05 janvier 2014

Quel leadership face à la révolution numérique ?

Je voulais vous faire part d'un événement important qui s'est tenu en Mai 2013 dans les locaux d'HP France à Boulogne sur le thème suivant : "Quel leadership face à la révolution numérique ?". Cela date un peu mais le thème est important et plus que jamais d'actualité. 

Cela me permet en même temps de vous faire découvrir le site du Cercle du Leadership dont la vocation est de réunir des dirigeants de grandes entreprises désireux de promouvoir une vision et des actions innovantes en matière de management et de leadership :


Voici la synthèse de l'événement réalisée par le Cercle du Leadership :


Cycle d’études 2013 : « le sentiment d’un chaos ou l’émergence d’un nouveau monde »

Conférence avec le concours de HP à l’auditorium de HP France



A l’invitation de HP France, Le Cercle du leadership a tenu ce 30 mai 2013, la troisième conférence de son cycle d’études 2013 sur le thème de la révolution numérique.
La plupart des dirigeants des sociétés traditionnelles n’ont qu’une connaissance limitée des enjeux et des possibilités qu’offrent les NTIC. Ils se trouvent ainsi démunis face à ce qui constitue une formidable révolution industrielle, sans doute l’une des plus importantes, la révolution numérique, ce qui contribue au sentiment de chaos. Il s’ensuit des décisions stratégiques ou d’organisation souvent stériles ou dépassées.
Dans un premier temps, Marc Padovani, Chief Technical Officer de HP France, nous a rappelé quelles étaient toutes les nouveautés en matière de higt tech, de manière ludique et pédagogique, pour nous remettre dans le jeu et dans le vocabulaire des NTIC.
Puis nous nous sommes demandé en quoi les NTIC modifiaient les conditions d’exercice de notre propre leadership ; comment elles ouvraient de nouveaux modes d’accès à la connaissance ; quel rôle elles laissaient aux managers ; quelle organisation du travail il pouvait en découler ; quelles nouvelles frontières elles ouvraient aux entreprises ; et surtout quelles remises en cause personnelles elles nécessitaient.
Nous avons partagé les réflexions menées par Gérald Karsenti, Président de HP France, interviewé par Oliver de Conihout, Président de « l’Espace Dirigeants » et membre du Cercle du leadership, ainsi que les témoignages de deux jeunes créateurs de start up, Jakob Haesler, Président de Tinyclues et Olivier Gorce, Associé de QAPA.fr, tous deux interviewés par Arnaud Franquinet, DRH de Grant Thornton et membre du Cercle du leadership.

Auditorium Siège HP France







 
 
Marc Padovani met l’accent sur le déluge numérique qui bouleverse nos habitudes : chacun peut aujourd’hui se procurer pour une somme d’environ 75 Euros, une capacité mémoire de 1 Tera octets ce qui représente 2,4 kilomètres de dossiers papiers empilés, soit....7 tours eiffel
 
 


Le déluge numérique : faits ou illusions

Pour situer les choses, 1 péta octet représente 1000 Tera octets soit 7000 Tour Eiffel or Google traite environ 20 pétas par jour.
La grande Bibliothèque de France est en route pour les 2 petas.
La taille de tout internet était estimée en novembre 2011 a 5000 pétas soit 5 exas. Fin 2013, il atteindra 11 exas.
Le cerveau humain quant à lui contient potentiellement (mais ne sait pas utiliser), 11 exas octets (1 exa = 1000 petas) ce qui signifie qu’en théorie il contient tout internet.
Le futur big data center sera radicalement différent des architectures matérielles et physiques actuelles.
De nouveaux usages, tous très demandeurs de ressources (HPC, Cloud , jeux en réseau , Big Data Hadoop, In Memory Computing), ont montré la limite de ces architectures en introduisant les notions de fermes de calcul. Le parallélisme massif, la localisation des données et l’aplatissement du réseau pour répondre à ces nouveaux besoins, qui, il y a encore peu étaient l’exception, deviennent la norme.
La prochaine étape est la levée définitive des frontières entre serveur, stockage et réseau. Cette levée des frontières doit impérativement être liée à la disposition quasi infinie des ressources à bas coût. Un seul exemple : l’ensemble de l’industrie du software repose sur la double assertion que la mémoire est finie et que les disques sont lents. Pagination, sb, shared memory deviennent des objets du passé si nous savons mettre 1Peta de mémoire non volatile, travaillant à la vitesse de la DRAM, dans un serveur.
 
