Un de mes collègues m'a adressé un lien vers un article publié dans le journal Le Monde du 12 Novembre dernier.
Son titre : "Pour une révolution managériale: rétablir la confiance et l'engagement".
L'auteur : François Dupuy. Sociologue, directeur académique du Centre européen d'éducation permanente (Cedep) de l'Insead, auteur de La Fatigue des élites. Le capitalisme et ses cadres (Le Seuil, collection "La République des idées", 2005) et de Lost in Management. La vie quotidienne des entreprises au XXIe siècle (Seuil, 2011).
Ce papier, que je vous laisse découvrir çi-après appelle quelques commentaires de ma part.
Je partage totalement l'idée que le management actuel doit s'adapter à la nouvelle donne et qu'il convient de fuir tout management coercitif, toute pression inutile. On ne manage pas par la terreur. La révolution française, même si elle a sur le long terme marqué son temps et imprimé un vent de liberté, l'a clairement démontré. Robespierre n'a pu tenir très longtemps dans ce climat qu'il avait lui-même instauré, sans en prendre vraiment conscience, pour au final finir à son tour sur l'échaffaud. En période difficile, de crise, de tension, de décroissance, au moment où les affaires deviennent plus difficiles, où les clients investissement moins, où ils licencient, où tout le monde est incité à réduire les coûts, rien ne vaut plus que de se serrer les coudes, de former une équipe et d'éviter les débordements hasardeux et parfois nauséabonds. J'en suis plus que convaincu. La difficulté reste en fait d'aligner l'ensemble de son équipe, les managers plus particulièrement, à cette conviction (voir l'un de mes précédents posts).
Concernant les process et les outils. Bien sûr, il faut se méfier des champions des processus, ces bureaucrates que l'on trouve un peu partout, dans de nombreuses entreprises, particulièrement les multinationales. On connait tous ces spécialistes du thermomètre, qui en placent là où ils peuvent. A la fin, ils ne savent même plus pourquoi. Et pire, ils n'utilisent pas 20% des fameux KPIs qu'ils élaborent !! Un paradoxe ! A trop mesurer, on finit par ne plus savoir ce que l'on cherche à prouver ou à démontrer. Mais prétendre inversément que l'on puisse se passer de toute mesure est absurbe et vient généralement de personnes qui n'ont jamais managé d'entités opérationnelles. Il y a une grande nuance entre la théorie et la pratique. Mes nombreuses années à la tête d'entreprises m'ont définitivement convaincu que ce qui distingue les entreprises qui réussissent de celles qui échouent, c'est l'éxécution. La capacité à faire arriver les choses. Make things happen ! Bien sûr, il faut une stratégie, des produits et des services à vendre, des collaborateurs talentueux, une harmonie et un bien-être et bien d'autres éléments encore. Mais au final, l'exécution est vitale. Elle fait la différence. Et les managers capables de réfléchir, d'innover et d'agir simultanément sont des perles rares.
Concernant les hommes et leur importance au sein de l'entreprise. Je ne crois pas qu'ils soient plus importants aujourd'hui qu'ils ne l'étaient hier. Les choses n'ont pas fondamentalement évolué à ce niveau. Il faut des femmes et des hommes entrepreneurs qui investissent et prennent des risques. Il faut des dirigeants qui exploitent les idées des créateurs. Des dirigeants et des managers qui font en sorte que les plans opérationnels soient mis en place. Ils ont aussi la charge de déplacer les ressources (capitaux technologique, financier, humain, etc.) là où il le faut, là où la croissance se trouve, là où l'entreprise peut creuser l'écart. C'est tout un art. Il faut aussi qu'ils embauchent les bons profils, qu'ils les forment, les coachent, les fassent grandir au sein du groupe. Il faut qu'ils s'occupent avec attention de celles et ceux qui sont dans l'entreprise depuis plus ou moins longtemps et qu'ils se chargent de leur assurer un développement harmonieux. Un salarié motivé donne plus de lui-même qu'un autre, c'est une évidence. Mais les femmes et les hommes ont toujours eu un rôle clé dans le succès ou l'échec d'une firme. Aujourd'hui comme hier. Pas plus en 2012 qu'en 1960, 1980 ou 2000. Pas plus, pas moins. Il y a toujours eu des salariés qui se donnent à fond, qui vont au-delà de toute limite, plus pour eux, pour l'équipe, leurs collègues que pour l'entreprise. Certains le font aussi pour l'entreprise. Il y aussi toujours eu des salariés qui ne se donnent pas à la tâche. Les raisons sont multiples et je ne veux pas là les discuter. Ce n'est pas le propos de ce billet.
Alors faut-il de nouveaux managers ? De nouveaux dirigeants ? Faut-il une révolution managériale ? Pour rétablir la confiance et l'engagement. Oui, bien sûr, il fautde la confiance. On la veut. Oui bien sûr il faut de l'engagement. On le veut. Mais à de rares exceptions près, les dirigeants et managers en poste sont capables de faire cela. Quand ils ne le sont pas, ils doivent quitter leurs fonctions car leur échec à ce niveau aurait des conséquences bien trop importantes. Etre manager implique des devoirs qu'il faut être en mesure d'assumer. Ce n'est pas facile. On fait tous des erreurs. On apprend d'elles et on essaie d'en faire de moins en moins.
Ce qu'il faut, ce sont des dirigeants, des managers, différents, capables de saisir le monde vers lequel nous allons. Ce monde est différent et exige des qualités et un style appropriés, des compétences humaines et de leadership que nous possédons tous, de façon quasi innée, mais que nous n'avons pas appris à mettre en avant. Ni à l'école, ni à l'université, ni dans l'entreprise. Nous n'avions pas besoin de ce type de profil. Cela ressemblerait à quoi ? Un mélange d'intelligence émotionnelle et d'autres éléments pour constituer un tout. Un manager prenant en compte toutes les dimensions, pas seulement celle que nous qualifions de "financière", un manager ne priviligiant pas uniquement le court terme en sacrifiant le long terme, un manager capable de résister à la pression et de faire valoir ses vues, ses idées, et plus important ses valeurs.
Mais c'est là un autre thème sur lequel nous reviendrons sous peu ...
Je vous laisse à présent lire le papier de François Dupuy. En synthèse, je suis d'accord avec lui que le monde des affaires d'aujourd'hui, le monde tout court du reste, ne tourne pas rond. Je suis d'accord que certains managers ne se conduisent pas bien. Mais cela a toujours été le cas. Il n'y a pas aujourd'hui une multiplication de ces profils. Du moins, ce n'est pas ce que je vois autour de moi. Je me méfie des enquêtes qui tranchent ainsi avec autant de détermination, et qui peuvent confondre pression et exigence. Je suis d'accord que la bureaucratie peut tuer les plus belles dynamiques et que dans les périodes difficiles il convient de porter attention aux femmes et aux hommes de l'entreprise, car ce sont elles et eux qui peuvent faire la différence. Mais je crois aussi qu'il faut de la discipline pour réussir, de la ténacité et une organisation qui fonctionne. Sans excès, sans comportement stupide. Et j'affirme que nous verrons dans les temps à venir émerger une nouvelle classe de leaders qui saura aborder les choses d'une façon très différente ... en tout cas je le souhaite, nous en aurons besoin.