17 mai 2014

Le talk Orange - Le Figaro

Gérald Karsenti interviewé par Yves Thréard
Le Talk Orange - Le Figaro

J'étais l'invité du Talk Orange - Le Figaro vendredi 16 mai 2014, interviewé par Yves Thréard

Les questions ont essentiellement porté sur la compétitivité des entreprises et l'attractivité de la France, des sujets qui sont au coeur de mes réflexions et de celles de mon entreprise. 






Samedi 17 mai, était publié dans le Figaro (pages économiques) un papier complémentaire signé Charles Gautier, sous le titre : "Il faut se méfier des barrières à l'investissement - le président de HP en France juge les baisses de charges très utiles". 

Je précise que l'article comporte une erreur sur ma citation relative à la relance par la consommation. J'ai en fait dit que ce n'était pas la seule méthode pour relancer l'économie, mais qu'il fallait aussi compter sur un accroissement de la consommation des ménages.

Mise à part cela, voici le texte :

Invité vendredi du "Talk Orange - Le Figaro" au lendemain de la publication du "décret Alstom" donnant au gouvernement un droit de regard sur les investissements étrangers dans les secteurs stratégiques en France, le président pour la France du groupe américain Hewlett-Packard (H-P) a appelé à la plus grande prudence. "Je comprends qu'il faille protéger et défendre les entreprises françaises lorsqu'il y a un intérêt stratégique, a indiqué Gérard Karsenti. Mais il faut se méfier des contraintes qui peuvent créer des barrières à l'investissement étranger".
 
Pour doper sa croissance, la France devrait selon lui faire sauter un certain nombre de verrous. "Il faut agir, il y a urgence, a-t-il plaidé. Il faut entreprendre des réformes". Et surtout pas passer par une relance par la consommation. Il soutient en revanche la démarche de l'exécutif en matière fiscale. "La baisse de la fiscalité pour les salaires les moins aisés est une bonne chose", a applaudi le président de HP en France. Tout comme d'ailleurs la mise en place du crédit impôt compétitivité emploi (CICE) pour les entreprises qui "nous permet d'être plus compétitifs". Pour lui, toute baisse des charges pesant sur les entreprises le permet et le CICE est donc "un véritable atout pour les entreprises françaises".
Pour ce chef d'entreprise qui emploie plus de 6000 personnes dans l'Hexagone, la France souffre toutefois de nombreux handicaps et cite, pêle-mêle, son manque de flexibilité, un code du travail trop complexe ou encore la rétroactivité des textes, une notion complètement incompréhensible pour les Américains. "L'économie redémarre en Angleterre parce que ce pays a su se réformer, a-t-il poursuivi. Nous sommes engagés dans une course vitesse et je pense qu'il est nécessaire d'harmoniser les fiscalités en Europe".
Mais Hewlett-Packard ne se contente pas de réclamer des réformes, le groupe américain s'efforce aussi d'aider les jeunes entreprises. 
"Nous allons bientôt présenter un "kit start-up" pour les aider en mettant à disposition des moyens techniques et des conseils", a-t-il expliqué. Un moyen de participer à la croissance en transmettant une partie de son savoir-faire et aussi de créer des emplois. 
Par Charles Gautier 

Pour un leader, le manque de courage est éliminatoire ... interview dans les Echos

Le 12 Mai dernier est paru un échange que j'ai eu avec Valérie Landrieu, journaliste aux Echos sur le thème du leadership. 



Intégralité de l'interview :

Professeur de leadership à HEC, le Pdg de Hewlett-Packard France défend la force des convictions dans l'entreprise. Ne serait-ce que pour le bien des affaires.