 
Quelques chiffres ou données sur le déluge numérique
 
  • 1 milliard de téléphones portables vendus dans le monde en 2012.
  • 700 millions de smartphones, soit une progression de 45 % par rapport à 2011.
  • 4 milliards de téléphones mobiles en 2015 (population estimée à la même époque 7,5 milliards).
  • 50 % des Américains possèdent un smartphone.
  • En 2016 l’Inde et le Brésil devanceront les USA en matière d’équipement de smartphones.
  • Les outils personnels de communication (smartphones, tablettes Portables …) dépassent en qualité ceux que les entreprises mettent à la disposition de leurs salariés.
  • La géolocalisation associée aux achats en ligne permet d’établir un marketing ciblé sur chaque utilisateur en temps réel.
  • Nous sommes la première civilisation à abandonner des pans entiers de notre vie privée à des opérateurs sans aucun contrôle.
  • Les NTIC permettent d’ores et déjà le « work at home » dans des conditions optimum avec une économie de coûts réelle pour l’entreprise. De ce point de vue, elles révolutionnent potentiellement les liens sociaux, les transports, les coûts du poste de travail.
  • Les NTIC ont totalement décloisonné vie professionnelle et vie privée.
  • Les hybrides continuent de se développer : un même appareil rempli toutes les fonctions (téléphone, PC, TV, jeux, achats, robotique domestique ….).
  • Une famille occidentale de deux enfants possède environ 10 écrans à domicile.
  • L’imprimante 3D est la prochaine grande révolution numérique : elle bousculera les habitudes d’achats et de fabrication puisqu’on fabriquera son produit à domicile. On imprimera des revolvers et bientôt des pizzas
  • Le marché de l’économie numérique 3D représentera 3 Milliards de dollars en 2018.
  • Google, Facebook, linkedin… possèdent plus d’informations sur les citoyens que tous les états et gouvernements réunis.
  • 118 milliards de mails sont échangés chaque jour dans le monde.
  • 2,45 Milliard de contenus Facebook sont échangés quotidiennement.
  • En 2011, il fallait 2 jours pour générer 5 exaoctets. En 2013, il en faudra 10 minutes.
  • Chaque minute dans le monde :
    • 82 millions de mails
    • 2,3 Millions de recherche Google
    • 300.000 tweets
    • 13.500 nouveaux sites web
  • 32 % des français utilisent un ordinateur pour regarder un programme TV.
  • 60 millions de tablettes vendues dans le monde en 2011. 370 millions en 2016.
  • Le nombre de puces électroniques est en doublement chaque année depuis 1975.
  • 70 millions de sites dans le monde en 2005, 470 millions aujourd’hui.
  • En 2009, 2 mois de production U Tubes donne plus d’images que toute la production télévisuelle réunie de l’année.
  • En France, un individu passe 3h48 par jour devant un écran (hors travail) ce qui correspond à un mi-temps de travail (20 heures par semaine).



Une rénovation nécessaire de notre mode de leadership
Trier et distribuer l’information

Lors de notre matinale du 14 février dernier qui a démarré le cycle de l’année sur le sentiment d’un chaos, nous avons notamment mis en évidence l’impact des nouveaux modes d’accès à la connaissance. L’information est accessible à tous, est-elle pour autant comprise ? Le leader semble ne plus être l’homme omniscient, mais celui qui relie les autres entre eux dans un écosystème efficient.

Gérald Karsenti partage ce point en soulignant qu’un des principaux enjeux du dirigeant devient la capacité à gérer l’information ; il doit en effet être capable de la digérer, de la trier, de la distribuer à la bonne personne, au bon moment, pour un résultat optimum. Cela requiert des qualités de nature différente : rapidité, réactivité, mais aussi discernement, empathie et proximité avec ses collaborateurs. Dans l’économie moderne, le dirigeant qui garde l’information à son profit est définitivement OUT ; il devient un destructeur de valeur, car il brise le flux d’informations qui est aujourd’hui à l’origine de toutes les décisions. Olivier de Conihout évoque quant à lui un leadership collaboratif, loin du leadership hiérarchique basé sur la seule vertu du commandement.

