taille, sa diversité, son leadership dans de nombreux secteurs, son histoire qui lui donne un certain recul. 

Elle affiche également de gros déficits. Du reste le mot est bien choisi ! Un déficit creusé par les dépenses publiques, une balance commerciale versus d'autres zones qui n'est pas au mieux, un chômage qui monte, des dettes rampantes dont on ne voit pas les racines. 

La France n'échappe pas aux difficultés. Mes propos n'ont rien de politique. La situation n'est bien sûr pas le fait du gouvernement actuel. Il récupère même une situation très difficile. Les gouvernements qui se sont succédés depuis 30 ans ont tous enfoncé la nation. Inconsciemment peut-être. Par incompétence, facilité ou ... par manque de courage ... difficile à dire. Mais tous, de droite ou de gauche, ont participé à cette situation. Il faut en sortir. 

Or, le chômage est en phase ascendante. Les dépenses publiques en proportion du PIB n'ont jamais été aussi fortes. Le coût du travail prohibitif. La législation complexe et manquant totalement de flexibilité. A force de vouloir défendre le salarié, ce qui est tout à fait respectable, j'en suis un aussi, nous avons oublié que ce sont bien les actionnaires qui créent ou pas de l'emploi en France. Si notre environnement les inquiète, leur fait peur, ils vont se déplacer ailleurs

Et aujourd'hui, nous ne faisons pas peur, c'est peut-être encore excessif, mais nous posons question. Et encore que je n'en suis plus très sûr. Lorsque je discute avec mes amis internationaux, leurs commentaires m'inquiètent parfois. Cela commence sur le ton de la plaisanterie, on aime bien charrier les français, mais cela se termine toujours par des opinions tranchés, rarement en notre faveur. "Investir en France cela coûte cher"; "Si on embauche chez vous, on sera coincé car nous tomberons sous les fourches caudines de vos plans sociaux extrêmement chers"; "Il fait bon vivre en France mais pour combien de temps ?". 

Ces questions (ou constats) peuvent déranger, je ne peux qu'être d'accord, mais elles sont une réalité. Notre réalité. Nous assistons, au-délà des départs de français aisés à l'étranger, à des ruptures organisationnelles des entreprises mondiales qui sont inquiétantes :
  • Proliférations de centres de services partagés : on regroupe le service commun à plusieurs pays en un seul lieu, un pays où le coût du travail est très bas ... pas la France. Cela pourra être la logistique, les achats, l'informatique, la gestion de la trésorerie, etc. 
  • Développement de "l'offshoring" : on signe un contrat de services en France mais on l'opère là où le coût du travail est très bas, en Inde, au Vietnam, en Roumanie, etc. 
  • Regroupement des sièges sociaux, là où la fiscalité est plus attractive: Londres, Genève ou Zurich.
Que faire alors ? 
  • Couper les coûts ou les dépenses publiques peut fonctionner à court terme mais bien entendu la limite ne tarde pas à venir. L'exercice comporte de nombreux risques, au-delà du manque singulier de vision, de mettre l'entreprise en difficulté sur le moyen/long terme. 
  • Augmenter les prélèvements, les impôts et taxes en particulier, est une solution facile, solution à laquelle il faut avoir recours, mais pas au-delà de certaines limites. Quand la fiscalité devient confiscatoire ou dissuasive, elle a l'effet inverse à celui recherché initialement. Les entreprises ne s'installent plus chez vous, voire fuient, les individus font de même, et au final c'est moins de recettes fiscales. Le gouvernement Fillon avait voter 30 milliards de ponctions supplémentaires. Le gouvernement actuel a fait de même. C'est 60 milliards de plus ! Il fallait sans doute le faire. Mais nous sommes à la limite de l'exercice, surtout si l'on ajoute que ceux qui créent la richesse ont en perspective la taxe à 75% au-delà du million d'euros. 
  • Relancer l'économie, facile à dire me direz-vous, reste la seule solution saine et viable sur le moyen terme. Il faut améliorer notre compétitivité par les coûts, favoriser l'innovation et la création de nouvelles entreprises, accompagner les talents (plutôt que de les laisser partir), multiplier les pôles d'attraction autour de nouvelles technologies et de savoir-faire spécifiques. 
Pour qu'une politique fonctionne, c'est un peu comme une salade, pour qu'elle soit bonne (effective), il faut un bon assaisonnement ! 

Les entreprises au fond doivent en premier lieu dégager du cash-flow et même du "free cash-flow". Au fait, un rappel sur cette dernière notion. Ce ratio mesure la performance financière d’une entreprise. Il représente la capacité d'une entreprise à générer du cash mais après avoir investi dans le maintien ou la croissance de ses actifs (équipement, bâtiment, etc.). 

C'est donc au fond ce qui est "libre" une fois l'essentiel assumé ! Ce "cash-flow libre" peut alors être utilisé pour se développer ou pour distribuer des dividendes, etc. Pour le calculer, il convient d'ajouter les amortissements au bénéfice avant impôts et intérêts et de déduire ensuite la variation du fonds de roulement et les investissements en capital. Il est important parce qu'il est le signe annonciateur de bonne santé. Sans ce "cash-flow libre", l'entreprise ne peut pas réaliser de nouvelles acquisitions, investir en recherche et développement, rembourser sa dette. Sans ce "cash-flow libre" l'entreprise n'a pas de flexibilité. Elle est étranglée et sa survie est compromise. 

Tout gouvernement est dans la même situation. Il doit rembourser sa dette, investir (pour rénover l'école et les universités par exemple ou moderniser son armée), attirer les investissements étrangers, etc. Pour cela, il lui faut une capacité de fonds disponible une fois les dépenses publiques payées, les intérêts d'emprunts assumés et idem pour tous les autres remboursements obligatoires. Et c'est là que l'histoire se complique. 

Nous avons intérêt à parier sur le succès des actions en cours. L'accord obtenu entre les syndicaux et le patronat ces jours-çi est plutôt une bonne chose, surtout pour la flexibilité du travail, les ajustements fiscaux opérés par le gouvernement précédent et l'actuel étaient nécessaires. Il faut maintenant aller plus loin et donner un élan à notre économie, qui seul pourra donner l'envie (voir mon avant-dernier post).

Alors au final, "Le succès d'une entreprise ou d'un état : équation ou alchimie ?"



On pourrait être tenté de répondre "équation", car tout semble rationnel et être le fruit de savants mélanges économiques et financiers, où le hasard n'a guère de place. Mais reste que les femmes et les hommes qui conduisent les changements font toute la différence. Et c'est pourquoi, il faut une juste compréhension de ce qu'il convient de faire, la volonté de le faire mais surtout celles et ceux qui vont faire d'un plan une réalité. 


Alors alchimie sans hésitation !