Gérald Karsenti, le courage est, selon vous, un élément clef du leadership…
Je pense surtout que le manque de courage est un critère éliminatoire pour qui aspire à être un leader. La peur est dangereuse, parce que celui qui l'éprouve prend généralement de mauvaises décisions. Dans ma pratique, lorsque je pense qu'une décision doit être prise, je la défends jusqu'au bout. Je suis persuadé qu'une entreprise qui n'a pas de managers avec des convictions professionnelles n'avance pas.
Jusqu'où peut-on aller ?
Il ne s'agit pas non plus d'être un Don Quichotte. Il faut trouver le bon équilibre pour l'entreprise. D'ailleurs, le courage, cela peut aussi consister à dire à un collaborateur que son travail ne convient pas, alors que l'on ne veut pas le perdre. De façon plus générale, il faut avoir un système de valeurs qui constitue un cadre au-delà duquel on ne va pas. Il y a des moments où il faut se poser la question « Est-ce que je l'accepte ou est-ce que je m'en vais ? ». C'est une décision individuelle à prendre à laquelle je n'ai toutefois pas eu à répondre.
On pense évidemment à Eric Piolle, le nouveau maire de Grenoble*...
Quand Eric Piolle, que je ne connais pas, est parti, il avait une très bonne image auprès des salariés. Je ne peux pas vous en dire plus si ce n’est que je suis pressé de le rencontrer pour discuter de ce que mon entreprise peut apporter à la ville de Grenoble et sa région. J’aime cette région qui respire l’innovation et est dans le futur.
Du courage, des valeurs…
Et des résultats ! C'est le préalable indispensable. Mais à un moment donné, le professionnel se construit autour de son système personnel et la vision de ce qu'il veut faire de sa vie. La taille de l'entreprise importe peu ; quand vous dirigez, il est nécessaire que les gens que vous menez se reconnaissent dans votre système et se laissent entraîner par votre vision.
Quelles sont les autres caractéristiques essentielles du leadership ?
Au-delà du courage, le leader doit être authentique, être porté par une éthique irréprochable, disposer d'une intelligence émotionnelle et relationnelle et faire preuve d'initiative et de créativité.
Quelles sont les incidences managériales d'une entreprise de culture américaine ?
Les Américains ont une approche différente de la gestion des risques. En France, il n'y a guère de culture du risque… Les Américains créent pour gagner de l'argent, et ils sont très pragmatiques. Mais il serait inexact de tirer des conclusions générales : la dynamique de l'entreprise dépend surtout des patrons, des personnalités aux commandes.
HP est dirigé par Meg Whitman, une femme…
Meg Whitman a impulsé quelque chose de totalement différent par son passé entrepreneurial. Elle a créé eBay, fait de la politique. Elle a par nature un profil de créatrice tournée vers l'innovation qui imprime sa marque à l'entreprise. Etre dirigé par une femme ? Ce n'est pas une première pour moi [Gérald Karsenti était chez IBM France lorsque Françoise Gri en était le PDG, NDLR]. Je pense que les femmes ont un leadership différent de celui des hommes, avec une gestion plus équilibrée de l'ego. Nous sommes aujourd'hui dans une phase transitoire : dans l'entreprise, les femmes n'ont jusqu'à présent pas eu beaucoup d'autre choix que celui de prendre des hommes pour modèles. C'est en train de changer. Là aussi, il faut trouver un équilibre.
Quelle est votre ligne de conduite en matière de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences ?
Derrière l'outil GPEC, il y a tout ce que nous voulons faire autour du cloud, du big data, de la sécurité et de la mobilité, sachant que plus de 50 % du « job » du patron, c'est de trouver, dans les équipes, les bonnes personnes pour les mettre aux bons endroits pour faire les bonnes choses. Notre université d'entreprise va nous y aider. Nous devrions avoir bouclé les négociations d'ici au mois de juin.
Avez-vous des maîtres à penser ?
Je suis un grand admirateur d'Alexandre Le Grand, qui était pour moi un opérationnel et un visionnaire. Il a su mettre son désir de conquêtes au service d'un objectif.
* Cadre dirigeant d'HP France sur le site de Grenoble, Eric Piolle a refusé de mettre en place un plan de délocalisation
Par VALERIE LANDRIEU, Les Echos

11 mai 2014

La stupidité comme mode de management (publié dans la Tribune)




Le papier ci-dessous peut sans aucun doute alimenter pas mal de discussions. Je vous laisse vous faire une opinion. Il y a un moment que je voulais le poster sur mon blog et le partager avec mon réseau sur LinkedIn. Voilà c'est fait. Rendez-vous sur mon profil LinkedIn pour y apporter vos commentaires si vous le souhaitez. Bonne lecture !

La stupidité comme mode de management

Publié dans la Tribune, Février 2013
 

La culture de la stupidité serait à l'origine de la crise financière de la City. Une étude anglo-saxonne note que l'intelligence des salariés est systématiquement découragée en temps de crise.

