J'ai toujours beaucoup lu. Au final, rien ne vaut que de parcourir les pages d'un bon livre, d'un roman, d'un essai ou de s'informer en feuilletant une revue ou un journal. Comme beaucoup, j'aime bien être informé. Des choses importantes et d'autres qui le sont moins. Je tiens à rassurer mes lecteurs, je ne verse pas non plus dans le "people" ! Et pourtant, les journaux dits "people" sont révélateurs de mouvements de société, de tendances, car ils relatent des faits ou transmettent des informations qui sont réellement celles qui vont toucher le plus grand nombre ... alors, concluons que rien n'est plus important de nos jours que la maitrise de l'information. On est submergé de données, de graphiques, d'analyses et au final on ne sait plus parfois distinguer l'important du futile, on se perd dans tous ces réseaux sociaux qui certes apportent de la valeur mais aussi consomment du temps. Et j'en viens à ma réflexion du jour : le temps. J'ai compris depuis longtemps que la valeur sur terre la plus importante était justement celle du temps. Celle qu'on ne maitrise pas en fait. On ne maitrise pas le temps qui coule. On sait le mesurer ce temps filant, mais on ne peut pas l'arrêter, aucun arrêt sur image n'est possible. Vous pouvez toujours sortir de cet engrenage journalier, cet enchainement de rendez-vous, d'événements qui égrène nos agendas, cette turbulence quasi-permanente, vous le pouvez, pour quelques temps du moins, mais quand vous reviendrez aux opérations et à la vie réelle, votre charge aura juste doublé et votre stress n'en sera que décuplé ! En compensation, vous aurez eu votre bouffée d'oxygène. Mais une chose est certaine, le temps continue sa course sans se soucier de vos états d'âmes, de vos questionnements, de vos peurs et craintes, il avance, implacable. Analysons un peu plus. "Ce qui est rare est cher" disent les économistes. Certes, mais alors le temps est-il rare ? Oui et non. Rare pour ceux qui en manquent, mais pas trop pour les autres. Songez qu'à un instant donné, nos partageons tous les mêmes secondes, les mêmes minutes, le temps est pernicieux puisqu'il se vend en masse. Lorsque vous achetez un appartement, vous êtes certains que personne d'autre n'en est propriétaire. Du moins, à priori. Mais pour le temps, c'est différent. Nous sommes des milliards au même moment à bénéficier de ce temps si précieux. Nous n'en sommes pas propriétaires. Nous sommes des locataires. Et qui plus est des locataires à titre gratuit ! Ah, voilà bien un point important. Est-ce gratuit ? Le temps est-il gratuit ? Oui et non. Oui en ce sens que vous ne recevez pas une facture à payer pour du temps alloué ! Restons discrets, cela pourrait donner des idées à certains ! Non, en ce sens que nous payons tous les jours des dizaines d'autres factures pour avoir juste le droit de vivre, des taxes, l'électricité, le chauffage, etc; Si nous arrêtons de payer, on perd tout, on se retrouve SDF et un jour ... Donc le temps ne serait pas gratuit. La valeur temps pourrait donc être chiffrée. Elle serait la somme de tout ce que nous payons, le tout ramené à une échelle commune pour lisser les différences de fortune. Car sinon, nous ne pourrions que constater que le temps vaut plus cher pour un riche que pour un pauvre. C'est juste d'un point de vue citoyen, mais très inéquitable autrement. Ainsi la vie d'un maçon landais vaut-elle plus ou moins que celle de Bill Gates ? Si on dit que celle de Bill Gates vaut plus, tout le monde hurlent, outrés, mais si on dit l'inverse, personne n'y croit. Le temps n'est pas gratuit. Il ne vaut pas la même chose selon que l'on est plus ou moins fortuné. Mais nous sommes là dans une vision encore très classique. Plus on gagne et plus on paie. Plus on gagne et plus vous devez payer pour exister et vivre. On ne cherche pas à être équitable à ce niveau mais logique. Ceux qui en ont plus doivent payer pour les autres. Même logique que celle entendue pendant les débats présidentiels sur l'ISF ou la fameuse contribution exceptionnelle des riches. Il existe une autre façon de voir les choses. J'ai vu un film il n'y a pas longtemps où les êtres humains dans un monde futuriste commençaient leur vie avec le même temps. Un temps alloué en quelque sorte. Dans cet univers étrange, on travaillait pour gagner du temps. Du droit à vivre en quelque sorte. Et quand vous achetez des bananes ou un café, on vous décompte du temps, pas de l'argent ! C'est exactement la théorie développée par mes soins dans un de mes livres, où j'écrivais que l'acte le plus