Le Sénat Romain, lieu d'échange et de débat |
La parole est aux difficultés de la vie quotidienne ce que le miel est à une gorge irritée : un pansement provisoire ! Depuis que le monde est monde, les orateurs ont toujours eu la part belle. Nous les écoutons nous prodiguer leurs belles paroles et nous nous laissons (souvent) convaincre. Pourtant, l'histoire regorge de promesses merveilleuses prises par des leaders charismatiques et pourtant jamais (ou rarement) honorées. Pourquoi ? Pas facile d'y répondre, mais en ces temps d'élections présidentielles, il parait intéressant de se poser la question et de chercher à décrypter ce mystère. Au fond de nous, nous pensons que les actes sont plus importants que les paroles, normal ils ont un impact sur nos vies, alors même que nous accordons manifestement plus de place à la parole. Nous devrions par exemple accorder plus de crédit à l'homme politique annonçant une hausse du SMIC qu'à celui qui déclarerait avoir l'intention de le faire. Et pourtant, dans la réalité, nous passons plus de temps à commenter un projet ou une annonce hypothétique qu'une décision ferme. Comme si cette dernière n'appelait plus débat ! Il en est de même dans la vie des entreprises. On discute davantage autour d'un projet de réorganisation que des résultats factuels obtenus dans un projet ou un programme à présent achevé. Comme si le bilan revêtait peu d'importance. Ce paradoxe est aussi un fait. Notre culture judéo-chrétienne devrait pourtant nous avoir préparés à accorder une place prépondérante à l'acte. Ainsi, dans son fameux jugement, le roi Salomon ne se contente pas de paroles, il menace de fendre l'enfant du dilemme en deux pour générer une réaction des deux femmes suppliantes. Aussi, le Nouveau Testament insiste sur les Actes des Apôtres, et pas uniquement sur leurs mots. Il est exact que notre éducation Gréco-Romaine vient tempérer tout ceci. L'une nous a apporté la philosophie et la démocratie, qui est une tradition en grande partie orale, l'autre le droit et la discipline. On parle beaucoup à Athènes et à Rome ! On débat, on échange, on cherche la contradiction et l'affrontement des idées. L'Ecclesia, la Boulé et l'Héliée sont des assemblées grecques démocratiques, chacune ayant un rôle spécifique, où le débat tient une place prépondérante. Le Sénat Romain est un autre exemple où la performance d'orateur est appréciée. Alexandre le Grand représente comme souvent un bon intermédiaire. Il ne se contente pas de donner des ordres à ses hommes, il les mène au combat avec bravoure et détermination. Aristote lui a appris l'importance de faire suivre les paroles d'actions bien concrètes. Aujourd'hui, beaucoup parlent, peu agissent. Et parmi ceux qui disent agir, peu le font vraiment. Il faut donc se montrer vigilants et exigeants. Il en va de l'équilibre de notre société. Cette dérive de la parole sur les actes est sans doute le produit de notre société de l'information et de la communication, certes, mais elle nous conduit à coup sûr vers de grosses déconvenues. Demain, les hommes d'Etats et d'entreprises devront être jugés sur leurs propos (comprenant un programme, des projets, une philosophie de vie, un système de valeurs, etc.) et sur leurs actes (ce qu'ils ont réellement fait) ! L'un ne doit pas aller sans l'autre. La parole doit servir à mobiliser, c'est important, l'acte à convaincre, sans doute encore plus essentiel. On peut avancer avec un homme d'actions qui ne communique pas bien, on part à la dérive lorsque l'on a affaire à un orateur qui ne passe jamais à l'action. Celui qui par exemple prétend vouloir mener une politique sociale sans jamais prendre aucune option traduisant cette volonté reste sans intérêt pour ses employés. Ce sont juste des paroles. C'est une sorte de manipulation, consciente ou inconsciente.