Voilà une étude qui devrait pousser les managers à s'interroger. Un rapport rédigé par les professeurs Andre Spicer (de la Cass Business School, qui fait partie de l'université City University de Londres) et Mats Alvesson (de l'université de Lund, en Suède), suggèrent que la culture au sein des entreprises de services financiers décourage les employés d'utiliser l'ensemble de leurs capacités intellectuelles..... Cela signifie que des questions importantes ne sont pas posées et que les oublis qui en résultent peuvent aboutir à des scandales comme la manipulation du LIBOR.

Dans « A stupdity-Based Theory of Organizations », ces deux professeurs vont jusqu'à indiquer que la série de scandales qui a frappé le monde de la finance en 2012 peut être attribuée à une culture largement répandue de la « stupidité fonctionnelle ». Des entreprises au sein desquelles la connaissance prime, comme les banques, ont développé une culture prônant l'attitude « N'y réfléchissez pas, faites-le. ». Réfléchir trop longuement à des difficultés et poser des questions gênantes sont des attitudes systématiquement découragées.

Quand la bêtise désarme

Les auteurs soulignent que les compétences des employés ne se sont pas réduites, mais qu'une véritable culture organisationnelle s'est développée : « De nombreuses entreprises, où l'intelligence des employés est primordiale, telles que les banques et les sociétés de services professionnels, assurent que les compétences sont à la base de leurs activités. Cependant, en y regardant de plus près, on s'aperçoit que la vérité est à l'opposé de cette affirmation. En réalité, la stupidité prime dans nombre de ces entreprises. Elles ne sont pourtant pas composées de personnes présentant de faibles QI. Habituellement, c'est même loin d'être le cas. Au contraire, ce sont plutôt ces entreprises qui incitent des personnes très intelligentes à ne pas mettre à profit l'ensemble de leurs capacités intellectuelles. Au lieu de cela, les employés sont supposés ne pas trop réfléchir et simplement faire leur travail », explique le professeur Spicer. Comme l'indique Robert Musil dans son opuscule intitulé « De la bêtise », celle-ci « endort la méfiance, désarme ». « On retrouve quelques traces de ce genre de finauderie dans certains rapports de dépendance où les forces sont à tel point inégales que le plus faible essaie de s'en tirer en se faisant passer pour plus bête qu'il n'est. (...) le faible qui ne peut pas irrite moins le détenteur du pouvoir que celui qui ne veut pas », écrit Musil. Mais aussi, comme le souligne cet intellectuel allemand dans cette conférence donnée en 1937, le phénomène de bêtise prend toute sa mesure dans des moments de panique....donc de crise, quand quelqu'un ou un organisme est soumis à une épreuve trop lourde ou une trop longue pression. De fait l'étude parue dans le « Journal of Management Studies » souligne  que la « stupidité fonctionnelle contribue à maintenir et renforcer l'ordre dans les organisations ». Un phénomène bien connu des psychologues qui relèvent dans la peur une suspension d'activité et de l'intelligence, qui pousse à remplacer la qualité des actions par la quantité.

Un mode managérial basé sur la persuasion

Rien d'étonnant donc à ce que des problèmes résultant de cette culture se révèlent d'après les deux professeurs uniquement lors de périodes économiques difficiles. Durant les périodes de croissance, cette culture permet, à l'inverse, aux employés de mieux collaborer et garantit que le travail est accompli de manière efficace et sans soulever de questions. Andre Spicer poursuit : « Quand les employés d'une entreprise posent peu de questions, ils ont tendance à mieux s'entendre et à travailler plus efficacement. Cela leur rend la tâche plus facile : ils en profitent également. » Tout simplement parce que confiance et bienveillance génèrent une autonomie propre à effectuer son travail sans non plus se poser de questions...

Ce qui caractérise ces situations de crise, note les deux auteurs, c'est le développement d'un mode managérial basé sur la persuasion avec force images et symboles visant à manipuler les troupes dans une seule et même direction. Sorte de lobotomisation qui permet de calmer toute velléité de sortir de la route tracée et qui, soulignent les professeurs, « bloque l'action ». Autrement dit, en évitant toute forme de confrontation constructive, les organisations se privent de ce qui fait l'essence même de l'échange des savoirs entre les salariés. Cette étude souligne ainsi à quel point les capacités cognitives des individus peuvent être limitées dès lors que s'instaurent des relations de pouvoir et de domination au lieu de faire appel aux ressources des individus.