important que nous effectuons dans notre vie est celui du "commerce de notre temps". Que faisons nous ? Nous vendons à quelqu'un (personne morale ou physique) ce qui a le plus de valeur, le temps, contre un salaire. Ce faisant, nous abandonnons toujours de nombreuses choses. Nous renonçons à une partie de nos rêves, à des projets qui nous tiennent à coeur. Ce n'est donc pas neutre. Il faut bien réfléchir à qui nous souhaitons donner ce qui nous tient le plus à coeur ... notre temps ou en d'autres termes notre vie. Certains diront, comme Camus, qu'il vaut mieux vivre moins longtemps mais intensément, et d'autres sont prêts à tout pour vivre très vieux, même si leur vie ne présente aucun intérêt. Du moins aux yeux du plus grand nombre. Quelqu'un peut être heureux à ne rien faire, à réfléchir, à penser, alors qu'un autre ne conçoit pas sa vie sans actions fortes et stimulantes. Dans le film cité plus haut, et dont je ne me rappelle pas le titre, marque du temps sans doute, on échange du temps entre personnes. Par exemple, quand vous voulez faire un cadeau à un proche, vous lui donnez du temps. En d'autres termes, vous lui donnez un peu de vous, une partie de votre vie. C'est fort non ? C'est un peu la maxime "je donnerais ma vie pour toi". Et bien là, c'est un peu ça, mais pour de vrai ! Notre vie consiste en fait à allouer notre temps le plus intelligemment possible. Car n'oubliez pas que l'injustice persiste et que le même constant peut s'observer là aussi. Tout le monde ne vend pas son temps au même tarif ! Pour gagner beaucoup, il faut abandonner beaucoup de temps et ce temps évaporé vous manque justement ensuite pour faire ce qui vous tient vraiment à coeur. Le maçon landais a moins d'argent que le "trader" parisien ou londonien, mais il a moins de stress et plus de temps ! Ce n'est pas rien. Nous avons une différence importante avec les autres espèces animales. A défaut de le maîtriser, nous avons conscience de ce temps qui passe, nous savons que nous sommes mortels et qu'un jour, nous ne serons plus de ce monde. Cela devrait nous inciter à être très vigilants sur nos choix. A ne pas nous perdre dans des activités ridicules, à ne pas nous ennuyer, à choisir les gens que l'on fréquente avec beaucoup d'attention, nos conjoints, nos amis, nos collègues, etc. Car c'est cet environnement, que nous créons nous-mêmes, nous avons là un libre arbitre, qui fait que notre vie est douce et passionnante ou ennuyeuse et sans saveur. Pour ceux qui pensent que pour certains la vie est déjà écrite à leur naissance, c'est exact, mais c'est aussi très ennuyeux en fait. Pour ce qui me concerne, j'ai toujours essayé d'aller de l'avant et ce que j'ai fait, en bien ou en mal, est le produit de mon travail. Je ne pourrais m'imaginer de n'avoir rien à construire. De façon paradoxale, la vie est ennuyeuse quand votre seul souci est de savoir si vous allez choisir une Ferrari ou une Porsche. Il est beaucoup plus passionnant de travailler dans un but donné. Comme dit l'adage, on ne mange que trois fois par jour ! Il y a une semaine environ, j'ai lu dans la rubrique "Actualités à l'affiche" de la revue Challenge, qu'un homme de 42 ans, président du "think tank Terra Nova" venait d'être élu député PS dans les Bouches-du-Rhône. C'est drôle, j'ai gardé sa photo en mémoire. D'une part, parce que c'était la seule de la colonne, et d'autre part, ses traits paraissaient détendus. Il avait l'air d'un homme "bon". Je m'étais même fait cette réflexion, ça va être dur de garder de regard pour toi ... Peut-être ne l'était-il pas au fond, je ne le connaissais pas. Mais il avait l'air sympa. Je parle au passé car vendredi ou samedi, je ne sais plus, j'ai appris qu'il était mort ! Son nom, Olivier Ferrand, m'a tout de suite rappelé cette photo. J'étais sûr qu'il s'agissait de la même personne. Je revenais du Maroc, où j'assistais au conseil de surveillance d'une société que je co-supervise, quand j'ai appris ceci. En arrivant chez moi, j'ai fouillé dans mes affaires, retrouvé ce numéro de Challenge. Il s'agissait bien de la même personne. En une semaine, l'homme n'était plus, alors que de toute évidence, rien n'aurait dû se passer ainsi. Cela m'a ramené à ce constat d'évidence. Le temps est bien ce que nous avons de plus précieux. Il faut bien le négocier car nous savons que notre fin est inéluctable et qui plus est nous ne savons pas quand elle surviendra. Toutes mes condoléances à la famille de cet homme que je ne connaissais pas, mais qui m'a donné l'idée de ce billet. Je lui dédis ces mots.