Olivier de Conihout et Gérald Karsenti
Olivier de Conihout et Gérald Karsenti




Gérer sa sphère personnelle
Gérald Karsenti
 
La révolution numérique abroge les frontières entre vie privée et vie professionnelle ; l’irruption des mails et sms accélèrent toutes les prises de décisions mais peut se révéler désastreuse si elle n’est pas maitrisée. Chacun doit trouver son propre mode de traitement de cette question. Pour Gérald karsenti l’impératif est de ne pas traiter les mails et sms dans l’instant, mais de les traiter par lot de préférence sur des plages de temps – généralement le soir- de sorte que ce traitement ne rentre pas en conflit avec le nécessaire contact physique avec les collaborateurs.
Pour développer ses idées, Gérald Karsenti privilégie le blog au détriment du tweet, qu’il juge « dangereux et piégeur pour un dirigeant car trop dans l’immédiateté ». 
Il a d’ailleurs créé son propre blog :

 

Devenir le coach de ses salariés !

Mais c’est sur le terrain de son propre leadership que le dirigeant doit essentiellement se remettre en cause.

Gérald, citant l’exemple de David Fattal -un jeune ingénieur HP reconnu mondialement comme l’un des meilleurs de sa génération-, n’hésite pas à dire que le dirigeant devient aujourd’hui le coach de ses meilleurs elements.

 
Biographie de Gérald Karsenti
PDG de HP France, Gérald Karsenti a été nommé à la tête de la filiale française HP France le 1er Juillet 2011. Responsable de la conduite des activités liées à un vaste portefeuille composé d’équipements informatiques, de logiciels et de services, il pilote le développement de l’activité et de la croissance en France. Gérald Karsenti occupe également les fonctions de Vice-président, Entreprise Services France, entité en charge de la transformation et des activités d’infogérance. Gérald Karsenti a rejoint HP France en tant que Vice-Président et Directeur Général des ventes de l’activité Enterprise Business en janvier 2007 où il a conduit la transformation de l’activité, obtenant des succès notables et reconnus en termes de croissance et de gains de part de marché. Avant de rejoindre HP, Gérald était président d’une filiale de services dédiée aux applications au sein du groupe Capgemini, puis directeur Général Adjoint de Sogeti France. Gérald a également travaillé près de 18 ans chez IBM où il a occupé de nombreux postes de vice-président au sein de diverses entités, notamment à la tête de la division « IBM Software Group ». Son parcours professionnel l’a amené à occuper des postes internationaux en Russie, au Japon, aux Etats-Unis et pour la zone Europe, Moyen-Orient et Afrique. Diplômé de l’IEP de Paris (Sciences Po Paris), Gérald Karsenti est également titulaire d’un Master spécialisé de HEC Paris, d’un diplôme de l’université d’Oxford et d’un Master en finance. Auteur de plusieurs ouvrages, le dernier étant « Le Business Model des Services » aux Editions d’Organisation (novembre 2010), Gérald est également professeur affilié à HEC Paris où il enseigne le leadership et la transformation des entreprises.
Gérald est marié et père de deux enfants.
Il doit se mettre en situation de les entourer dans les domaines où ils ne sont pas excellents pour les amener au plus haut niveau ; il doit être capable de déléguer en contrôlant, c’est à dire en connaissant suffisamment les techniques et les produits utiles au développement de son entreprise ;
 
Compenser la hightech par une présence physique !
Cette entreprise numérique est éclatée. Elle est mondiale, globale. Elle est parfois immatérielle : on travaille n’importe où ; n’importe quand ; l’unité de lieu et d’espace deviennent un leurre ? Chez HP France par exemple, il n’y a plus de bureaux : on se pose là où il y a de la place, cela rend plus nécessaire que jamais de trouver des occasions de maintenir un lien physique avec ses collaborateurs par tous les moyens possibles pour compenser la froideur des organisations modernes.