"La plus dangereuse des maladies de l'esprit"

En 1937, Musil était visionnaire lorsqu'il déclarait dans sa conférence sur la bêtise : « on parle beaucoup aujourd'hui d'une crise de confiance de l'humanisme, d'une crise qui menacerait la confiance que l'on a mise en l'homme jusqu'ici ; on pourrait ainsi parler d'une sorte de panique sur le point de succéder à l'assurance où nous étions de pouvoir mener notre barque sous le signe de la liberté et de la raison (...) la bêtise « intelligente » entraîne l'instabilité et la stérilité de la vie de l'esprit. Ce n'est pas une maladie mentale. Ce n'en est pas moins la plus dangereuse des maladies de l'esprit, parce que c'est la vie même qu'elle menace ». Par un mode de management qui ne laisse pas de place à la singularité et aux ressources des individus, les organisations se privent de compétences essentielles pour continuer de se développer. Comme le dit le réalisateur belge Jacques Sternberg, peut-être qu'un jour on découvrira que la bêtise n'est rien d'autre qu'un virus".

26 avril 2014

C’est une révolte, sire ? Non, c’est une révolution.

Voilà un post d'un des membres de mon réseau et aussi de l'équipe d'HP en France. L'auteur s'appelle Jean-Marc Defaut

Qui est-il ?

Jean-Marc Defaut
Jean-Marc dirige l'activité Cloud Computing d'HP France depuis juin 2012. Dans le cadre de ses fonctions, il a la charge d’accélérer la croissance de l’entreprise sur ce marché émergent. En s’appuyant sur une équipe de collaborateurs expérimentés, sa mission consiste à construire le go to market et les propositions de valeur les plus adaptées afin que les clients et partenaires d'HP tirent un profit maximum des nouveaux modèles de consommation IT. Auparavant, Jean Marc Defaut occupait la fonction de Directeur des Alliances pour le groupe en France. Avant de rejoindre HP en 2010, il était Directeur de la Business Unit Middleware d’Oracle France. Jean-Marc pilote le projet Cloud-Experience.fr avec Philippe Roux et en collaboration avec Olivier Corneloup, consultant.

Le post de Jean-Marc


« Il en est des sciences comme de l’industrie – le renouvellement des outils est un luxe qui doit être réservé aux circonstances qui l’exigent. La crise signifie qu’on se trouve devant l’obligation de renouveler les outils. »
Thomas Kuhn

Au cours des dix dernières années, nous avons  assisté à un revirement majeur du cycle de l’innovation digitale. Lors du cycle précédent, les évolutions informatiques empruntaient systématiquement un chemin d’irrigation « top-down » du tissu économique et de ses agents. Partant des  plus grandes entreprises elles s’étendaient ensuite aux PME pour atteindre en dernier lieu les consommateurs, les étudiants et même les enfants.
Force est de constater qu’en dix ans, cette tendance s’est radicalement inversée : ce sont désormais ces mêmes consommateurs, étudiants et enfants qui mènent la danse et montrent la voie de l’innovation numérique. Si  les adultes et les PME suivent le rythme tant bien que mal,  les institutions de grande taille sont en revanche très à la traîne en matière d’adoption.
A première vue, on serait tenté de répondre que le monde de l’entreprise n’a pas grand intérêt à prendre en compte ces nouvelles pratiques digitales. Car enfin, si de sérieux  gains de productivité étaient en jeu, nous les aurions déjà adoptées, non ? Les applications mobiles, sites sociaux et autres jeux interactifs ne serait-ils pas plutôt des gourmandises à bannir d’une informatique d’entreprise qui surveille sa ligne ?
En un mot : non. En deux mots : surtout pas.
Le phénomène auquel on assiste est historique ; ce n’est rien moins que la création d’un nouveau système nerveux pour  la planète. Au travers de l’usage que la fameuse génération Y fait des textos, de Twitter et de Facebook, ce sont les fondements d’une communication et d’une collaboration nouvelle génération qui se dessinent. Et pour ces nouveaux usagers c’est clair : pas de retour en arrière possible.
Et alors, me direz-vous ?
Et alors, si vous espérez faire de ces personnes vos clients, vos employés et vos citoyens (où ailleurs iriez-vous les chercher ?), vous devez a minima tenir compte de LEURS attentes dans la définition de la prochaine génération des système d’information d’entreprise.
Pour commencer il est urgent d’évaluer les gains de productivité à côté desquels passent les entreprises et les gouvernements qui ne s’alignent  pas avec les modes et canaux de communication de cette nouvelle génération d’usagers. Pensez à quel point  vous êtes un consommateur efficace et combien de choses vous pouvez accomplir un samedi ou un dimanche depuis votre table de cuisine. Vous avez une question ? Tapez-la sur Google ou interrogez votre réseau social. Vous voulez acheter une voiture ? Allez sur le Web et apprenez-en davantage sur les marges du concessionnaire que le vendeur en saura lui-même. Des soucis de santé ? Il existera toujours une communauté de personnes partageant en ligne leur expérience et les leçons qu’elles en ont tirées, outre la quantité d’information disponible sur le Web. Sur une note plus joyeuse : une passion pour la cuisine, le golf, le théâtre, ou les soldats de plomb ? Vous n’êtes qu’à un clic d’une pépinière d’informations et de collaborateurs prêts à vous aider.
Cela vous semble familier ?
Si l’adoption de ce nouveau paradigme ne constitue pas le luxe de demain mais l’impératif d’aujourd’hui,  alors pourquoi sommes-nous aussi longs à appliquer ces pratiques au contexte de l’entreprise ?
Comme l’évoque Geoffrey Moore (l’auteur de Crossing the Chasm), cela tient probablement à notre histoire et à notre conception des applications de gestion.  C’est bien cette perception qu’il faut faire évoluer afin d’ajouter aux  « systèmes transactionnels » (system of records)  des  « systèmes d’engagements» qui répondent aux enjeux des nouveaux consommateurs digitaux.
 
 
 
Le site Cloud Experience :

21 avril 2014

Interview sur le leadership dans la revue "Décideurs"

Entretien avec Gérald Karsenti P-DG, Hewlett-Packard France, dans la rubrique "RH et Top Management". Publié le 17 Avril 2014. 





Décideurs. Quels sont les ingrédients nécessaires au leadership qui ne sont pas assez mis en lumière ?

Gérald Karsenti
Je pense que le leadership est très situationnel. Le contexte dans lequel on évolue peut largement contribuer à faire ressortir les qualités intrinsèques d’un individu, lui donnant le statut de leader. Par exemple, la Seconde Guerre mondiale a sans doute fait de Winston Churchill l’homme qu’il a été. Lorsque l’on analyse le leadership, il faut prendre en compte non seulement des qualités propres mais également l’écosystème dans lequel l’individu évolue. Un leader a un rôle à jouer mais le leadership n’implique pas le pouvoir : tout individu dans l’entreprise peut, par la force et la passion qu’il véhicule, influencer et motiver un grand nombre de personnes. Ce qui m’amène à dire que le leadership doit être déconnecté de la notion de management. Ainsi ce n’est pas la position hiérarchique qui fait le leader mais la façon dont il est perçu par les « followers ». Vous pouvez devenir un leader sans même vous en rendre compte et, a contrario, chercher à devenir un leader toute votre vie sans jamais l’être. Pour résumer, l’équation du leader c’est : un rôle clair et défini, un périmètre d’action – le leader doit avoir les moyens de faire aboutir son plan ou ses idées –, une légitimité, sans doute le point le plus important, et un style – un leader doit bien se connaître et assumer. Je crois beaucoup au fait que le leadership suit l’évolution du monde. Aujourd’hui, nous sommes dans une phase de changement profond de modèle.


Décideurs. Quelles sont ces qualités nouvelles du leadership que vous voyez émerger ?

G. K. 
Tout d’abord, le leader de demain est quelqu’un qui voit plus loin que le court terme. Un dirigeant est guidé par la valorisation de son entreprise, mais délivrer des chiffres que les marchés attendent, répondre à l’immédiateté peut l’amener à prendre de mauvaises décisions pour le moyen/long terme. Je pense que la première grande qualité d’un leader est de percevoir avant les autres les impulsions et les axes de croissance du marché. D’autre part, un leader met en place les bonnes personnes aux bons postes, et surtout, il n’a pas peur de promouvoir les talents. Il n’est pas dérangé par le fait d’avoir autour de lui des gens brillants et s’enrichit de leurs qualités. Enfin, le leader doit inspirer la confiance et donner envie, il est naturellement optimiste. Je n’en ai jamais rencontré de pessimiste. Il a toujours un plan B si un quelconque élément l’empêchait d’avancer. C’est à ce moment qu’il arrive à entraîner les gens, à porter son projet, sa passion. La vision, l’altruisme et la confiance sont trois ingrédients clés du leader de demain.