Les nouvelles frontières de l’entreprise
 
Ces dernières considérations nous amènent tout naturellement à évoquer, avec nos deux derniers invités, Olivier Gorce (Qapa.fr) et Jakob Haesler (Tinyclues), comment les nouvelles technologies modifient les frontières de l’entreprise.
 
L’économie de l’échange.
 
Pour Olivier Croce, sales director et Partner de QAPA, site de recrutement par internet, l’économie numérique modifie considérablement la gestion des ressources humaines. La priorité de QAPA, est de matcher le profil du candidat, avec les besoins de compétence du futur employeur. QAPA, tel Meetic en son temps, apporte un concept innovant en matière de rencontre professionnelle. Le marché de l’emploi est difficile, de nombreux sites poussent à remplir leur CV en ligne, chez QAPA, pas de CV, mais des compétences développés au fil de la carrière ou dans la sphère privée. Un fort accent mis sur le « Matching de compétences », car l’avenir du CV est incertain, il va surement disparaitre. Le temps réel est privilégié : toute une profession de recruteurs doit se remettre en question. L’économie numérique c’est l’économie de l’échange instantané.

Jakob Haesler, Arnaud Franquinet et Olivier Croce

 
La nécessité de la douceur…

 
Jakob Haesler
 
 
Pour Jakob Haesler, Président de Tinyclues, société de data minding, c’est toute la relation humaine à l’intérieur de l’entreprise qui est modifiée par la high tech. Les TPE et start up vont se développer au détriment des grosses structures, apportant un nouveau style de management. Dans cet univers, la relation hiérarchique est dépassée ; le bureau n’existe plus, laissant place à un espace libre et ouvert, à la carte. Le plus qualifié, ou le plus ancien doit apprendre du plus jeune (le reverse coaching) ; il doit remettre en cause son savoir en permanence « le release 2.0 »
Dans cette organisation débridée, où il faut gérer l’activité en mode projet ; où il faut partager le même espace de travail avec les autres ; où l’idée de hiérarchie est absente, le sens relationnel devient primordial, l’entente entre les collaborateurs essentielle.
Devant cette nécessité, Jakob Haesler n’hésite pas à en appeler à des qualités rarement évoquées par les dirigeants : la douceur, l’empathie, la bienveillance… de quoi surprendre dans l’univers froid et glacé du numérique.

Beau paradoxe !

Pour conclure, quels faits saillants ?

Cinq ou six thèmes saillants sont mis en exergue pendant la conclusion par Philippe Wattier et Gerald Karsenti.
 
 
Philippe Wattier
 
Le leadership collaboratif -celui qui consiste à aider les autres, à les relier entre eux- supplante le leadership de commandement.
Le leadership que l’on développe par sa capacité d’influence sur son environnement devient lui aussi plus signifiant que le leadership hiérarchique qui constituait jusqu’alors la pierre angulaire de l’organisation traditionnelle.
Le leadership de flux l’emporte sur le leadership de stock. Le dirigeant ne gère plus des stocks (stocks de connaissances ou de certitudes, stocks de collaborateurs, stocks de produits), il ne gère plus que des flux volatiles qu’il faut savoir utiliser à bon escient dans une unité de temps extrêmement réduite.
 
 
 

L’organisation pyramidale semble révolue et laisse place à une organisation en projet, déformable, adaptable et auto destructible. Le leader doit inventer sa propre résilience et celle de son organisation à tout moment.
Enfin, le leader devient le coach de ses collaborateurs et surtout des meilleurs d’entre eux. Il doit les choisir plus compétents que lui et s’attacher à les faire progresser dans les domaines où ils n’excellent pas encore …
 
Revenant au final sur une idée développée par Jakob Haesler, Gérald Karsenti, en guise de conclusion, choisit de mettre l’accent sur l’importance de la relation directe, physique et conviviale pour compenser l’immatérialité de la nouvelle entreprise.
L’entreprise du futur, soudée par sa machine à café en quelque sorte !

 
Gérald Karsenti
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Prise de notes : Sébastien Jai, MBA IAE d’Aix
Synthèse des débats : Philippe Wattier
Photos : Emmanuelle Solinski