Décideurs. Vous évoquez la passion. Comment peut-elle être motrice d’une équipe ?

G. K.
 On a longtemps considéré le leadership comme un acte de communication et il y a là un fond de vérité : le leader charismatique parle bien, de façon claire. Mais cela va bien au-delà. Il est celui qui va s’extraire de cette complexité du monde pour la rendre simple. On a observé par des études empiriques que le leader a deux caractéristiques : il communique toujours de la même façon et toujours à l’opposé des autres. Je m’explique : aborder un sujet c’est définir le pourquoi, le quoi et le comment. Quelqu’un qui n’est pas dans un acte de leadership aura tendance à se concentrer sur les deux dernières questions. Le leader oublie rarement le pourquoi. Par exemple, Meg Whitman chez HP explique clairement pourquoi elle veut transformer l’entreprise. Parce que c’est une entreprise mythique de la Silicon Valley, nous avons ce but ultime de donner à nos clients les meilleures technologies possibles et de leur changer leur mode opératoire. Elle donne du sens, elle entraîne les gens dans son projet.


Décideurs. Un leader peut-il avoir des doutes ?

G. K.
 Je pense qu’il faut faire la différence entre le doute et le questionnement : le leader se questionne constamment, il se fie à ses intuitions, mais il sait où il veut aller. Il écoute mais il ne retiendra pas tout. Il cherche à s’assurer qu’il ne passe pas à côté de quelque chose et qu’il prend la bonne direction. Dans ce monde complexe, on sait un peu sur beaucoup de sujets mais nous ne sommes plus vraiment experts d’un tout. Les leaders que j’ai vu réussir n’ont fondamentalement pas de doutes. Douter c’est inévitablement renvoyer une image négative de soi-même. Un véritable leader ne se laissera pas entraver par ses doutes.  

05 avril 2014

La course du coeur 2014 pour une belle cause !

Chaque année, l'aventure recommence. Mercredi soir dernier, le 2 avril, comme les 6 dernières années, je participais au prologue de cette Course du Coeur dédiée aux dons d'organes.  



Le départ était au Trocadéro à Paris autour du professeur Christian Cabrol que nous avions accueilli du reste avec les capitaines d'équipes sur le site de Boulogne de Hewlett-Packard France il y a quelques semaines. 

La photo Hewlett-Packard France autour de Yannick Noah. 

L'équipe Hewlett-Packard autour de Yannick Noah

Cette année était la 28ième édition. 

16 équipes de 14 coureurs et une équipe de transplantés vont se relayer pour relier Paris à Arcs Bourg St-Maurice (dans les Alpes) du 2 au 6 avril 2014. Ils y sont au moment où j'écris ce billet !!!!  

Un beau parcours pour une belle promesse ! 

Le lien pour découvrir la course du coeur plus avant : La course du coeur

30 mars 2014

Just Happy !

Il y a peu de temps, je tombais sur les statistiques ci-dessous (Source: http://www.100people.org/ statistics_100stats.php) 

If earth was a village of 100 people :
  • 23 are ill-housed (no place to shelter them from wind and rain)! 
  • 15 are undernourished and 21 are overweight; 
  • 1 dies of starvation!
  • 13 have no clean, safe water to drink!
  • 17 are unable to read and write!
  • 22 own or share a computer!
  • 75 are cell phone users !
  • 7 have an university degree !
  • 16 have no toilets !
  • 48 live on less than 2 us$ per day!
  • 51 are urban dwellers!
  • 18 have a car!
  • 25 use " of total energy consumption
Tout ceci porte à réfléchir. Imaginez, 48% de la population mondiale vit avec moins de 2 dollars par jour !


Et pourtant, alors même que la crise économique fait rage, que des difficultés émergent un peu partout dans le monde, en France en premier lieu, un chanteur, Pharrell Williams, dont je n'étais pas particulièrement fan, lance "Happy" un titre pour le moins flambloyant. Il l'est pour de nombreuses raisons. Il s'agit en premier lieu d'une excellente chanson, très entrainante, dynamique, la rythmique est excellente et donne envie de danser. Mais au-delà de cela, un mouvement est né dans le monde entier. 

Dans la foulée de la sortie de ce single, en Novembre 2013 (au passage, il s'agissait au départ de la bande originale du film "Moi, moche et méchant 2"), un long clip vidéo de 24 heures est réalisé et présenté sur le site :   24hoursofhappy.com


Il suffit de regarder ceci pour en prendre plein les yeux et prendre conscience que nous avons tous besoin de bonheur. Cela aurait pu s'appeler "à la recherche du bonheur". En dansant, on oublie tout et si certains peuvent trouver cela stupide, cela ne l'est pas. 

D'autant plus que de nombreux lip dub du clip le plus court ont été tournés dans le monde entier et sont recensés sur le site : wearehappyfrom.com

En regardant ces vidéo, on éprouve un mélange d'émotion et de bonheur. Un bon moment à savourer qui réunit les gens de tous les pays, de la ville d'Angers en France à Kiev, en passant par le Brésil ou l'Afrique du Sud

L'une des vidéos : Vidéo Happy !
Génial !!

16 mars 2014

A-t-on besoin d'un chef ?


Un chef ?

Invité à un diner il y a peu, je me suis retrouvé assis à côté d'un professeur en université et chercheur en sciences sociales. Nous étions une bonne quinzaine et les profils étaient variés. 

... ou pas de chef ? Plutôt une équipe !
A un moment donné de la soirée, la discussion s'est portée sur la nécessité ou pas d'avoir un chef. J'ai tendu l'oreille, le sujet m'intéressait. Certains affirmaient qu'il en fallait un, que nous étions fait pour être dirigés et que sans patron, tout allait habituellement à vau-l'eau.  D'autres au contraire soutenaient qu'il n'en était rien et que le monde d'aujourd'hui n'avait nullement besoin d'organigrammes structurés et de systèmes de management élaborés pour que les choses avancent dans la bonne direction. Le professeur était plutôt du côté de ceux qui voulaient des chefs. 

"Et vous ?" me demanda-t-il, étonné de mon silence. 

J'étais en fait trop occupé à écouter. Il est toujours intéressant d'écouter et il est difficile de ne pas parler. On comprend pourtant mieux les argumentaires. Je ne parle pas des idées mais des logiques qui sont utilisées, c'est-à-dire la façon dont les idées sont articulées entre elles pour former une position, un point de vue. Cela fait longtemps que j'ai compris qu'on pouvait faire "thèse-antithèse" sur presque tout. Sur un sujet donné, on peut avoir mille points de vue. Ce qui compte au final, ce n'est pas tant cela, mais le raisonnement qui est tenu. On peut défendre une position à un instant t et quelques mois après une autre sans que cela soit forcément choquant, tout est question de moment et de contexte. 

"Les recherches en éthologie sur le règne animal transposées à l'homme semblent montrer que nous avons besoin d'un chef, lui dis-je. 
- Vous avez raison.  Au bout du compte, même si nous prétendons vouloir plus de liberté, savoir qu'il y a un pilote dans l'avion nous rassure. Vous ne trouvez pas ?
- Je ne sais pas. En fait, ce n'était pas mon avis, mais le résultat de recherches dont je voulais simplement faire état. 
- Mais alors vous votre avis c'est quoi ? 

Avant la guerre, le top du top c'était de passer le bac philo. On était sur les idées. Une femme ou un homme éduqué était avant toute chose cultivé, lettré et capable de manier la langue avec dextérité. Après la guerre, on est entré dans la phase de reconstruction. L'industrie devait être reconstruite et l'ingénieur a pris les rênes du pouvoir. Très vite sortir de Polytechnique ou des Arts et Métiers était préférable à une agrégation de lettres ou de philo. 

Pendant les trente glorieuses (les années 50, 60 et 70), les organisations étaient structurées, hiérarchiques, centralisées en ce qui concerne l'exercice du pouvoir. Le chef a pris toute sa place. C'est lui qui décide, commande, ordonne, structure, nomme, licencie. C'est le chef omniprésent et responsable. Il y a là un rien de paternalisme. Du reste, des grands noms émergent, des entreprises qui portent le nom de leur fondateur. L'entreprise s'identifie à un homme ou une femme. A ce moment là, il faut un chef. 

Avec l'avénement de l'informatique personnelle, puis des réseaux sociaux, de l'internet, l'information se libère, les organisations deviennent moins formelles, on fonctionne en réseaux, on a plusieurs patrons, un hiérarchique et un ou plusieurs fonctionnels et le pouvoir se décentalise. Les délégations arrivent sur celles et ceux qui sont proches du terrain et qui, mis en pouvoir, peuvent décider, accélérer les processus de décision et gagner en vitesse d'exécution. Le pouvoir central perd en contrôle et c'est pourquoi on invente le principe de la gouvernance. 

La gouvernance est un moyen de substituer aux structures pyramidales habituelles un autre forme de contrôle. 

On est passé d'un modèle dit mécaniste à une approche dite organique. Dans le premier cas, il y a un chef. Dans le second, il y en a plusieurs ou pas, cela dépend de la façon dont on veut définir un chef. 

J'ai terminé ainsi : "Vous voyez le monde a profondément changé en quelques décennies et l'entreprise a dû s'y adapter. Même si la notion de chef ou patron a évolué dans le temps, nous avons toujours besoin de quelqu'un pour prendre les décisions importantes ... les directions. On parle du reste de dirigeant ! Celui qui dirige, qui guide, qui trace la route."

Mais rentré chez moi, j'ai poursuivi mes recherches. J'ai trouvé deux articles intéressants, qui n'embrassent pas le même point de vue, mais qui sont intéressants tous deux. 

Les voici : 



A vous de vous faire une opinion ! Bonne lecture.


 

03 mars 2014

Nos actes ne sont jamais neutres ... tant mieux !



J'aime bien l'idée qu'aucun de nos actes n'est vraiment neutre. Tout ce que nous faisons n'est en effet pas sans incidence sur notre écosystème immédiat. C'est la raison pour laquelle nous devons réfléchir avant toute décision. La plus banale d'entre elles peut entraîner sans qu'on le sache sur l'heure une réaction en chaîne qui au final peut peser plus lourd que prévu.

Chaque action est supposée générer des impacts. Plus ou moins fort. On ne sait jamais vraiment ce qui se passera. Il y a toujours une part d'imprévu dans toutes choses. 

Mais après l'impact, il y a (la ou) les réactions. C'est un mécanisme simple, mais qu'on oublie trop souvent. Il faut s'en souvenir pour ne plus jamais sous-estimer cet acte de management essentiel que constitue la prise de décision

La chaîne est la suivante : Décision - Action - Impact(s) - Réaction (s). C'est se déroule toujours à peu près dans cet ordre-là. 

Il est donc important de bien peser le pour et le contre avant d'agir, de s'assurer que notre décision est en ligne avec nos valeurs et celles de l'entreprise et que tous les paramètres ont été intégrés avec la plus grande transparence possible.

Newton a abordé ses notions "action/réaction" dans ses lois du mouvement, appelées aussi "mécanique classique" ou "mécanique Newtonienne". C'est même la troisième loi énoncée par le physicien en 1687. C'est dans le premier volume de son "Philosophiae Naturalis Principia Mathematica" : tout corps A exerçant une force sur un corps B subit une force d'intensité égale, mais de sens opposé, exercée par le corps B.

Cela me fait également penser à mes enseignements de Shotokan (Karaté). J'étais plus jeune alors, mais chacun sait qu'à chaque mouvement, un coup de poing par exemple, il y a une réaction, l'autre bras, qui va dans le sens inverse pour créer équilibre et puissance d'impact. Tout est là. 

Nous sommes là face à des oppositions de forces. Le leader expérimenté sait jongler avec cela. En pleine négociation, il sait pertinemment que tout ce qu'il fera aura un impact sur le client, son environnement, y compris sur ses concurrents. Et dès qu'on parle d'impact, il y a forcément réaction. 

Celles et ceux qui gagnent savent cela. Au moment où ils décident ils ont déjà joué dans leur tête tous les scénarios possibles et ont des plans B, C, etc. (en backup) si cela devenait nécessaire. Et tout étant devenu si complexe, les plans peuvent rapidement être à plusieurs bandes. On ne peut pas toujours tout maitriser mais on peut au moins éviter de se prendre les pieds dans le tapis quand on a tous les éléments pour juger ou pour éviter de se fourvoyer. 

Et tout cela ne doit pas freiner la prise de décision. Au contraire. Cela nous oblige simplement à prendre les bonnes et ... vite !